c'est que, s'ils liabitoient ce (juc nous devons regarder à leur distribution
fomniR des édifices saccés, ils n'etoient pas commodément logés: de grandes
cours avec des galeries ouvertes, dos portirjues formés d'entrccolonnenients
étroits ne pouvoient être que désagréables ii habi ter; le peu de chambres
qui existent, petites, sans air ni Inmiere, couvertes de pieuses allégories,
ne devoient pas récréer leurs yeux ni lenr imagination: j'ai clé d'ailleurs
dans le cas d'observer qu'nne partie de ces chambres obscures contenoit
de petits tabernacles, renfermant sans doute, ou la (igure de la divinité, ou
l'animal qui en étoit rcmbléme, ou le trésor du temple; ce qui en faisoit
tout naturellement un lieu sacré, et fermé pour tout autre qne pour Icfs
prêtres. T1 est donc à croire que c'étoient des collèges nombreux de rcs
prêtres qui occupoient les vastes enceintes de ces édifices, et que, dépositaires
des lumières, ils l'étoient aussi du pouvoir et de ses moyens.
Quelle monotonie! quelle triste sagesse! quelle gravité de moeurs 1 J'admire
encore avec effroi l'organi.sation d'un pareil gouvernement; les traces
qu'il a lai.ssées me glacent et m'épouvantent encore. La divinité, sacerdotalement
vêtue, d'une main tient un crochet, de l'autre un iléau, l'un sans
doute pour arrêter, et l'autre pour punir: la loi porte par-tout la cbaiue,
et la mesure; je vois les arts se traîner sous le poids de cette chainc, et
son génie m'en paroit accablé : ce signe de la génération tracé sans pudeur
jusqu'au sanctuaire des temples m'annonce que pour détniire la volupté
ils en avoient encore fait un devoir; pas un cirque, pas une arcne, pas un
théâtre! des temples, des mystères, des initiations, des prêtres, des vietimos!
pour plaisirs, des cérémonies! pour luxe, des tombeaux! T. e mauvais génie
de hi France évoqua sans doute l'ame d'un prêtre Egyptien, lorsqu'il anima
le monstre qui imagina, pour faire notre bonheur, de nous rendre tristes
et atrabilaires comme lui, (Voyez la description du plan à l'explication des
planches gS,, n" 2).
Après avoir parcouru l'espace qu'il falloit observer pour avoir les détails
de l'édilice, je nu' trouvai à la partie sud-ouest de rell(î enceinte, où sont
compris d'autres temples particuliers: je fis la vue d'un de ces tcirqdes
(vojrz pi /|3,/;''3). L'intérieur du monument me lit éprouver une sensation
nouvelle: derrière les deux môles que l'on voit dans l'estanipe est
un portique ouvert de vingt-huit colonnes; ce portique, lourd dans ses
proportions, a un caraeterc dont l'austérité fait la noblesse; tant il est vrai
qu'en architecture, quand les lignes sont longues, qu'il y eu a peu, et que
rien ne les coupe, l'effet est toujours grand et imposant! A.u fond de ce
premier portique, une large porte en laisse voir un second, porté par huit
colonnes sur deux rangs, de proportion encore plus grave et d'un earactere
que l'obscurité rend encore plus terrible; c'est le temple des Euménides ;
une piece longue et étroite suivie de deux autres plus obscures précédé
u n sanctuaire, absolument enfoui; un mur de circonvallation isole ce monument,
qui semble être l'asyle de la terreur. J'avois fait un dessin de la
vue extérieure de cet édifice; j e voulois en faire un de l'intérieur avec le
sentiment qu'il m'inspiroit, mais j'éprouvai à cet instant un tel degré de
lassitude physique et morale, quej e ne trouvai plus de faculté pour exécuter;
j'étois épuisé,j'étois incapable de rendre ce quej e eoncevois:j'avois dessiné
des bas-reliefs, des hiéroglyphes; j'avois pris connoissancc de toutes les
localités; j'avois fait une vue générale du temple, prise de la porte de
l'est, qiti est le point d'où on découvre quelques formes à ce chantier de
carriere, qu'ont laissé les écroulements de ces édifices gigantesques, et dont
chaque débris ne se distingue que par la réflexion et dans l'éloignement
{vojcz pl. 43, «"2); et enfin j'avois fait encore une autre vue de la partie
sud de ces édifiées {me me planche, rf
11 avoit fait si chaud que le sol m'avoit brûlé les pieds à travers ma
chaussure ; j e n'avois pu me fixer pour des.siner qu'en faisant pi-omener
mon serviteur entre le soleil et moi, pour rompre les rayons et me faire
un peu d'ombre de son corps; les pierres avoient acquis un tel degré de
chaleur, qu'ayant voulu ramasser des agates-cornalines, que l'on trouve en
grand nombre dans l'enceinte même de la ville, elles me brùloient au
point que, pour en emporter j'avois été obligé de les jeter sur mon mouchoir,
comme on toucheroit à des charbons ardents. Harassé, j'allai me jeter
dans un petit tombeau arabe, qu'on nous avoit préparc pour la nuit, et
qui me parut un boudoir délicieux, jusqu'au moment où l'on me dit que,
lors de notre dernier j)assage, on y avoit égorgé nu des nôtres qui étoit
resté en arriéré de la colonne: les marques de cet assassinat, empreintes
encore contre les murs, me firent horreur; mais j'étois couche, je m'endormis;
j'étois si las, que j e crois que je ne me serois pas relevé de dessus
le cadavre même de cette malheureuse victime.
Nous partîmes le lendemain avant le jour : j'emportois cette fois plus
de dessins et moins de regrets; je soupirois cependant dans la pensée que
j e quittois peut-être Tbebcs pour toujours; sa situation éloignée de tout
établissement, la férocité de ses habitants, le miri payé, tout me démontroit
qu'il falloit renoncer à l'espoir d'y revenir: je n'avois pas vu les tombeaux