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i i ' a u r o n t - i l s pas toujours à nous reprocher de semer de riches moissons
s u r les tombeaux de leurs ancêtres?
T a n t que nous n'avions pas été maîtres d u Caire, les liabitants des bords
d u Nil, regardant notre existence comme très précaire en Egypte, s'étoient
soumis en apparence à notre armée lors de son passage; mais, ne doutaiiL
p o i n t ({u'ellc ne se fondî t b ientôt devant leurs invincibles tyrans, ils s'étoient
p e r m i s , soit pour qu'ils leur pardonnassent de s'être soumis, soit pour se
l i v r e r à leur espril de rapine, de courir et de tirer sur les barques que
n o u s envoyions à l'armée, et sur celles qui en rcvenoient: quelques bat
e a u x furent obligés de rétrograder, après avoir reçu pendant plusieurs
l i e u e s de chemi n des coups de fusils, n o t amme n t des habi tants des villages
d e Metubis et Tfemi. On envoya contre eux un aviso et quelques troupes:
j ' é t o i s de cette expédition; les instructions étoient pacifiques; nous accept
â m e s leurs soumissions, et emmenâmes des otages. Je lis, pendant les
p o u r p a r l e r s qu'exigea notre traité, les vues de Melubi s et de Tfemi . ( Voyez
plnnche i6, tf i, 2, 3 et 4 ). Le n" 3 est Metubis; le n" i est la vue de Tfemi ,
qui est vis-à-vis du premier; le n" 4, même planche, est le village de
S a n d i o n , que l'on trouve sur la route de Fua; et le n" 2 sont les trois villages
ci-dessus, qu'à une certaine hauteur on apperçoit tout à lu fois.
Q u e l q u e s jours-après, une autre barque partit pour le Caire: on n'ent
c n t i i t plus parler de ceux ([ui la mont o i ent ; et ce ne fut que par les gens
d u pays que nous sûmes qu'ils avoiont été at taqués au-delà de Tua; qu'après
avoir été tous blessés, leurs conducteur s s'étoient jetés à l'eau; que, livrés au
c o u r a n t , ils avoient échoué; qu'.irrêtés et conduits à Salmie, ils y »voient
é t é fusillés. Le général Menou se crut obligé de faire un grand exem|)le.
Nous partîmes donc avec deux cents honnnes sur un demi-chcbek et des
b a n j u e s ; nous mîmes à terre à une demi-lieue de Salmic: un détachement
t o u r n a le village, un antre suivit le bord du fleuve; la troisième division,
qui devoit achever la oirconvallation, étoit restée engravée à deux lieues
au-dessous. Nous trouvâmes les ennemis à cheval, en bataille, devant le
v i l l a g e ; ils nous attaquèrent les premiers, et chargerenl jusque sur les
b a ï o n n e t t e s : les principaux ayant été tués à la premiere décharge, et se
voyant entourés, ils furent bientôt en déroute; la troisième di^ision, ({ui
d e v o i t fermer la retraite, n'étant point arrivée à temps, le cheikh et tous
les combattants s'échapperent. TA- village fut livré au pillage pendant le
r e s t e du jour, et au feu d«'!s que la nuit fut venue: les flammes et des
coups de canon taTit que durèrent les ténèbres avertirent à dix lieues à
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la ronde que notre vengeance avoit été complete et terrible. J'en fis un dess
in à la lueur de l 'incendie (/V. 28, «"2) ; te n" i , pl. 20, est Salmie vue de jour.
Nous revînmes à Fua, où nous fûmes reçus en vainqueurs qui savoicnl
m e t t r e des b(u-nes à leur s vengeances: tous les cheikhs d(> la pi ovince avoiciu
é t é convoqués, et s'étoient assemblés; ils entendirent avec respect <a résigna
ti(m le manifeste (|ui leur fut lu concernant l'expédilion , et les
bases sur lesquelles alloit s'établir la nouvelle organisation de Salmie. On
nomma un ancien cheikh à la place de celui que l«;s Français venoient de
déposséder et de proscrire; il iut envoyé pour rassembler les habitants
é p a r s , et amener une deputation, c|ui arriva le troisième jour. Le détachem
e n t qui avoit conduit le vieux cheikli avoit été reçu avec acclamation.
Les députés nous dirent en aii'ivant qu'ils avoient reconnu la pa t e r n i lé
dans la main qui s'étoit appesantie sur eux; (pi'ils voyoient bien (juc nous
n e leur voulions point de mal, puisque tu)us n'avious tué que neuf coup
a b l e s , et bridé que le quart du village; ils ajoutèrent que le feu (^oit
é t e i n t , c[ue la mai son du cheikh émigré étoit détrui te, et qu'ils avoient offert
le reste des poules et des oies aux soldats qui étoient vernis tei'miiicr l(;s
r e m o r d s qui les tournicntoient depuis trois semaines.
Nous établîmes une poste ordiruiire à Salmie d'accoid avec les arrondi.
ssements avoisinants, el nous achevâmes notre exj)édilion par une tournée
d u département. Dans chaque village nous étions reçus d'une inaiiiei'e phis
que féodale; e'étoit le principal personnage du pays qui nous reeevoit, et
faisoit payer notre dépense aux habitants. Il falloit conuoî t r e les abus avant
d'y remédier; séduits d'ailleurs par la facilité que le hasard nous offroit
d ' o b s e r v e r les coutumes d'un pays dont nous allions changer les moeurs,
n o u s laissions faire encore pour cette fois.
L'ue maison publ ique, qui presque toujours avoi t appar tenu au Mamelouk,
ci-devant seigneur et maître du village, se t rouvoi t eu ini niomeat meublée,
à la mode du pays, en nattes, tapis, et coussins; un nombre de serviteurs
a2>portoit d'abord de l'eau fraîche parfumée, des pipes el du café; une
d e m i - h e u r e après, u n tapis étoit é tendu; tout autour on formoit im bourlet
de trois ou qjuitre cspeees de pain et de gâteaux, dont tout le centre étoit
couvert de petits plats de fruits, de confitures, et de laitage, la plupart
assez bons, sur-tout très parfumés. On sembloil ne faire que goiiter de
tout cela; effectivement en ([uelques minutes ce repas étoit fini: ruais deux
h e u r e s après le même tapis étoit couvert de nouveau; d'autres pains et
d'immenses plats de riz au bouillon gras et au lait, de demi-moutons mal
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