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provisions, cL pour y atLendrc ie vent; il vint, et nous eûmes en denx heures
atteint Mindiicc, landeone Ptolémais; il ne reste de cette grande ville grecque
qu'un quai, dont j'ai dtja parle, et qui est assez mal consené, quoiqu'il
soit mieux construit qur ne le sont les édifices égyptiens de cc genre ; sur ses
mines est bâti un gros village habité par des catholiques: trois milles plus
bas on trouve à droite du fleuve les ruines de Cheinnis ou Pannopolis,
aujourd'hui Achmin; on y voit ua édifice enfoui, m'a-t-on assure, jusqu'au
comble, et dont on ne peut appereevoir que la plate-forme: c'est sans doute
le temple dédié au dieu Pan, autrefois consacré à la prostitution; on y
rencontre encore aujourd'hui, comme à Métubis, nombre d'Aimés et de
femmes publiques, sinon protégées, au moins reconnues et tolérées par le
gouvernement: on m'a assuré que toutes les semaines elles se rassen.bloient
à un joxtr fixe dans une mosquée près du tombeau du cheikh llarridi, et
que, mêlant le sacré au profane, elles y commettoient entre elles toutes
sortes de lascivctés.
Achmin est grand, très bien situé sur une langue de terre, dont le Nil
fait un promontoire, adossé contre la chaîne du Mokatam, <iu! se icplie
en cet endroit et y forme une gorge profonde.
Nous passâmes la nuit devant Antéopolis, qui conserve un portique
assez élevé et très fruste : n.nis arrivâmes le lO à trois heures de l'aprèsmidi
au port de Siuth : le général Desaix n'y étoit pas; nous ne nous y
arrêtâmes que pour renouveler nos pro\isious: nous ne faisions plus que
glisser devant les objets qui nous avoient retenus si souvent.
Nous passâmes de nuit devant M.mfalut; à la pointe du jour nous nous
trouvâmes sous le Mokatam, dont le NU vient frôler la base taillée à pic:
il y a eu là autrefois des carrières, dont il reste encore des grottes, qui
ressemblent à celles de Siuth, et paroissent avoir de même servi de tombeaux
aux anciens Egyptiens, et de retraite aux premiers solitaires. Depuis
Girgé, le climat change d'une maniéré très sensible; le soleil y conserve son
empire tant qu'il est présent, mais dès qu'il disparoit ce n'est plus cette
ardeur desséchante que ne peut tempérer l'étroite vallée de la Thébasde.
Après Maloui, on rencontre sur la rive droite, près le village de Schech-
Ahade, les ruines d'Antinoë, bâtie par Adrien en l'honneur d'Antinofis,
son favori, qui mourut en Egypte ayant sacrifié sa vie pour sauver celle de
son souverain. Il est sans doute malheureux qu'un héroïsine su])liiHe puisse
s'allier avec une sale prostitution, et qu'il autorise un grand homme, sous le
litre sacré de la reconaoissance, à afiicher des regrets naturel lement proscrits
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et dévolu d'avance au mystère de la honte. Au reste, il est difficile de juger
ce qui a fait choisir la situation d'Antinoè au pied du triste Mokataiii,
entre deux étroits déserts, à moins que Bcsa, ville plus antique qu'Antinoë,
sur laquelle elle a été élevée, ne fût le lieu où l'empereur eût été arrêté
par la maladie qui menaça sa vie, et où les jm-tics fameux de cette ville,
ayant été consultés, annoncèrent que le malade mourroit si quelqu'uii ne se
dévouoit à sa place.
Depuis le Nil, on apperçoit une des portes de la ville, rjui paroît être un
arc de t r iomphe; en effet elle est décorée de huit colonnes d'ordre corinthien,
entre lesquelles sont trois arcs piis dans un massif orné de pilastres: cc
groupe de ruines est ce qu'il y a de plus considérable de cc c[ui reste
d'Antinoë. A partir de cc poinl, il y avoit une rue qui alloit, suivant toute
apparence, en traversant toute la ville, joindre la porte opposée; cette rue
étoit décorée de droite et de gauche de colonnes d'ordre dorique, et formoit
un portique où l'on marclioit à l'ombre; on voit encore (jnelques
uns de leurs fûts, et quelques chapiteaux fort usés, à cause de la nature
friable de la pierre calcaire employée à la construction de ses édifices. Les
maisons étoient bâties en briques; reniplaccmcnt d'Autinoc étoit très grand,
à moins que les ruines de Besa mêlées aux siennes, n'en ait augmenté l'extension.
Nous voulûmes monter sur une émiucnoc pour nous rendre compte
de l'ensemble de ces ruines: nous appercùmes les habitants du village qui
se rassembloient derrière un autre monticule; à peine nous virent-ils visà
vis d'eux qu'ils nous crurent postés hostilement, et qu'ils appelèrent du
secours en jetant de la poussière en l'air et faisant les cris de rassemblement.
Nous n'étions que six, et j e n'étois point armé; un groiipe marchoit sur les
har([ues, que nous avions laissées dépourvues de défenses: nous fûmes obligés
de faire u n mouvement jJour einpéclier cju'ils ne nous eoupasseni hi retraite;
ce mouvement parut une autre hostilité; l'alarme- se répandit; on tira sur
nous: nous n'étions pas venus pour faire la guerre; je jetai à la liâte u n regard
sur la totalité des ruines ; je n'en vis pas une qui me parût se grouper de maniéré
à faire un dessin pittoresque; je ne regrettai que le plan intéressant
qu'on pouvoit faire d'une ville bâtie dans le beau temps de l'architecture
par les ordres et sous les yeux du prince le plus amateur des beaux arts, et
le plus puissant qu'il y eût au monde; et cependant, il faut le dire à la
gloire de l'architecture égyi)lionne, encore tout imbu de l'impression que
veuoieut de me faire éprouver Latopolis, Apollinopolis, et Teutyra, Je
trouvai les ruines d'Antinoè maigres et mesquines.