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des rois; mais il folloit des sokUts pour les aller rhercber, et les troupes
é t o i e n t fatiguées outre mesure par les marches forcées' et répétées (pi'caies
v e n o i e n t de faire; j e me recommandai aux événements, et dans la suite
i ls secondei-ent mes désirs.
A la pointe du jour, je m'approchai assez près de Guédime pour von- la
rnitie q.ii y existe : quat r e colonnes portent encore trois pierres de leur entab
l e m e n t , et en avant on voit la base do deux môles, absolument ruinés et
sans forme; ce sont les seuls fragments qui restent d'un monument, qui
a u j o u r d ' h u i a du moins le gran<l avantage de servir comme de jalons
r mesurer monumcntalcment l'extension d p o u e T l i e b c s .
A midi, nous arrivâmes à Kous, où nous apprîmes que les Mekkains
a v o i e n t passé par les mains de tous nos détachements, et en fuyant avoient
passe à Tata sous le sabre de notre cavalerie, qui, pour la tranquillité du
p a y s , avoit exterminé tout ce qui eu restoit; leurs besoins les avoient
rendus un véritable fléau, et les propriétaires les poursuivoient comme
des bctes féroces.
Les habitants de Kous, toujours bien intentionnés, et qui nous avoient
a c c u e i l l i s lors même qu'ils croyoient que nous marchions à une perte certaine,
v inr ent au-devant de nous , et n o u s reçurent comme des triomphateurs.
I,e' chéri f de la Mekke uvoit envoyé au général Desaix pour protester
contre l'expédition de ses compatriotes, et pour proposer alliance et amitié ;
les villes de Gidda et de Tor demandoient aussi la paix, et Cosséir offrit
de se soumettre. Nous sûmes que Soliman et un autre bey étoient allés
avec le.u-s fcmnu>s aux oasis; nous pûmes juger de la détresse des autres
à la soumission des habitauts, au paiement volontaire du miri, au rapproc
h e m e n t des chefs d'Arabes, et à une hilarité répandue dans le pays, que
j e n'avois pas encore vue, et qui me lit espérer qu'à l'avenir nous pourrions
faire en même temps le bonheur des naturels du pays, et la fortune des
colons.
Desaix fit annoncer que les terres ensemencées qui avoient été mangées
e n herbe par les Mamelouks et par les Trançais ne paieroient pas le miri:
ce premier règlement d'équité charma les habitants autant qu'il les surprit
; mais ils furent enticremeut coiiquis lorsqu'on leur déclara qu'ils
pouv-oient se vêtir sans distinction, comme le leur permettroicnt leu.s
m o y e n s , sans que cela compromît leurs propriétés. Des négocianls de Coss
é i r , qui s'étoicnt tenus cachés, sortirent de leur village, et vinrent acheter
du blé à Kéné; ceux de Gidda arrivèrent sur leurs vaisseaux chargés de
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c a f é , et \inrent avec ceux de Cosséir offrir de payer un droit qui n'étoit
plus arbitraire. Enfin nous cotiimeneames à voir de l'argent arriver sans
b a ï o n n e t t e s , la paille, l'orge, et les boeufs, garnir nos magasins et nos parcs;
e t les chefs de village nous pi'omirent au nom des cultivateurs que la camp
a g n e , alors ridée et seebe, seroit l'année prochaine verdoyante, et couv
e r t e de moissons, dont le seul miri surpasseroit la totalité de la récolte
d e cette année.
Les caravanes députoient au.ssi vers nous et nous demandoient des
passe-poi ts ; les Mamelouks abandonnés par leurs maîtres venoient nous
apporter leurs armes, nous demander à sei'vir dans l'armée: nous avions
donc le .spectacle satisfaisant de l'écnmlement d'un gouvernement odieux
a tous, sans ressource dans sa détre.ise, et ne conservant pas une seule
base siir laquelle il pût fonder son rétablissement.
Egalement éloignés d'Elfi-bey, qui uvoit descendu le fleuve, et d'Osman,
((ui l'avoit remonté jusqu'il Syene, nous nous leposâmes quelques jours à
K o u s : je (is le dessin du couronnement d'une porte, le seul morceau d'ant
i q u i t é qui reste de l'ancienne Apolliuopolis pai'va ( /iin-fz ¡>i 80, 11° 3),
Ce seul fragment semble |)hts grand que tout le. reste de la ville; il offre
un tableau frappant du caractere munumcnlal de l'arcìiitecture des Egypl
i c n s ; le reste de cet édifice e.st sans doute enfoui sous la montagne d'ordures,
sur laquelle est bâtie la ville moderne. Je copiai aussi ce qui restoit
d'une inscription écrite sur le listel de la gorge du couronnement de cette
porte (mt'mr planche, n° •! ) : cette inscription étoit postérieure au monunjent;
j'ai crus voir une adroite flatterie d'un préfet de la haute î^gj'pte au
temps des Ptolémées, qid. après vingt ou trente siecles, s'est avisé, à la
suite de quelques réparations, de dédier ce temple à ses maîtres, d'écrire
leurs noms sur cette porte, et de charger ce monument de les porter à
la postérité : en effet la gloire des rois ne traverse la luiit des temps
q u ' i n s c r i t e sur les monuments qu'élevent les arts; privés de leur éclat,
certains siecles sourds et muet s dévorent les événements, ne lai.s.sent échapper
que des noms ternes dont la mémoire ne veut pas se charger, et que l'hist
o i r e répété en vain, Que seroit Achille sans le poème d'ITomere, qui est
aussi un monument? C'est par les luonunients qu'on connoît Sésostris; les
arts chaque jour nous répètent le nom de Périclès; ils font toute la gloire
du beau siede d'Auguste; celui de Médicis illustre la Toscane, et le tombeau
de r . a u r e n t rayonne de lumières, tandis qu'on cherche en vain ceux des
G e n s e r i e , des Attila, des Tanierlan, ces ouragans, ces fléaux de la terre qui
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