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11 faut donc bien se garder de penser, comme on le croit abusivement,
que larchitceturc égyptienne est l'enfance de l'art, mais il faut dire qu'elle
en est le type.
Je fus frappe de la beauté de la porte qui fcrmoit le sanctuaire du temple;
tout ce que l'architecture a ajouté depuis d'ornements à ce genre de décoration
n'a fait qu'en rapetisser le style {TX)J(ÎZ plancha Bg, it i ).
Je ne devois pas espérer de rien ti'ouver en Egypte de plus eomplct, de
plus parfait que Tintyra; j'étois agité de la multiplicité des objets, émerveillé
de leur nouveauté, toin-menté de la crainte de ne pas les revoir.
J'avois apperçu sur des plafonds des systèmes planétaires, des zodiaques,
des planispheres eélestes, présentés dans une ordonnance pleine de goût;
javois vu que les murailles etoient couvertes de la représentation des rites
de leur culte, de leurs procédés dans ragriculture et les arts, de leurs préceptes
moraux et religieux; que l'Etre suprême, le premier principe, étoit
par-tout représenté par les emblèmes de ses qualités: tout étoit également
important à rassembler; et je n'avois que quelques heures pour observer,
pour réfléchir, pour dessiner ce qui avoit coûté des siecles à concevoir, à
construire, à décorer. Notre impatience française étoit épouvantée de la constante
volonté du peuple qui avoit exécuté ces monuments: par-tout même
égalité de recherches et de soins; ce qui pourroit faire penser que ces
édifices n'étoient point l'ouvrage des rois, mais qu'ils étoient construits aux
frais de la nat ion, sous la direction de colleges de prêtres, et par des artistes
auxquels il étoit imposé des regies invariables. Un laps de temps avoit pu
chez eux apporter quelques perfections dans l'art; mais chaque temple est
d'une telle égalité dans toutes ses 2>arties, qu'ils .semblent tous avoir été
sculptés de la même main; rien de mieux, rien de plus mal; point de
négligence, point d'élans à part d'un génie plus distingué; l'ensemble et
l'harmonie régnoient par-tout. L'art de la sculpture, enchainé ii l'architecture,
étoit circonscrit dans le principe, dans la méthode, dans le mode:
une figure n'exprimoit rien par le sentiment; elle devoit avoir telle pose
pour .signifier telle chose; le sculpteur en avoit le poncif, et ne dcvoil se
permettre aucune altération qui auroit pu en changer le vrai sens: il en
étoit de ces ligures coiume de nos cartes à jouer, dont nous avons respecté
les imperfections, pour ne ri<'ii ôter à la facilité avec laquelle nous les
savons reconnoitre. La perfection qu'ils ont donnée à leurs animaux prouve
assez qu'ils avoient l'idée du style, dont ils ont indiqué le caractere avec
si peu de lignes dans un principe si grand, et un système qui tendoit au
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grave et au beau idéal, comme nous en avions déjà la preuve dans les
deux sphinx du capitole, et dont on retrouve ici le style dans ceux qui
sont sur le flanc du grand temple ( vojez planche 40, «"2).
Quant au caraetere de leur figure humaine, n'empruntant rien des autres
nations, ils ont copié leur propre nature, qui étoit plus gracieuse que belle.
Celle des femmes ressemble encore à la figure des jolies femmes d'aujour.
d'iuu: de la rondeur, de la volupté; le nez petit; les yeux longs, peu ouverts,
et relevés à l'angle extérieur, comme tous les peuples dont cet organe est
fatigué par l'ardeur du soleil ou la blancheur de la neige; les pommettes
des joues nu pea grosses, les levres bordées, la bouche grande, mais riante
et gracieuse: en tout, le caraetere africain, dont le Negre est la charge, et
peut-être le principe.
Les hiéroglyphes, exécutés de trois maniérés, sont aussi de trois genres,
et peuvent avoir aussi trois époques: par l'examen des différents édifices
que j ai été dans le cas d'observer, j'ai pu juger que ceux qui dcvoient être
les plus anciens n'ont qu'un simple contour, creusé sans relief, et très
profondément; les seconds, ceux qui font le moins d'effet, .sont simplement
en relief très bas; et les troisièmes, qui me paroissent du meilleur temps,
et qui sont à Tintyra d'une exécution plus jjarfaite qu'en aucun autre lieu
de l'Egj-ptc, sont en relief au fond du contour creusé. A travers les figures
qui composent les tableaux, il y a de petits hiéroglyphes, qui paroissent
n'être que l'explication des tableaux, et qui, avec des formes simplifiées,
senibleroient une maniéré plus rapide de s'exprimer, une espece d'écriture
cursivo, si Ton peut dire ainsi en parlant de sculpture.
Un quatrième genre sembloit être consacré à rornement; nous l'avons
appelé im2)roprement, et j e ne sais pourquoi, arabesque: adopté par les Grecs
au temps d'Auguste il fut admis chez les Romains, et dans le quinzième
siecle, lors de la renai.ssance des arts, il nous fut transmis par eux comme
ime décoration fantastique, dont le goût étoil tout le mérite. Chez les
Jigypticns, employé avec le même goiit, chaque objet avoit un sens ou une
moralité, déeoroit on même temps les frises, les corniches, les soubassements
de leur architecture ( »ayez les pl. i 1 (i î-m 1 7 ). J'ai retrouvé à Tintyra
des représentations de péristyles de temples en cariatides, exécutées en
peinture aux bains de Titus, copiées par Raphaël, et que nous singeons tous
les jours dans nos boudoirs, sans imaginer que les Egyptiens nous en ont
donné les premiers modèles. Le crayon à la main, j e passois d'objets en objets;
di.strait de l'un par l'intérêi de l'antre, toujours attiré, toujours arraché, il
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