PREFACE.
CPS cent portes, expression poétiffue par la<[u<'ll(' llomere a voulu d'un
seul mot nous peindre cotte ville superbe, chargeant le sol du poids de
ses portiques, et dont la largeur de l'I^gyple pouvoit à peine contenir
l'étendue. Sept voyages n'ont pas suffi à la (un-iosité que m'avoil inspirée
cette premiere jotu'née; ce ne fut qu'à ta quatrième que je pus loucher
à l'autre rive du fleuve.
"Plus loin, Hermontis uï'auj oit semblé superbe, si je ne l'eusse trouvée
prestpie aux portes doThehes. Le temple d'Esney, Vunc.iennc Lalopolis,
uie parut la perfection de l'art chez les [''gyptiens, une des plus belles
productions de l'antiquité; celui d'Edfu (ou Apollinopolis Magna),
un des plus grands, des plus conservés, et le mieux situé de tous les
monuments de l'I^gypte : en son état actuel il paroit encore une foi'-
teresse c|ui la domine.
« Ce fut là que le sort de mon voyage fut décidé, et que nous nous
mimes irrévocablement en marche pour Syené ( Assuan ) ; c'est dans
cette traversée de désert que pour la premiere fois je sentis le poids
des années, que je n'avois pas comptées en m'engageant dans cette expédition;
mon courage plus que mes forces me porta jusqu'à ce terme.
Là je quittai l'armée pour rester avec la demi-brigade (¡ui devoit tenir
Mouràd-bey dans le désert. ¥ier de trouver à ma patrie les mêmes confins
qu'à l'empire romain, j'habitai avec gloire les mêmes quartiers des trois
cohortes qui les avoient jadis défendus. Pendant \ingL-deux jours que
je restai dans ce lieu célébré je pris possession de tout ce qui l'avoisinoit.
Je poussai mes conquêtes jusque dans la Xubic , au-delà de
Phiice, isle délicieuse, dont il fallut encore arracher les curiosités à ses
farouches habitants; six voyages et cinq jours de sieges m'ouvrirent
enfin ses temples. Sentant toute rim])oriance de vous faire connoilre
le lien que j'habitois, toutes les curiosités qu'il rassend)loit, j'ai dessiné
jusqu'aux rochers, jusqii'aux carricres de granit, d'où sont sorties ces
figures colossales, ces obélisques plus colossales encore, ces rochers
couverts d'hiéroglyphes. J'aurois voulu vou.s rapj)orl(a', avec les formes,
des échantillons de tout ce qu'elles contiennent d'inléressant. Ne pouvant
faire la carte du pays, j'ai dessiné à vol-d'oiscau l'entrée du Isil
dans l'Lgypte, les vues de ce fleuve roulant ses eaux à travers les aiguilles
granitiques , qui semblent avoir marqué les limites de la brûlante
PREFACE. 5
Ethiopie, et d'un pays plus heureux et plus tempéré. Laissant pour
jamais ces âpres contrées, je me rapprochai de la verdoyante lUéphantine,
le jardin du tropique: je recherchai, je mesurai tousles monuments
qu'elle conserve, et quittai à regret ce paisible séjour, où des occupations
douces m'avoient rendu la santé et les forces.
» Sur la rive droite du Nil je trouvai OmOos, la ville du Crocodile,
celle de Junon Lucine, Coptos, près de laquelle il fallut défendre ce
que je rapportois de richesses, du fanatisme atroce des Mekkyns.
« Établi à Qcnch , j'accompagnai ceux qui traversèrent le désert
pour aller à Qosséir mettre une barriere à de nouvelles émigrations de
l'Arabie. Je vis ce que l'on pourroit appeler la coupe de la chaîne du Moqacham,
les bords stériles de la mer Rouge: j'appris àconnoitre, à révérer
cet animal patient que la nature semble avoir placé dans cette région
pour réparer l'erreur qu'elle a commise en créant im désert. Je revins à
Qénéh, d'où je partis successivement pour retournera Edfoù, àEsnê, à
Hermontis, à Thebes, à Dcnderah; à Edfoù, à Thebes encore, toutes les
fois qu'on envoyoit un détachement, et par-tout où il éloit envoyé. Si
l'amour de l'antiquité a fait souvent de tiioi un soldat, la comj)laisaiice
des soldats poiu* mes recherches en a fait souvent des anti([uaircs. C'est
dans ces derniers voyages que j'ai visité les tombeaux des rois; que j'ai
pu prendre dans ces dépôts mystérieux une idée de l'art de la peinture
chez les Égyptiens, de leurs armes, de leurs meubles, de leurs ustensiles,
de leurs instruments de musitfue, de leurs cérémonies, de leurs
triomphes; c'est dans ces derniers voyages que je suis parvenu à m'assurer
que les hiéroglyphes sculptés sur les murailles n'étoient pas les
seids livres de ce peuple savant. Apres avoir trouvé sur des bas-reliefs
des personnages dans l'action d'écrire, j'ai trouvé encore ce rouleau de
papyrus, ce manuscrit unique qui a déjà fait l'objet de voire curiosité;
frêle rival des pyramides, précieux gage d'un'climat conservateur,
monument respecté i)ar le temps, et que quarante siecles placent au
rang du plus ancien de tous les livres.
« C'est dans ces dernieres excursions qiui j'ai cherché, |)ar des rapprochements,
à compléter cette volumineuse collection de tableaux
hiéroglyphiques; c'est en pensant à vous, citoyens, et à tous les savants
de l'Europe, que je me suis trouvé le courage de copier avec une