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nous avions de no»s revoir, nous n'ajoutâmes pas une pl.rasc au bon joui
q u a voix basse nous nous dîmes en passant.
Le 20, nous tournAmes k ia partie nord <lu Gozo; c'est un plateau élevé,
taillé à pic, el sans abordage: nous cotoyâmes ensuite la partie orientale à
demi portée de canon. Ce côté, .[ui paroî l d'abord aussi aride que l'autre, est
cependant cultivé en coton ; toutes les petites vallées sont autant de jardins.
Vers le milieu de l'isle il y a un gros village, sous lequel est une lial-
(erie, et au sommet le plus élevé un ehàtcau caseniaté, fort bien bâti.
Alnnt heures on signala desvoi les;on en distinguoil trente:éloit-ecla Hotte
ennemie:» on envoya reconnoitre; e'étoit enlin la division du général DesaÎN,
le convoi de Civita-Vecchia, <iut avoit suivi la eôte d'Italie, passé le détroit
de Messine, et nous avoil précédé de quelques jours devant Malle.
De même que l'avalanche, qui s'est ^ossic en roulant des neiges,
menace dans sa cbùte accélérée par sa masse d'entraîner les forêts et les
villes, ainsi notre flotte, devenue immense, portoit sans doute l'effroi sur
tous les parages qui venoient i. la découvrir. T>a Corse avertie n'avoit res-
M-nti d'autre émotion que celle qu'inspire un aussi grand spectacle; la
Sicile fut épouvantée; -Malte nous parut dans la stupeur. Mixh n'anticipons
pas sur les événements.
A einq heures uoiis passâmes devant le Cumino et le Cunnuot t o , (pii sont
deux islots qui séparent le Go.o de Alalie, et composent avec ces deux
derniers toute la souveraineté du grand-maître, il y a plusi<-urs pelils
châteaux pour garder les islots des Barbares<pics, et les enq)éeher de s'y
é t a b l i r lorsque les galeres de Malte ont (ini leur eroisiere. Une de nos
barques alloit y aborder; on lui refusa <le mettre à terre ; son eanol (it le
t o u r , et en sonda les mouillages. A six heures nous ^îmes Malle, <lont l'aspect
n e m'imposa pas moin.s d'admiration (jue la premiere fois <|ue je l'avois
vue: deux seules méchantes barques vinrent nous proposer du tabac à fumer .
La nuit vint; aucune lumiere ne parut dans la ville: notre frégate étoit
par le travers de l'entrée du port à moins d'uue portée de canon du fort
S.-Elme; on ordonna de mettre toutes les emiiarcations en mer. A neuf
heures on nous signala de prendre position; le veut étoit presque nul.
I / a r m é e fit des signaux de nuit relatifs à ces mouvements, et a ceux du
eotivoi; on lira des fusées, puis le canon; ce qm lit éteindre jusqu' à la dern
i e r e lumiere du port. Notre capitaine étoit allé à bord du général; mai.s
it garda le secret sur les ordres qu'il y avoit reçus.
Le 22, à quat r e heures du matin, enîraînés par les courauls, uous étions
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sous le vent de l'isle, dont nous voyions la partie de l'est; il n'y avoit point
encore de vent. Je lis {n" i , pla/ir/ie 8 ) une vue de toute l'isle, du Gose,
et des deux islots, pour avoir une idée de la forme générale de ce groupe
et de sa surface sur la ligne horizontale de la mer.
11 s'éleva une petite brise; on en profita pour former une ligne demicircidaire,
et dont une exti'émité aboutissoit à la pointe S"'-Cathcrine,
et l'autre à une lieue à gauche de la ville, et en bloquoit le port; nous
mimes le centre par le travei-s des forts S.-Elme et S.-Ange. Le convoi
étoit allé mouiller entre les isles de Cumino et du Gose. Un moment après
o n entendit un coup de canon qui partoit du fort S"-Catherine, et qui
étoit dirigé sur les barques <iui s 'approcboient de lu còte, et le débarquement
que commandoit Desaix : tout de suite un autre coup se fit entendre du
château qui domine la ville; sur le même château l'étendard de la religion
fut déployé; en même temps, à l'autre extrémité de la circonvallation de
nos bâtiments, des chaloupes mettoieut à terre des soldats et des canons:
à peine formés sur le rivage, ils marchèrent sur deux postes, dont la garnison
se replia après un moment de résistance. Alors les batteries de tous
tes forts commencèrent à tirer sur les débarquements et sur nos bâtiiiu-nts.
J ' en fis le dessin («"3,/^/. 3). Les forts eoiUiiuicrent à tirer jusqu'au soir
avec une précipitation imprudente qui déceloit le trouble et la confusion.
A dix heures, nous vîmes nos troupes gravir le premier monticule, et
marcher sur les derrières de la O'ié-ralcitc, pour s'o]>poser à une sortie
qu'avoieut faite les assiégés: ils furent repoiissés jusque dans les murs et
sous les batteries; la fusillade ne cessa qu'à la nuit fermée. Cette tentative
de la part des chevaliers unis il (juelques gens de la campagne eut une
funeste issue: il y avoit eu du mouvement dans la ville, et la populace
massacra plusieurs chevaliers à leur rentrée.
Le vent tomboil: nous prolîtâmes du reste de la brise pour nous rapprocher
des vaisseaux, dans la crainte de uous trouver par un calme plat
à la disposition de deux galeres maltaises, qui étoient venues mouiller à
l'entrée du port {vojez pl. 3, ,1° 2 ). J'étois toujours sur le pont, et, la
l u n e t t e à la main, j'aurois pu faire de là le journal de ce qui se passoit
dans la ville, et noter , pour ainsi dire, le degré d'activité des passions qui
e n dirigeoient les mouvements. Le premier jour tout étoit en armes : les
chevaliers en grande tenue, une communication perpétuelle de la ville aux
forts, 011 l'on faisoit entrer toutes sortes de provisions et de munitions;
tout aonouçoit la guerre: le second jour le mouvement n'étoit plus que