on amena au gónóral Desaix un criminel. Oci crioit, C'est un voleur; il a
voló des fusils aux volontaires, on l'a pris sur le fait; et nous vîmes paroitre
un enfant de douze ans, beau comme un ange, blessé au bras d"ua
large coup de sabre; il regardoit sa blessure sans émotion: il se présenta
d'un air naïf et eonliant au généi'al, qu'il reconnut aussitôt pour son juge.
O puissance de la grace naïve! pas un assistant n'avoit conservé de eolere.
On lui demanda qui lui avoii dit de voler ces fusils: Pc/yonitc; qui l'avoit
porté à ee vol: Il ne savait, le fon. Dm/ ; s'il avoit des parents; (ne mere,
SPuh-mi'iU, bien pauvre et weiigle; le ^(inéral lui dit que s'il avouoit qui
l'avoit envoyé, on ne lui feroit rien; que s'il s'obslinoit à se taire, il alloit
être puni ei>innie il le uiéritoit : Je vaux-l'ai dit, personne ne m'a envoyé.
Dieu seul m'a inspiré; puis mettant son bonnet aux pieds du général: foilii
ma té te, faites-la eouper. Religion fatale, où des principes vicieux unis au
dogme mettent l'homme entre l'iiéroïsme et la scélératesse! Pauvre petit
malheureux! dit le général; qu'on le renvoie. li vit que son arrêt étoit
prononcé; il regarda le général, celui qui devoit l'emmener, et devinant ce
qu'il n'avoit pu comprendre, il partit avec le sourire de la conliance; sourire
qui arriva jusqu'au fond de mon coeur: je iis le mieux que je pus un dessin
de cette scene. C'est par des anecdotes qu'on peut faire connoîcre la morale
des nations; c'est par des anecdotes, plutôt que par des discussions,
que l'on peut développer l'influence des religions et des lois sur les peuples
( voyez planehe 36, n" i )-
A cette scene touchante succéda un événement étrange, de la pluie! elle
nous donna pour un instant une sensation qui nous rappela l'Europe et le
premier parfum du printemps au 17 décembre. Quelques moments après on
vint nous avertir que les Mamelouks nous attendoient à deux lieues de là
avec une armée de paysans; dès-lors alégresse; bataille pour le soir ou au
plus tard pour le lendemain. A l'approebe de Fechneh nous découvrîmes
un détachement de Mamelouks, qui nous laissa approcher à la demi-portée
(lu canon, et disparut: on nous dit que le gros corps étoit à Saste-F-lsayéné,
à une lieue plus loin; les canons se faisoictil attendre, leur marche étoit
à chaque instant arrêtée par les canaux; cl, malgré la volonlé du général
de joindre l'ennemi, et de l'attaquer avant même que l'ordre de bataille fût
complet, nous ne pûmes arriver à Saste (ju'ii la nuit; et il y avoit deux heures
que les Mamelouks en étoi<mt sortis. A Saste, nous sûmes qu'ils avoient
appris notre marche à la moitié de la journée, dans le moment où les
habitants débattoient leurs intérêts sur ce qu'ils exigeoient d'imposition
extraordinaire ; et dès-lors ils ne penserent plus tiu'à charger leurs chameaux,
nous nommant fléau de Dieu, envoyé pour les punir de leurs fautes; et
en vérité ils auroient pu employer des expressions moins pieuses.
Ils allumèrent des feux qui furent bientôt éteints. Nous partîmes le 28 à
la pointe du jour; ils nous avoient précédés de deux heures, et avoient
pris trois lieues d'avance sur nous; ils marchoient en s'éloignant du Nil,
entre le Bar-Juseph et le désert, abandonnant le pays le plus riche de
l'univers. Dans cette troisième traversée, je ne trouvai point ce canal droit
comme il est tracé sur toutes les cartes: un nivellement général pourroit
seul faire connoître le système et le régime des arroscments, et ce qui
appartient à la nature ou aux travaux des hommes dans cette partie intéressante
de l'Egypte. Vers le soir, nous traversâmes à gué le canal de Juseph,
qui il cct endroit paroît n'être que la partie la plus basse de la vallée, le
réceptacle de l'écoulement des eaux, et point du tout l'ouvrage de l'art,
qui ne se manifeste nulle part. Le secret sur tout cela est résci-vé à une
grande opération faite en temps de paix, qui pourra détcrniiner ce qu'il
y auroit à faire pour recouvrer les avantages négliges ou perdus de ce
mystérieux canal. Ce travail important auroit été celui du général Caffarelli,
toujours si ardent pour tout ce qui pouvoit contribuer au bien de tous, si
la mort n'eût enlevé dans sa i>ci'sonnc un ami tendre au général en chef,
un bienfaiteur à l'Egypte entierc.
Au simple examen de ces nivellements je serois porté à croire que cette
partie de l'Egypte est devenue plus basse que les bords exhaussés du Nil, et
qu'après l'inondation générale le refoulement des eaux les fait se rassembler
dans cette partie. J'ai vu depuis, dans la haute Egypte, l'effet de la (iltration
qui s'en opere; ces eaux, n'ayant dans cette région ni vallées ni cauaux
pour s'écouler après l'inondation, cette grande masse pénétré l'épai.sseur
du sol végétable, rencontre une couche de terre glaise, et revient au
fleuve par des liions lor.^que son décroissenient l'a mis au-dessous de la
superficie de cette couche. Ne seroit-ce pas à cette même opération de la
nature que l'on doit les oasis?
Nous vîmes des outardes; elles étoicnt plus petites que celles d'Europe,
ainsi que toutes les especes d'animaux communs aux deux continents. Nous
nous approchâmes du désert, cpd marchait à nous; car, comme l'ont dit les
anciens Egyptiens, c'est le tyran Thyphon qui envahît .sans cesse l'Egypte.
Les montagnes étoicnt encore à deux lieues, et nous touchions aux dunes,
qui sont l'ourlet entre les déserts et les terres cultivées. Pendant que nous
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