Il ne mant,ne an Mockaliiir- que des rochers de granit et de porphyre
pour qu'il ait toutes les conditions dune chaîne primitive; encore doitK>n
croire que dans d'autres points on troaveroit ces rochers, puisque dans
1« hreche de celui-ci on y en voit des fragments roulés. On observe sur
Tune et l'antre inclinaison les mêmes circonstances, c'est-à-dire les sables
provenants de la décomposition de la pierre calcaire, les rochers calcaires,
les grès, le schiste et la breche, le schiste, le grès, la pierre calcaire et le
sable; la dégradation des rochers, réduits souvent à nn noyau, offre l'image
de la (léerépitude des montagnes de la Chine. Cette vallée qui a la réputation
de posséder des mines d'émeraudes n'en a laissé voir aucun indice
au citoyen Rosiere.
Isolés et relégués comme nous l'étions, nous attendions toujours des
nouvelles; au retour de chaque expédition, nous étions encore plus empressés
d'apprendre les détails des travaux et des succès de nos chefs: mais
cette jouissance étoit souvent troublée par la douleur qae nous ressentions
de la perte de quelques uns de nos braves coiupagnons. Ces fatigues de
lame, jointes aux fatigues du corps, reportoieni mélancoliquement nos
pensées vers notre patrie, et nous faisoient sentir notre dénuement et le'
besoin de nous rapprocher d'êtres qui nous fussent chers. TVous eûmes à
regretter à cette époque le général Caffarelli, qui joignoit aux talents les
plus distingués le zele d'un patriotisme vraiment philanthropique; il méloit
à l'ardeur des entreprises hasardeuses l'amour de l'immanîté, veilloit sans
cesse au bonheur des hommes et à leur conservation: chaque être instruit
ou sensible crut penhe en lui un pere, un ami: en faisant mes dessins,
j'avois souvent pensé au plaisir que j'aurois à les lui montrer, à la considération
que mon zele obtiendroii de lui: est-il nue récompense comparable
à l'approbation d'un être qu'on estime?
Nous étions revenus altérés des faveurs du Nil; nous aspirions à l'instant
<l'imbiber notre peau desséchée de son eau salutaire, lorsque nous la trouvâmes
toute dénaturée; les derniers jours du kamcin, le cours du Nil
se ralentit; il perd sa salubrité ordinaire, sa transparence; ses eaux deviennent
vertes, et il charie des flaques fangeuses (|ui exhalent une odeur
marécageuse; ce n'est plus enfm ce Ni! créateur et restaurateur de l'Egjpte.
il languit, et sa décrépitude effraieroit les habitants de ses bords, si sa
.^génération périodique n'étoit un phénomène aussi rassurant pour eux
que surprenant pour l'éti-anger observateur: il diminue jus(|u'au 28 prairial,
reste deux jours en stagnation cl le 3o, il commence à croitre. C'est a
cette époque que le séjour de la haute Egypte est presque insupportable:
les vents sont variables; ils passent sans cesse de l'est an sud, ou au sudouest:
ce dernier est terrible; il trouble l'atmosphere, voile le soleil d'une
vapeur blanche, seche, et brillante; il altère, il désseche, il enflamme le sang,
irrite les nerfs, et rend l'existence douloiu-euse; il opprime tellement les
poumons, qu'on cherche involontairement un autre lieu pour respirer,
se croyant toujours à la bouche de quelque four ardent; si l'on aspire l'air
par le nez, le cerveau en est affecté, et lorsqu'on renvoie la respiration,
on croit rendre des flots de sang; tout ce que l'on touche est brûlant, et
le fer même dans la nuit acquiert le degré de chaleur qu'il a en France
dans Ja canicule, exposé à midi aux rayons du soleil. Nous fîmes pendant
ces derniers jours une tournée à Sahmatah et à Aboumanah, conflns du
gouvernement de la Thébaide, pour régler avec les habitants les travaux
des digues et des canaux. Notre gtinéral fut reçu en gouverne»ir de province;
le kaïmakam ou général de la gendarmerie, homme rielic, nous
avoit préparé, dans une de ses propriétés, une grande cour bien arros(T,
où nombre de pastèques et de vases qui répandoient la fraîcheur calmoient
un peu l'intempérie de la saison; le soir, il nous senit un souper
pour nous, pour les cheikhs de la province, pour le détachement ([ui
nous accompagnoit, et enfin pour les itinoiTibrables serviteurs qui s'étoient
mis à notre suite; car, dans l'Orient, c'est une espece de vermine qui s'engendre
et vous mange sans qu'on puisse ni s'en défendre ni s'en pr(-server.
A peine a-t-on un domestique qu'on est servi par un autre, qui n'a jamais
tant de zele que lorsqu'il n'a point de salaire, et ne vous donne de véritable
soin que lorsqu'il est le scniteur de votre serviteur; mais it peine
a-t-il un habit, qu'il lui faut un clieval, et bientôt un autre officieux en
troisième ordre, et de suite: ce nombre de sangsues, dont l'ainK-e se grossissoit
insensiblement, étoit plus à charge au pays, et plus barbaicnient
destructif pour les habitants que l'armce elle-mêuie; ils voloienl avec
une audace atroce et proport ionnée au grade ou au pouvoir de leurs maîtres,
avec lesquels ils devenoicnt in.solcnts dés qu'ils pouvoient passer à un autre
plus puissant, près duquel ils croyoient trouver plus d'impunité; ils exerçoicnt
toujours leurs brigandages aux dépens du cnltivateur, du manufacturier,
de toutes les classes utiles et respectables de la société: il estvrai
que chaque combat en faisoit partir nn grand nombi-e; mais ils rcvenoient
pour le pillage, et ne faisoient que changer de division: j'en ai vu
qui, au commencement de la campagne, avoient été palefreniers, commander