ici le bonheur d'un Mamelouk que j'ai voulu peindre; ¡1 faut toujours
é c a r t e r de ses tableaux les monstruosités; et, si l'on se permet quelquelbis
d ' e n faire une esquisse, ce doi t être une caricature qui en inspire le mépris
e t le dégoût.
L'officier (|ui coinmandoit l'escorte se trouva être un de mes amis; il
me désigna dans le petit nombre de ceux qui devoient entrer dans les
p y r a m i d e s : on étoit trois cents. Le lendemain au matin on se cbercba,
o n s'attendit; on partit tard, comme il arrive tfmjcnirs dans les grandes
a s s o c i a t i o n s . Nous croisâmes dans les terres par des canaiix d'arrosement;
a p r è s bien des bordées dans le pays cultivé, nous arrivâmes à midi sin- le
b o r d du désert , à u n e demi-lieue des pyramides: j 'avoi s fait e n rout e plusieurs
esquisses de leurs approches ( w j ^-z pL 19 <H 20, « "2) , ime vue de la maison de
Mourat-bcT(yoj <;-3pl-i'6, » "4) -Ape ine avions-nous (piitté les b a rque s ([ue nons
nous trouvâmes dans des sables: nous gra\iines jusqu'au plateau sur lequel
p o s e n t ces monuments; quand on approche de ces colosses, leurs formes
a n g u l e u s e s et inclinées les abaissent et les dissinnilent à l'oeil; d'ailleurs
comme tout ce cpii est régulier n'est petit ou grand que par comparaison,
q u e ces masses écl ipsent tous les objet s envi ronnant s , et que cependant elles
n ' é g a i e n t pas en étendue une montagne ( l a seule grande chose que tout
n a t u r e l l e m e n t notre esprit leur compare) , on est tout étonné de sentir déc
r o î t r e la premiere impression qu'elles avoient fait éprouver de loin; mais
dès qu'on vient à niesuier par une échelle connue cette gigantesque prod
u c t i o n de l'art, elle reprend toute son immensité: en effet cent personnes
qui étoient à son ouverture lorsque j'y arrivai me semblèrent si petites
(qu'elles ne me parurent plus des hommes. Je crois que pour donner, en
p e i n t u r e comme en dessin, une idée des dimensions de ces édilices, il
f a u d r o i t dans la jus t e proportion représenter sui- le même plan que l'édiliee
u n e cérémonie religieuse analogue à leurs antiques usages. Ces monum
e n t s , dénués d'échelle vivante, ou accompagnés seulement de quelques
l i g u r e s sur le devant du tableau, perdent et l'effet de leurs proportions et
l'im p r e s s loti qu'ils doivent faire. Nous en avons un exempli- de comparaison
e n Europe dans l'église de .S.-Pierre de Rome, dont Thai'monie des proport
i o n s , ou plutôt le c roi sement des lignes, dissimule la g randeur , dont on ne
p r e n d une idée cpie lorsque rahaissaTit sa vue sur quelqiu-s célébrants qui
v o n t dire la messe suivis d'une troupe de (ideles, on croit voir un groupe
d e marionnettes voulant jouer Athalie sur le théâtre de Versailles : un
a u t r e rapprochement de ces deux édifices, c'est qu'il n'y avoit que des
g o u v e r n e m e n t s sacerdotale m e n t despotes qui pussent oser entreprendre de
les élever, et des peuples stupidement fanatiques qui dussent se prêter u leur
e x é c u t i o n . Mais, pour parler de ce qu'ils sont, montons d'abord sur un mont
i c u l e de décombres et de sables, qui sont peut-être les restes de la fouOle
d u premier de ces édifices que l'on rencontre, c( qui servent aujourd'hui à
a r r i v e r à l 'ouver tur e par laquel l e o n peut y p é n é t r e r ; cette ouver ture, trouvée
à-peu-près ;i soixante pieds de la base, étoit masquée par le rcvêtissement
g é n é r a l , qui servoit de troisième et derniere cloture au rédui t silencieux que
r e c e l o i t ce monument (i>o)y?s /a vue de crac onti-éc,pl. -¿c bis, n° u, cl la coupe,
pl. 9.0, 11° '5, ht. G) : là commence immédiatement la premiere galerie; elle
se dirige vers le centre et la base de l'édilice; les décombres, que l'on a mal
e x t r a i t s , ou qui , p a r l a pente, sont naturel lement retombés dans cet t e galerie,
j o i n t s au sable que le vent du nord y engouffre tous les jours, et que rien
n ' e n retire, ont encombré ce p remier passage, et le rendent très incommode
à traverser, Arrivé à rexti'émité, on rencontre deux blocs de granit, qui
é t o i e n t »me seconde cloison de ce conduit mystérieux: cet obstacle a sans
d o u t e étonné ceux qui ont tenté cette fouille; leur s opérat ions sont devemuîs
i n c e r t a i n e s ; ils ont entamé dans le massif de la construction; ils ont fait
une percée infructueuse, sont revenus sur leiu's pas, ont tourné autour des
d e u x blocs, les ont surmontés, et ont découvert une seconde galerie, ascend
a n t e , et d'une roidcur telle qu'il a fallu faire des tailles sur le sol j>onr en
r e n d r e la montée possible. Lorsque par cette galerie on est parvenu à une
espece de palier, on trouve u n trou, qu'on est convenu d'appeler le puits, et
l ' e m b o u c h u r e d'une galerie horizontale, qui mene à ime chambre, connue
sous le nom de rhambre ilc hi ifi/ic, sans ornements, corniche, ni inscription
q u e l c o n q u e : revenu au palier, o n se h isse dans la grande galerie, qui conduit
à un second palier, sur lequel étoit la troisième et derniere clôture, la
p l u s compliciuée dans sa construction, cello qui pouvoit donner le plus
l ' i d é e de l'importance que les Egyptiens mettoient à l'inviolabilité de leur
s é p u l t u r e . Ensuite vient la chambre royale, contenant le sarcophage: ce
p e t i t sanctuaire, l'objet d'un édifice si monstrueux, si colossal en compar
a i s o n de tout ce que les hommes ont fait de colossal, se trouve ici figuré
(vojTz ri" 10 « II, //it'-mc pl.). Si l'on considère l'objet de la construction
des pyramides, la mas.sc d'orgueil qui les a fait ent reprendr e paroît excéder
celle de leur dimension physique; et de ce moment l'on ne sait ce qui doit
l e plus étonner de la démence tyi'annique qui a osé en commander l'exéc
u t i o n , ou de la stupide obéissance du peuple qui a bien voulu prêter ses
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