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une bougie sur chaque objet que je luL indiquois; et j e fis ma tâehc dans
le temps prescrit avec autant de naïveté que de (¡délité ( pl. iZr, ):
j e remarquai beaucoup de figures sans tète; j 'en trouvai même avec la tète
coupée; elles éioient toutes d'hommes noirs; et ceux qui les coupoient et
qui tenoient encore le glaive instrument du supplice étoieut rouges ( l'Of^z
[,!. 12/1, « " 2 ) : étoient-cc des sacrifices humains? sacrifioit-on des esclaves
dans les tombeaux? ou étoit-ce le résultat d'un acte de justice, et la pun
i t i o n du coupable?. .. J'observois tout ce que j e rencoutrois, et j e mettois
dans mes poches tout ce que j e trouvois de fragments portatifs: à Tinvent
a i r c que j 'en fis depui s je trouvai la charmant e petite patere en terre cuite
( h " i Cl 2, pJanchc 100), morceau digue du plus beau temps des arts chez
t o u t e s les nations qui s'en sont le p!us occupées; des figures de divinités
e n bois de sycomore, ébauchées avec une franchise extraordinaire; des
(bevexix, fins, lisses et blonds; un petit pied de momie, qui ne fait pas
moins d'honneur à la nature que les autres morceaux en fout à l'art; c'étoit
sans dout e le pied d'une jeune femme, d'ixnc princesse, d'un être charmant,
dont la chau.ssurc n'avoit j ama i s altéré les formes, et dont les formes étoient
p a r l a i t e s ; il me sembla en obtenir une faveur, et faire un amoureux larrin
dans la lignée des Pharaons (TOJTZpl. 100, En f i n on m'arracha de
ces tombeaux, où j'étois resté trois heures, où j'anrois pu être tout autant
occupé pendant trois jours : le mystcre et la magnificence intérieure de
ces excavations, le nombre de portes qui les défendoient, tout me fit voir
<)ue le cuhc religieux qui avoit creusé et décoré ces grottes étoit le même
que celui qui avoit élevé les pyramides. Enfin nous quittâmes bien vite
ces retraites où tanl d'objets intéressants devoient nous retenir, pour arriver
de bonne heure à Alicatc, où personne n'avoit rien à faire. J'éprouvai,
comme toutes les autres fois, que la traversée de Thebes étoit pour moi
comme un accès de fièvre, comme une espcce de crise qui me laissoit
u n e impression égale d'impatience, d'enthousiasme, d'irritation et de fat
i g u e .
Le lendemain matin nous arrivâmes de bonne heure à Nagadi, riche
b o u r g peuplé de chréliens; l'évèque copthe, la crosse à la main, à la tèle
do tous ses fideles, vint au-devant de nous, et nous conduisit à une maison
o ù étoit préparé un d<-jeuné pour l'état-major et tout le détacl iement, c'étoit
sans doute en actions de graces d'avoir délivré le pays des courses des
Mekkains, et particulièrement d'avoir tiré l'évèque de la captivité où nous
l'avions trouvé au ebâteau de Benlioute. Nous vînmes coucher à Balas.se,
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qui a donné son nom aux jarres de terre, dont ses mant ifactures fournissent
n o n seulement toute l'Egypte, mais la Syrie et les isles de l'Archipel; elles
o n t la qualité de laisser transsuder l'eau, et par-là de l'éclaircir, et de la raf
r a î c h i r ; fabriquées à peu de frais, elles peuvent être vendues à si bon
m a r c h é , qu'on s'en sert souvent pour construire les murailles des maisons,
e t que l'habitant le phis pauvre peut s'en procurer en abondance: la nature
e n donne la matiere toute préparée dans le désert voisin; c'est une marne
grasse, fine, savonneuse, et compacte, qui n'a besoin que d'être huuiectée
e t maniée pour être malléable et tenace : et les vases que l'on en fait,
t o u r n é s , séchés et cuits à moitié au soleil, sont achevés en peu d'heures
par l'action d'un seul feu de paille: on en forme des radeaux, que tous les
voyageurs en Egj-pte ont décrits : ils se transportent ainsi le long des bords
d u Nil; on en débite une partie dans le chemin; le reste s'eiabar((ue à
Rosette et à Damiet t e pour le faire passer en pays étrangers {voyez pl. 94,
rf 2'): j'ai trouvé les mêmes jarres, dans les mêmes formes, employées
a u x même? usages, montées sur les mêmes trépieds, dans des tableaux hiér
o g l y p h i q u e s {voyez planche ii5, 11° 3i ) , et dans des peiiUures sur des man
u s c r i t s ( voyez planche 136 ).
Le lendemain, nous arrivâmes de bonne heure vis-.à-vis Kéné, où nous
trouvâmes le Nil six pieds plus élevé que nous ne l'avions laissé.
Nous apprenons que Mourat-bey a quitté les oasis, qu'il est descendu
par la route de Siouth dans les environs de Miniet, qu'il a ouvert des
i n t e l l i g e n c e s dans la basse Egjpte, et juscpi'au nord de l'Afrique, qu'il
e n a fait arriver un émissaire qui a débarqué ii D eme . Cet émissaire n'est
r i e n moins que l'ange êl-llahdi, annoncé et promis dans le koran; il est
r e c o n n u par un adgi conduisant deux cents Mongrabins ; le drapeau du
p r o p h e t e est déployé, les prodiges sont annoncés; les fusils, les canons
même des Fi-anrais ne pourront atteindre ceux qui suivront cette enseigne
sacrée ; nombre d'Arabes joignent ce premier rassemblement : il arrive
tout-à-coup dans la province de Bahiré, s'empare de Demenhour gardé par
s o i x a n t e Français; à ce premier succès, les partisans de cette nouveauté
a c c o u r e n t , les Bédouins arrivent de toutes parts, la tourbe devient innomb
r a b l e , semblable aux tourbillons qui traversent.le désert, élevant dans
l e u r marche des trombes de siible et de poussière, semblent en même
temps menacer le ciel et la terre; mais au premier objet dont leur base
est atteinte, penchent, vacillent, et s'évajiouissent dans l'espace. Un détacliement
est envoyé; Demcnliour est repris, quinze cents hommes des