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femmes, de vingt-buil que les beys avoient emmenées: leur marche etoit
tracée par les désaslres qu'ils laissoient derricre eux, les tentes, les armes,
les habits les cadavres de chevaux exténués, les chameaux restes sous le
poids de leur charge, des ser.-iteurs, des femmes abandonnées. Qu'on se
p e i - n c le sort d'un malheureux, haletant de fatigue et de so.f, la gorge
d e s L h é e , respirant avec peine u n air ardent qui le dévore; il espere qu'un
i n s t a n t de repos Ini rendra quelques forces; il s'arrête, il voit défder ceux
nui étoient ses compagnons, et dont il sollicite en vain le secours; le
m a l h e u r personnel a fermé tous les coeurs; sans détourner un regard,
l'oeil fixe, chacun suit en silence la trace de celui qui le précédé; tout passe,
t o u t fuit; et ses membres engourdis, déjà trop chargés de leur pénible
e x i s t e n c e , s'affaissent, et ne peuvent être ranimés ni par le danger n. par
l a terreur: la caravane a passé, elle n'est déjà pour lui qu'une hgne ond
o y a n t e dans l'espace, bientôt elle n'est plus qu'un point, et ce point
s ' é v a n o u i t ; c'est la derniere lueur de la lumiere qui s'éteint: ses regards
égarés cherchent et ne rencontrent plus rien; il les ramene sur lui-même,
e t bientôt ferme les yeux pour échapper à l'aspect du vide affreux qui
l ' e n v i r o n n e ; il n'entend plus que ses soupirs; ce qui lui reste d'existence
a p p a r t i e n t à la mort ; seul, tout seul au monde, il va mourir sans que
l'espoir vienne un instant s'asseoir auprès de son lit de mor t ; et son cadavre,
dévord par l'aridité du sol, ne laissera bientôt que des os blanchis, qui
sei-.-iront de guide à la marche incertaine du voyageur cpil .aura osé braver
le même sort.
C'est le tableau que nous offrit la trace du passage des Mamelouks; c'est
à ces signes effrayants que nous reconnûmes la direction de leur marche:
il y avoit trois jour s qu'ils étoient passés; ils avoient remonté vers les cat
a r a c t e s , et étoient allés se rafraîchir dans une isle entre Baban et Ombos.
J ' a i déjà parlé de l'abondance de cette isle dans ma route de Syene: leur
é t a t de détresse nous tranquillisant sur leurs intentions, nous bornâmes
là notre poursuite dans un pays où nous ne pouvions espérer de trouver
aucunes ressources, les Mamelouks qui nous précédoient ayant dii achever
de les consommer.
Nous vînmes camper, ou, pour mieux dire, nous reposer près d u fleuve;
nous nous établîmes parmi des tombeaux, et près de deux arides mimosa,
q u i ponvoient seuls nous indiquer qu'on avoit vécu là, et que la nature
y végétoit encore. On renvoya tout ce dont on pouvoit se passer à Et fu; et
j ' a c c o m p a g n a i ce surplus, dans l'espérance de voir à mon aise le sublime
temple d'Apollinopolis, le plus beau de l'Egypte, et le plus grand après
ceux de Thebes: bâti à une époque où les arts et les sciences avoient
acquis toute leur splendeur, toutes les parties en sont également belles
dans leur exécution; le travail des hiéroglyphes également .soigné, les
figures plus variées, l'arehi Lee t u r c plus perfectionnée que dans les édifices
d e Thebes, qu'il faut reléguer à des temps bien antérieurs. -Mon premiei'
soin fut de prendi e un plan général de l'édificie ( vojcz planche. C1,
tf 0.-; VOJCZ aussi l'explication). Rien de ¡ilus simple ((ue les belles lignes
de ce plan, rien de plus pittoresque que l'effet produit dans l'élévation
par la variété des dijnensions de chaque membre de ce bel ensemble: tout
ce superbe édifice est posé sur un sol élevé qui domine non seulement
le pays, mais toute la vallée {voyez pl. 58, 2 ) : sur un plan beaucoup
p l u s bas et tout près de ce grand temple en est un petit, presque enfoui
j u s q u ' à son comble ( vojvzplanche 5-], i ) ; ce qui en reste encore d'app
a r e n t est dans un creux entouré de décombres, qui laissent voir un petit
p o r t i q u e de deux colonnes et de deux pilastres, un péristyle cl le sanctuaire
d u temple, autour une galerie en ¡àlastre. Une colonne avec un chapiteau,
([ui sort des décombres à quarant e pieds en avant chi porticpie, et un angle
de mur , à cent pieds au-delà, attestent <[u'il y avoit encore une cour devant
ce temple: une .singularité de ce monuuient, c'est que dans un édifice
d ' u n e exécution aussi recherchée les portes ne sont point régulièrement
a u centre. On doit croire qu'il fut dédié au mauvais génie, car la ligui'e
de Typhon est e n relief sur les quatre côtés de la dalle ([ui siinuontc chacun
des chapiteaux ( voyez pi. Go, if y ) ; toute la frise et tous les tableaux de
l ' i n t é r i e u r sont analogues à Isis se défendant des attaques de ce monstre
{vojez pi. n6, «"G). Je (is une vue du j-approehement de ce petit temple
avec le grand {voyez ¡d. 56, //" 1 ) ; j'en lis une autre du grand temple eu
sens eontraii e {planche 56, n°-2), qui peut donner l'idée de sa ¡wsi t ion dans
l a v a U é e ; j ' e n i i s u n e troisième de l 'intérieur de ce même temple pris à l'angle
d u portique, qui oiïre l'aspect de la cour, de ses galeries, et de la porte
e x t é r i e u r e {voyez piandw 07, n" 3 ) , et j'augmentai considérablement ma
c o l l e c t i o n d'hiéroglyphes, particulièrement par le dessin de la frise de l'int
é r i e u r du porti(jue {vojez planche i3i, n" 3; voyez aasui l'explication des
planches)-, je dessinai plusieurs chapiteaux ( voyez yV. 5(), 2, 4> 6, 8, 10,
et 11 ).
Le Second jour , le général Beliiard arriva, et nous partîmes le lendemain,
A quelque dislance d'Etfu, j e trouvai sur la rive du Nil les restes d'un quai
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