Deux jours après notre arrivée, pour ne point affamer la garnison que
nous laissions, nous nous remîmes en route; nous étions toujours précédés
p a r nos Arabes, auxquels il semble que le désort appartienne; ils ne nég
l i g e o i e n t , chemi n faisant, aucun des produi t s de leur empire: nous appercùmes
deux gazelles fuyant dans le désert; quatre des leurs se détaoherent
avec de méchant s fusils à mecbes ; quelques minutes après nous entendîmes
t i r e r deux seuls coups , et nous les vîmes revenir rapportant les deux
gazelles, grasses eomme si elles eussent habite le pâturage le plus abondant:
o n m'invita à manger eette chasse; curieux de voir comment ils s'y prend
r o i e n t pour l'apprêter, j'allai à leur quartier; le chef, lier comme un souv
e r a i n , n'avoit de décoration que la beniche que nous lui avions donnée; il
trouvoit son palais par-tout où il éteudoit son tapis; sa batterie de cuisine
consistoit en deux plaques de cuivre et un pot de même métal: du l.eurre,
d e la farine, e fquelques brins de bois fomioient toutes les provisions; du
vieux crot i n de chameaux ramassé, le b r iquet bat tu, et de la farine délayée,
e n quelques minutes i! y eut des galettes cuites (elles me parurent assez
b o n n e s tant qu'elles furent chaude s ) ; de la soupe, de la viande bouillie, et
de la viande grillée, achevèrent de composer un repas fort passabl e à qui eût
eu appétit, mais il me manquoit absolument dans le désert, j'y vivois de
limonade, (pic je faisois le plus souvent sur mon chameau, en mettant des
t r a n c h e s de citron dans ma bouche avec du sucre, et buvant de l'eau parlà
dessus. Nos Arabes connoissoient jusqu'aux moindres recoins qui produisoient
quelque pâture; ils savoient à quel degré de croissance devoient
être arrivées telles plantes k une lieue de l'endroit où nous passions, ils
envoyoient leurs chameaux s'en repaître: du reste ces pauvres animaxix mangent
une seule fois dans le jour une petite ration de feves qu'ils ruminent
le reste des vingt-quatre heures ou en marchant, ou couchés sur un sable
b r û l a n t , sans montrer un instant d'impatience; l'amour seul leur donne
quelques mouvements de violence, sur-tout aux femelles, dans lesquelles
les passions me parurent plus vives : j ' ai remarqué une chose exiraordinaire,
c'est que la fatigue irrite leur tempérament au lieu de l'atténuer; je me
suis cru obligé de faire u n dessin des suites de cette irritation pour lever les
doutes que des formes étranges peuvent donner sur quelques circonstances
des amours des chameaux, et pour prouver (pie U- désir redresse en eux
la direction rétrograde qui nous avoit surpris d'abord dans la conformat
i on du mâle (iwyrz pi loi, n" 6).
Notre retour fut encore plus rapide; débarrassés de l'artillerie et de toute
charge, nous marchions plus lestement, prenant encore sur les haltes et
s u r notre sommeil: nous revînmes en deux journées et demie; mais à la
d e r n i e r e demi-journée nous ne pouvions plus aller; j'étois exténué de fatigue
et desséché; ce ne fut qii'en mangeant des pasieques et en me plongeant
dans le Nil que je pus me désaltérer. Après huit jours de séjonr dans
le silence du désert, les sens sont réveillés par les moindres sensations; je
n e pui s exprimer celle que j 'éprouvai lorsque, la nui t , couché sur le bord du
Nil, j 'entendi s le vent frissonner dans les b randies des arbres, se rafraîchir
e n se tamisant à travers les feuilles déliées des palmiers qu'il agitoit; tout
se réveîlloit, s'animoit; la vie étoit dans l'air, et la nature me scndiloit la
r e s p i r e r . Au reste, je me convainquis dans cette traversée, faite dans le
temps le plus chaud de l'année, dont on nous avoit exagéré tous les
p é r i l s , que le courage est d'entreprendre, et que le danger fuit devant
ceux qui le bravent. Je joins ici une note des heures de marche de notre
r r m t e , qui sont invariables, parceque le pas du chameau chargé est toujours
le même; il ne peut donc y avoir de variété dans ce compte que par les
a c c i d e n t s , et par le phis ou moins de teuips donné aux haltes el aux stat
i o n s ; cependant tomes les autres saisons de l'année sont préférables à celle
que nous fûmes obligés de pi endi c pour celte expédition : dans l'hiver, on
peut dans les montagnes être rafraîchi par iiuc pluie de plusieurs heures, ce
qui donne de l'eau par-tout, el ne fait plus du vovage qu'une promenade
sur un gi'and chemin .sablé; mais pendaul le temps du kaniciu on peul y
éprouver des ouragans, dont à la vérité nous n'avons pas été assaillis,
>-0TE DES UECRES DE M.VRCHE.
De Réné à Byr-al-Baar ^ Ileum 5o
Au coucher dans le dé.sert - • 4 4 5
Pour ai-river à la Kiltah . . 3 3o
Au coucher • • 4 3o
A la première fontaine • • 9 35
A la seconde, appelée f:i-ad-nonte. . . , . o 4 5
Au coucher • • 4 3o
A la fontaine de r.\.mbagi . . 8 45
A Cosséir . . I 45
Total <les heures de niai-che. . . . . . ./ji 55
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