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excitoit saintement au meurtre, tandis qoe la mort et le eamage parc
o u r o i e a t les rues, lous eeux dont les Français habitoient les maisons
s'cmpressoient dé les sanver, de les eaeher, de venir aa-devant de leurs
besoins; une vieille dame du quartier où nous demeurions nous lit dire
que notre mur étoit mitoyen, que si nous étions attaqués nous n'avions
q u a l'abattre, et que son harem seroit noire asyle; un voisin, sans que
nous l'en eussions prié, nous (it des provisions aux dépens des siennes,
tandis qu'on ne trouvoit riet, a aeheter dans la ville, et que tout annoneoit
la disette: il ôta tous les signes .jui ponvoient laire remarquer notre dem
e u r e , et vint Cumer devant notre porte pour éearter les assaillants, en
leur faisant croire que la maison étoit à lui: deux jeunes gens, poursuivis
dans k rue, sont enlevés par des personnes inconnues, et portés dans
une maison; ils se regardent comme des viclimes réservées à un toxirment
d ' u n e cruauté plus réiléelùe; ils deviennent Curieux; leurs ravisseurs, ne
pouvant espérer de se taire comprendre, leur livrent leurs entants, comme
des gages sineeres de la .loucenr et de la hienfaisam-e de leurs intentions.
On pourroi t citer nombr e d'antres anecdotes d u n e sensibilité aussi délicate,
,,ui rattachent à l'humanité dans les moments où elle scmlde briser tons
ses liens. Si le grave Musulman réprime l'expression de sensibilité qn'aillenrs
ou se feroit gloire de inanifcsler, c'est qu'il veut conserver la noble aust
é r i t é de son earactere. Mais passons à d'autres objets.
On venoit d'oxivrir des caves à Saccara, on avoit trouvé dans une chambre
sepulcrale plus de cinq cents momies d'Ibis, on m'en avoit donné deux;
je ne pus pas tenir au désir d'en ouvrir une: le citoyen Geofl'roi et moi
nous nous mimes seuls a une table avec tous les moyens de procéder tranq
u i l l e m e n t à son ouverture; et, pour ne pas laisser vieillir jties idées sur
«•ette opération et n'.'ii pas perdre une circonslance, je me mis en devoir
d'en dessiner chaque développement, et d'en taire une especc de procèsverbal
( nojcz ¡ilanvhc <)9 )•
Il existe une variété très sensible dans le soin donné à ccs cnd)aumements
d'oiseaux; il n'y a <,ue le pot de terre qui soi! le même pour lous. Cette
inégalité de soin dans des momies prises dans la même cave prouve (¡u'il
y avoit aussi, comme pour les hommes, ^arieté dans le i)rix de l'opér
a t i o n , par conséquent que c'étoient des particuliers .pii faisoient celte
dt-pense, et qu'ainsi il est à présumer que les oiseaux embaumés navoient
pas été également nourris dans (juclques temples ou par quelques colleges
de prêtres en reconnoissancc des services que'rendoit lespece. S'il en eût
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été des oiseaux comme du dieu Apis, un seul individu auroit suffi, et
o n ne trouveroit pas de ces pots par milliers. On doit donc croire que
l ' i b i s , destructeur de tous les reptiles, devoit être en vénération dans un
pays où ils ahondoient à une certaine époque de Tannée; et, comme la
cicogne en Hollande, cet oiseau s'apprivoisant aussi par l'accueil qu'on lui
faisoit, chaque maison avoit les siens aftidés, auxquels après leur mort chacun,
suivant ses moyens, donnoit les honneurs de la sépulture. Hérodote
dit qu'on lui avoit conté que dans les p remier s temps connus il y en avoit en
abondance; qu'à mesure que les marais de la haut e Egypt e s'étoient desséchés,
ils avoient gagné la basse pour suivre leur pâture ; ce qui s'accorderoit assez
avec ce que rapportent les voyageurs que l'on èn Toit encore quelquefois au
lac Menzaléh. Si l'espece avoit déjà diminué du temps d'Hérodote, il n'est
pas étonnant que son existence devienne presque problématique de nos
j o u r s . Hérodote raconte que les prêtres d'Héliopolis lui avoient dit qu'à la
r e t r a i t e des eaux du Nil il arrivoit, par les vallées qui séparent l'Egypte de
l'Arabie, des nuées de serpents ailés, que les ibis alloient au-devant de ces
serpents et les dévoroient; il ajoute qu'il n'avoit pas vu les serpents ailés,
mais qu'il étoit allé dans les vallées, et avoit trouvé des squelettes innombrables
de ces monstres. Je crois, n'en déplaise au patriarche de l'histoire, que
l'ibis n'avoit pas besoin qu'on lui créât des dragons d'Arabie pour le rendre
intéressant à l 'Egypte qui produisoit d'elle-même tant de reptiles mal faisants ;
mais le respectable Hérodote étoit Grcc, et il aimoit le merveilleux.
Il n'est pins question de serpents ailés en Egypte; mais cet animal y
conser^'e encore quelque prestige. J'étois chez le général en chef un jour
q u ' o n y introduisit des psylles : on leur fit plusieurs questions relativement
au mystere de leur secte, et la relation qu'elle a avec les serpents
auxquels ils paroissent commander; ils montroient plus d'audacc que
d'intelligence dans leurs réponses: on vint à l'expérience: Pouvez-vous
c o n n o i t r e , leur dit le général, s'il y a des serpents dans ce palais.^ et, s'il
y en a, pouvez-vous les obliger de sortir de leur retraite? Ils répondirent
par une aftirmation .sur les deux questions: on les mit à l'épreuve; ils se
r é p a n d i r e n t dans les appartements; un moment après ils déclarèrent qu'il
y avoit un serpent; ils recommcncercnt leur recherche pour découvrir où
il étoit, pî'irent quelques convulsions en passant devant une jarre placée
à l'angle d'une des chambres du palais, et indiquèrent que l'animal étoit
l à ; effectivement on le trouva. Ce fut un vrai tour de Comus; nous nous
regardâmes, et convînmes qu'ils étoient fort adroits.