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que nous faisions à cheval, c'est que le fond de ce palais, qui est adossé
il la montagne, et qui me parut la partie la plus anciennement construite,
(•toit couvert d'hiéroglyphes, très profondément creusés, et sans aucun
r e l i e f ; que la catholicité, dans le quati-ieme siecle, s'est emparée de ce
t e m p l e , et en a fait une église, en y ajoutant deux rangs de colonnes dans
le style du temps, pour pouvoir soutenir une couverture. Au sud de ce
m o n u m e n t , il y a des appartements égyptiens avec des fenèti-cs quarrées,
des escaliers, le seul édifice que j'eusse vu encore ([ui n e fût pas un temple
{voyezpl. n" 1 ); à côté, des fabriques reconstruites avec des matériaux
plus anciens, devant lesquelles sont une façade et une cour qui n'ont jamais
é t é achevées (voyez encore les dessins que j 'en ai faits depuis, yVi/wA*^ 46)-
C'étoit plutôt là un coup-d'ccil, une rcconnoissance faite à la hâte qu'un
v é r i t a b l e examen. T^a p r emi e r e soif de curiosité satisfaite, Desai x s'ctoit remis
a u galop comme s'il eiit vu les Mamelouks dans la plaine; il nous mena
e n c o r e à deux grandes lieues de là coucher à Ilermontis, où pour ma
p a r t je fus loge dans un temple.
J e pouvois enfin descendre de cheval: il y avoit encore un moment de
j o u r ; j'en profitai pour làire bien vite la vue, planche 5i, n" 1 , 2 , 3 . La
figure de Typhon ou d'un Anubis y est si souvent répétée dans l'intérieur
de ce temple qu'on peut croire que ce monument lui étoit consacré; il
est représenté debout avec un ventre de cochon surmonté de mamelles
semblables à celles des Egyptiennes d'à présent; j'en iis u n dessin («" 4i
¡il. 120). A l'orient, à cent toises du temple est un réservoir assez grand,
revèlii en belle pierre, dans lequel on deseendoit par quatre escaliers.
A deux cents toises plus loin dans la même direction sont les ruines d'iine
église, bâtie dans le quatrième ou cinquième sieele, des plus beaux débris
é g y p t i e n s ; des colonnes de granit superbes décoroient la nef: mais tout est
r e n v e r s é ; il ne reste debout que le cu-de-four du choeur et l'arrachement
des murs de l'enceinte: cette destruction est de mains d'hommes; l'édifice
étoit trop bien construit pour qu'il n'eût pas résisté au temps.
Le jour cessa, et je rentrai, la tête étourdie de la profusion d'objets qui
avoient passé sous mes yeux dans un si court espace de temps ; j e eroyois
avoir rêvé durant toute cette journée si abondante; et en effet j e nie ser
o i s alimenté délicieusement un mois entier de ce qu'il m'a v o i t fallu dévor
e r dans douze heures, sans que je pusse me p romet t r e seulement de trouver
l e lendemain un moment pour y réfléchir.
Le 8 au mat in, j e vis un tamarisque d'une grosseur énorme, planté sur le
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bord duNi t ; il avoit été déraciné par les inondat ions progressives, et enfin
i'enversé; la plus grande partie de ses racines dressées avoit produit des
f e u i l l e s ; les anciennes branches qui l'avoient reçu à terre, et qui s'y étoient
fichées, lui servoicnt de pied; de sorte que son énorme Irono, re.sté susp
e n d u horizontalement par une confusion dans le systcme de la circulation,
végétoit dans tous les sens, et hii donnoi t un si éli'ange aspect, que les Turcs
n'avoient pas manqué d'en faire un arbre à miracle : j e l'aurois dessiné,
si dans ce moment je ne m'étois pas trouvé un peu en arriéré de la divis
i o n , et s'il n'eût ])as fal l u le détailler scrupuleusement pour faire bien concevoir
ce pl iénomene végétal.
A notre halte nous trouvâmes un autre éimn^him-ni du Nil, dont j e fis
le dessin {voyez (,lanche 32, /("a). La chaîne libyque, tournant toul-à-eoup
à l'orient, vient serrer le Nil contre la chaîne arabique; pressé entre ces
d e u x obstacles, le ileiive <i trioiiipli(3 (le edili (£111 lui ofïroit lo nioiiis de
r é s i s t a n c e ; le courant a dans ses accroissements miiu' et dégradé un Ht de
gravier qu'il a trouvé sous le plateau du rivage libyque; la partie supér
i e u r e , manquant de base, a fait la bascule, et de sa déchirure a formé les
d e u x pointes de rocher que l'on voit dans l'estampe, où j'ai repn-senté la
b a l t e que nous y fìmes. Ce rocher, appelé Gil)elin 0« h-s deux .Montag
n e s , sert de limite à une subdivision de la haute Egypte, et, sous le
d e r n i e r gouvernement, étoit devenu une barriere pour les beys rebelles
(pji étoient relégués dans le haut Said, barriere que les exilés ne pouvoient
f r a n c h i r sans être hors la loi. C'est ahisi que dans les dernières années
O s m a n - b e y , après avoir été envoyé à Cosséir accompagné d'hommes qui
é t o i e n t secrctement chargés de le tuer au lieu de l'embarquer pour la
Mekkc où il étoit sensé être exilé, prévint ses assassins, vola le bâtiment
r i c h e m e n t ' c h a r g é , se sauva dans la haute Egypte, rassembla assez de Mamelouks
pour obliger Mourat de traiter, et de lui céder la souverainet é de
t o u t l'espace entre Gibelin et Syene.
Après cet étranglement du cours du Nil la vallée s'élargit sans que la
c u l t u r e y gagne rien; de vastes champs gercés par le séjour des eaux avoient
a t t e n d u en vain qu'on leur prêtât ce qu'ils auroient rendu à si gros intérêts.
Le y, nous arrivâmes le matin d'assez bonne beure à Esné, la dern
i è r e ville un peu considérable de l'Egypte; Mcmrat avoit été obligé de
l ' a b a n d i m n e r la veille quelques heures avant l'arrivée de notre cavalerie, d'y
l i r û l e r une partie de ses lentes, et du gros bagage qui auroit pu ralentir sa
marche. Nous dûmes donc juger qu'il étoit déterminé à qui t ter l'Egypte et à