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panic la plus basse <lc ratmosi)liore ; l'asuc Hn jour ronlanl sur uii vasle
horizon achcvoit paisiblcmont sa carritnv: sublime témoignage de cet ordre
immuable de la nature qui obéit à detorncls décrets dans ce calme silencieux
cfni la rend encore pins imposante. C'est ce qne j'ai eherchc à peindre'
dans le dessin que j'ai fait de ce moment. ( ?'oj-rz pL 12, et !<• phm de la
haunllf pl. I I , et h's p.iplications de <:c-s deuxphinchcs ).
l.a relation oflicielle dn général Berlliier, où les monvenients militaires
sont circonstanciés de la maniéré la ¡dns lucide et la plus savante, servira
encore d'explication an plan <le cette bataille, plan (pii doit acquérir
un piix particulier par les corrections qu'a bien voulu y l'aire Bonaparte
lui-même dans la disposition des corps, et la détermination de leurs
mouvements. Ce plan de bataille, auquel se joint celui du Caire, de Boidac,
U j p é h , etc., est tout à la fois la carte du pays, dont le n" 12 est la
vue.
Le général Menou étoit reste blessé à Alexandrie: il devoit aller organiser
le gouvernement ii Rosette, et faire «ne tournée dans le Delta. Avant
de se rendre au Caire il m'avoit engagé à l'aecompagner dans cette marche:
j e me décidai d'autant plus volontiers à faire ce voyage, que je ponsois
d'avance qu'il ne pouvoit être très intéressant qu'autant qu'oti le feroit
avant celui de la haute Egypte; j'accompagnois d'ailleurs un homme aimable,
instruit, et mon ami depuis long-temps.
?îous nous embarquâmes sur un aviso dans le port neuf d'Alexandrie;
nous manoeuvrâmes tout le jour: mais nos capitaines, ne eonnoissant ni
les courants, ni les brisants, ni les bas-fonds de ce port, après a\oir évité
la pointe du diamant, pensèrent nous échouer au rocher du petit Thar
i l l o n , et nous ramenèrent mouiller à l'entrée du port pour repartir le
lendemain, .h- (is le dessin du château («"3, pl. to), bâti dans l'isle
Pharus, sur l'emplacement de ce fameux monument si utile et si magnifique,
cette merveille du monde, qui, après avoir pris le nom de l'isle sur
lequel il avoit été éh-vé, le transmit à tous les moiuimeuts de ce genre.
Noos repartîmes le lendemain sous d'aussi mauvais auspices que la
veille. A peine fùmes-iu)us à (juclques lieues en luer, (|ue le vent étant de-
\ c n u très fort, le général Menou fut pris d'iui votnissemenl convulsif <(ui
pensa lui coûter la vie, en le faisant tomber de sa hauteur la lèic sui' la
culasse d'un canon. Aucun de nous ne pouvoit juger <lu dangei' de la
large blessure qu'il s'étoit faite; il avoit perdu eonnoissance; nous miuies
en délibération si on le conduiroit sur VOricnC, ([ui étoit mouillé avec-la
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flotte à Aboukir, et vis-51-vis duquel nous nous trouvions dans le moment.
Nos marins croyoient que quelques heures nous sufliroient pour nous
rendre dans le Nil: nous choisîmes ce parti, qui devoit linir les angoisses
du général. Malgré le tourment de notre situation et le roulis du bâtiment,
j e paivins à dessiner la petite vue { n° i, pl. i5 ) qui dinme une idée du
mouillage de notre Hotte devant Aboukir, de ce promontoire célébré autrefois
par la ville de Canope et toutes ses voluptés, aujourd'hui si fameux
par toutes les horreurs de la guerre. Quelques heures après nous nous
trouvâmes, sans le savoir, à une des bouches du Nil, ce que nous reconnûmes
au tableau le plus désastreux ([ue j'aie vu de ma vie. Les eaux du
Nil repoussées par le vent élevoient ii une hauteur imiuense des ondes
qui étoienl perpétuellement refoulées et brisées par le courant du fleuve
avec un bruit épouvantable; un de nos bâtiments qui vcnoit de faire naufrage,
et que la vague achevoit de rompre, fut le seul indice que nous
eûmes de la côte; plusieurs autres avisos dans la même situation qtie noïis,
c'est-à-dire dans la même confusion, se rapprochoient pour se consulter,
s'évitoient pour ne pas se briser, et ne pouvoient s'entendre que par des
cris encore plus épouvantables. Il n'y avoit point de pilote côlicr; nous
ne savions plus qu'aviser; le général alloit toujours en empirant: nous
imaginâmes d'aller reconnoitre le bogaze ou la barre du fleuve; le canot
fut mis à la mer, et le chef de bataillon Bonnecarerre et moi nous nous
y jetâmes comme nous pûmes. A peine eûmes-nous quitté notre bord que
nous nous trouvâmes au milieu des abymes, sans voir autre chose que la
cime recourbée des vagues qui de toutes parts menaçoient de nous engloutir;
à mille toises de l'aviso nous ne pouvions plus le rejoindre: le mal
de mer commençoit à me tourmenter; il cloit questiori d'attendre d'une
manière indélinie, et de passer ainsi la nuit. Je m'enveloppois de mon
maiîteau pour ne plus rien voir de notre déplorable situation, lorsque nous
passâmes sous les eaux d'une felouque, où j'appereus un malheureux (jui,
en descendant dans une embarcation, étoit resté susjjcndu à une corde;
fatigué des eiîorts qu'il faisoit pour se soutenir dans cette périlleuse position,
ses bras s'alongoient, et le laissoient aller dans ceux de la mort, que
j e voyois ouverts pour le recevoir, .l'éprouvai à ce spectacle une telle révolution
que mes évanouissements cesserent: je ne criois pas, je hurlois;
les matelots méloient leurs cris aux miens: ils furent enfin entendus de
ceux du bâtiment; d'abord on ne savoit ce que nous voulions; on chercha