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S . v a r i , taiulis f,ue U- Bel l iard organisolt celle que nous devions
faire à Cosséir. .l'aurois bien voulu être par-tout; mais il falloit choisir: tandis
q.ie je balançois, Mourat quitta Ilellouah: les Anglais avoient paru à Cosséir;
tous les soins se tournèrent de ce côté: le général Donzelot arriva à Kéné,
¡1 avoit ordre d'v tracer le plan d'an fort à tenir six cents hommes, et
dalier former un étabhssement à Cosséir. On fit toutes les provisions nécessaires
pour l'un et l'autre projet; et tout fut bientôt prêt pour entrer
dans le désert.
Nous rassemblâmes une grande quantité de chameaux; je dis nous, paroeque
peu-à-peu on s'identifie à ceux avec qui l'on vit, et que ce qui arrivoit
à la division Desaix, et plus particulièrement à la demi-brigade, la vingtiiniemc,
me devcnoit personnel; je partagcois ses périls, ses succès, ses
malheurs, et croyois partager sa gloire. Trois cents soixante-six des nôtres
devoient composer la caravane; nous avions un chameau pour chacun de
nous, portant de plus le bagage et l'ean nécessaire à chaque individu;
deux cents chameaux étoient chargés des choses de premieres nécessités
pour notre établissement à Cosséir. A notre caravane s'étoicnt joints les chefs
d'Arabes, qui renoient de faire alliance, et qui proiitoient de cette occasion
de nous faire leur cour en nous servant de guides, d'éelaireurs, d'escorte, et
d'arrierc-garde; en tout la troupe ponvoit être portée à mille ou onze cents
hommes, et autant de chameaux. Le boute-selle fut très plaisant; le chameau,
si lent dans ses actions, leve très brusquement les jandses de deiriere dès
l'instant qu'on pose sur la selle pour le monter, jette son cavalier d'abord
en avant, puis en arrière, et ce n'est enfin qu'au quatrième mouvement,
lorsqu'il est tout-à-fait debout, que celui qui le monte peut se trouver
d'à-plomb: personne n'avoit résisté à la premiere secousse; chacun de se
moquer de son voisin: on recommença, et nous partîmes.
Nous sortîmes de Kéné, le 6 prairial, à dix heures du matin, et arrivâmes
à quatre heures de l'après-midi à Birambar ou Biralbarr, le Pnils-<lcs-
Puits, village sur le bord du désert, à la hauteur de Copthos, et vis-à-vis
le défilé qui mené à la Kittah, fontaine dont j'ai parlé plus haut, et qui
est le centre de l'étoile qui communique à tous les chemins <[ui conduisent
à Cosséir: nous fîmes halte à Birambar; après .¡ue les chameaux eurent
bu et mangé suffisamment, on les força d'avaler une seconde ration d'orge
ou de fèves en les leur mettant dans la bouche.
Le nom de Biralbarr ou Puils-des-Puits vient sans doute des deux fontaines
(lui sont la seule ressource qu'offre ce village; l'eau en est soufrée,
mais douce et rafraîchie par le nitie qu'elle contient. J'avois redouté le
balancement de l'allure du chameau; la vivacité du dromadaire m'uvoit fait
craindre de sauter par-dessus sa lèLe : mais je fus bientôt détrompé. Une
fois en selle, il n'y a plus qu'à céder ad mouvement, et l'on éprouve tout
de suite qu'il n'y a pas de meilleure monture pour faire une longue route,
d'autant qu'on n'a à s'en occuper que lorsqu'on veut la diriger dans un
autre sens, ce qui arrive rarement dans le désert et en marche de caravane:
le chameau bronche peu, et ne tombe jamais où il n'y a pas d'eau;
les dromadaires sont parmi les chameaux ce que sont les lévriers parmi les
chiens; ils ne servent que pour la selle; ils onl une boucle infibulée dans
la narine, à travers laquelle ou passe une ficelle qui serL de bi'ide poui'
l'arrêter, le tourner et le faire agenoudler lorsque l'on veut en descendre;
l'allure du dromadaire est leste; l'oiiverLure des angles que forment ses
longues jambes, et le ressort assoupli de .son pied charnu rend son Lrot
plus doux, et cependant aussi rapide que celui du cheval le plus léger.
En sortant de Biralbarr nous tournâmes à l'est, et entrâmes dans une
vallée large et prolongée, qui forme une longue plaine, aux extrémités de
laquelle quelques pointes de rochers avertissent cependant qu'on traverse
une chaîne. Je regrettois Dolomieu dans ce voyage; mais le ciloycn llosiere
le remplaçoil. Nous marchâmes ainsi jusqu'à deux heures de nuil avec uii
ordre assez bien conservé pour qu'en notis arrêtant nous nous trouvassions
2)ostés militairement : chacun aupi ès de nos chameaux nous étciidimes
nos tapis, soupâmcs, et dormîmes. A une heure du matin la lune se leva;
ou battit le tambour, et cinq miuules après nous fûmes en marche sans
trouble ni désordre. C'est dans le désert qu'on redouble de respect pour le
chameau, pour ce vénérable animal; quelque dure que soit sa condition, il
la connoît et s'y conforme sans iinpaLience; vrai don de la providence, la
nature l'a placé sur le globe dans une région où poiu' l'îitilité des hommes
il ne pourroit èlrc remplacé par aucun autre agent; le sable est son élément,
dès qu'il eu sort et qu'il touche à k boue, à peine il peut se soutenir,
.ses fréquentes chûtes et son embarras font trembler pour lui, pour sa charge,
ou pour son cavalier; mais on peut dire que le chameau dans le désert est
comme le poisson dans l'eau.
A la pointe du jour nous ari ivâmes à la kitiab, fontaine a.sscz étrange,
puisqu'elle est située sur un plateau plus élevé (jue tout ce qui l'entoure; cette
fontaine consiste en trois puits de six pieds de profondeur, creusés d'abord
dans un lit de sable, ensuite dans un rocher de grès, à travers duquel filtre
l'eau, et remplit douccnu-ni les trous que l'on y fait; il y aune petite mosquée
ou caravansérail qui abrite les voyageurs quand ils sont peu nombreux.
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