n o i r e ni blanche, est basanée et teme: elles se tatouent les paupieres et
le meulon sans que cela produise »m grand effet: mais j e n'ai pas encore
vu de feinines porter plus élégamment nn enfant, un vase, des fruits, et
m a r c h e r d'une maniere plus leste et plus assurée. Leur draperie longue
n e seroit pas sans noblesse, si un voile on forme de flamme de navire,
qui part des yeux et pend jusqu'à terre, n'attristoit tout l'ensemble du
c o s t u m e jusqu'à le faire, res sembler au lugubre liabil de pénitent.
Un homme riehc du pays qui m'avoit quelques obligations voulut m'en
t é m o i g n e r sa reconnoissanee eu m'invitant chez lui: vu juon âge et ma
q u a l i t é d'étranger, il erut qu'il pouvoit, pmir n\e fêler mieux, me faire déj
e û n e r avec son épouse. Klle étoit mélancolique et belle: le mar i , négociant,
savoit u n peu d'ilalien, et nous servoit d'interprete: sa lemme, éblouissante
d e blancheur, avoil des maios d'une beauté et d'une déUeate.ssc extraord
i n a i r e s ; je les admirai, elle me les présenta; nous n'a\ions pas grand'
chose à lums dire; j e cai essois ses mains ; elle, t rès emharra.ssée de ce (]u'elle
f e r o i t ensuite pour moi, me les laissoit, et moi je n'osois les lui rendre
d a n s la crainte qu'elle crùl que je m'en étois lassé: je ne sais comment
c e t t e scene eût lini, si, pour nous tirer d'embarras, on ne nous eût app
o r t é les rafraîchissements; on les lui remettoit, et elle me les offroit
d ' u n e uianierc toute particulière et qui avoit une sorte de grace. Je crus
appevcevoir que son insouciante mélancolie n'étoit qu'un air de grande
dame qui , selon elle, devoit la rendre supérieure à toutes les magnilîcences
d o n t elle étoit entourée et couverte. Avant de la qui t ter , j 'en lis rapidement
l e peiit dessin gravé dans la plaiivlii- 83, n" i; celle, planche 174, n" i ,
é t o i t une naturelle du pays qu'avoit épousée nn Franc: elle parloit italien,
e l l e étoit doïice et belle, elle ainioil son mari; mais il n'étoit pas assez
a i m a b l e pour qu'elle ne pûl aimer (|ue lui: jaloux, il lui suscitoit à tout
m o m e n t de bruyantes cjuerelles; soumise, elle renoneoit toujours à celui
([ui avoit été l'objet de sa jalousie : mais le lendemain iu)uveau grief;
e l l e pleuroit encore, se re2>enloil; et cependant son mari avoit toiijours
q u e l q u e motif d<' giomler. Elle demeuroit vis-à-vis de mes fenêtres; la
r u e étoit étroite, par cela menu- j'étois tout naturellement devenu
le confident et le témoin de ses chagrins. La peste se déclara dans la
ville : ma voisine étoit si communicative qu'elle devoit la piendre et
la donner; effectivement elle la |>rit de son d<;rnier amant, la donna
fidèlement à son mari, et ils moururent icnis trois. Je la regrettai; sa
s i n g u l i è r e bonté, la naïveté de ses désordres, la sincérité de ses regrets.
m ' a v o i e n t intéressé, d'autant que, simple confident , j e n'avois à la quereller
n i comme mari ni comme amant, et qu'heureusement je n'étois point à
R o s e t t e lorsque la peste désola ce pays,
Nous partîmes enfin pour le Delta, pour cette tournée si long-temps
a t t e n d u e , où nous allions fouler un terrain neuf pour tout Européen, et
même pour tous autres que les habitants; car les Mamelouks alloient rar
e m e n t jusqu'au centre du Delta se faire payer le miri, ou organiser les
avanies. Nous partîmes le a4 fructidor après-midi; nous traversâmes le Nil
e n bateau, le général Menou, le général Mar raont , xme douzaine de savants
o u artistes, et un détachement de de»ix cents hommes d'escorte. On avoil
c r u tout prévoir, et ce que l'on avoit oublié étoit l'essentiel, Les chevaux
<jue noxis devions monter n'avoient de la race arabe que les vices ; les
vovagcurs qui n'étoient point éeuyers, et qui n'avoient que l'altenYative
d ' u n cheval sans bride ou d'un âne sans hàl , bésitoient s'ils se mettroient
e n route, (m renonceroient à n n voyage ([u'ils avoient désiré si ardemment
e t commencé avec tant d'entbousiasiue : cependant pcu-à-pen tout s'arr
a n g e a , et nous nous mimes en marche. Nous traversâmes les villages de
M a d i e , Elyeusei'a, Abougueridi, Melahoué, Abouscrat, Ralaici, Bereda,
E k b c t , Estaone, Elbat, Elsezri, Souffrano, Elnegars, Madie-di-I3crimbal; et
nous anivàmes à Berimbal à la nuit fermée. Je plaec ici la nomenclature
p e u intéi'cssante de tous ces villages, pour donne r une idée de la population
d e quatre lie.ues de pays, et de l'abondance d'un sol (jui nourrit tant
d ' h a b i t a n t s et porte tant d'habitations, sans compter ce qu'il fournit au
possesseur titulaire, (pii pour le plus souvent fait sa résidence dans la
c a p i t a l e . A Madie-di-Berimbal nos chameaux tombèrent dans le canal;
nous ne fûmes rassemblés qu'à minuit: on ne nous attendoit j)lus; nos
b a r d e s et nos provisions étoient toutes mouillées: après un souper difficile
à obtenir nous nous couchâmes comme nous pûmes vers les deux heures
d u malin. Le lendemain, après nous être scchés, nous nous rendîmes à
Métubis en deux heures de marche, rencontrant autant de villages que
la veille.
T.e général avoit un travail à faire avec les cheikhs des environs, im
é c l a i r c i s s e m e n t à p rendre, et une explication à avoir sur des fautes passées
( voyez pl. 78, /i" i ) : il fut résol u que nous ne nous met trions en rout e que le
l e n d e m a i n ; Mêtubis offroit d'ai l leurs sous quelques rapport s un aliment à la
c u r i o s i t é : il est possible d'abord qu'elle ait été bâtie sur les ruines de l'ant
i q u e Métélis; et, d'im autre côté, par la licence connue et permise de ses