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qui pouvoit être fimc.ste à bien du monde, tourna à notic avantage; les
m a t e l o t s , et notamment les Turcs qui nous étoient arrivés, se jelereut
sur cette vergue, et firent de tels efforts pour la repousser, que le coup,
qui n'étoit point appuyé par le vent, fut amort i ; et cette fois nous en fûmes
quittes pour un trou Fait dans la partie haute de notre bordage par l'ancre
de la Léoben. VArtcmise avoit glissé à notre poupe; le vaisseau avoit
avancé; les efforts pour le débarrasser de la vei-gue de la Léoben l'avoient
repoussé au large, et tous ces dangers, qui s'étoient amoncelés sur nous
comme les nuées pendant l'orage, se dissipèrent encore plus promptement.
Il ne nous resta que la fureur de notre officier de quart, qui auroit
voulu que nous eussions tous péri, pour prouver à son camarade que
c'étoit lui (pi'il falloit accuser. Nous dûmes notre saint à la foiblesse du
v e n t , et aux trains d'artillerie qui affoiblircnt le premier choc. Deux
bâtiments marchands qui se heurtent peuvent se faire quoique mal, mais
non s'anéantir: il n'en est pas de même de deux vaisseaux de guerre;
il est bien rare que l'un ou l'autre ne périsse , et souvent tous les
deux.
Le 2, nous eûmes toute la journée un calme plat, et toute la chaleur
d u soleil de la fin de jui n au trente-cinquicme degré.
Dans la nuit, une brise nous mit en pleine route. L'ordre de la marche
fat changé.
I.e 3, on mit le convoi en avant, l'armee derriere, et nous sur le flanc
gauche.
Les 4, 5, et 6, nous eûmes un temps fait, vent arriéré, qui nous eût
menés à Candie, si nous n'eussions pas eu notre convoi q à tout mome n t . u'il falloit a t t e n d r e
Les vents de nord et de nord-est sont les vents alizés de la Méditerranée
pendant les trois mois de juin, juillet et août; ce qui rend la navigation
de cette saison délicieuse pour aller au sud et à l'ouest, mais ce qui en
même temps fait dépendre du hasard tous les retours, parcequ'il faut les
faire dans les mauvaises saisons.
Du 6 au 7, nous fîmes quarante - h u i t lieues par une brise qui éloit
presque du vent. On nous fit signal k onze heures de faire chasse pou,-
trouver la terre; nous découvrîmes la partie de l'ouest de Candie à quatre
heures. Je vis le mont Ida de vingt lieues; je le dessinai à quinze. Je n'en
voyois que le sommet et la base, le reste de l'isle se perdant dans la
brume; mais je craignois qu'elle ne m'échappat dans la nuit, et de n'avoir
pas pris le contour de la montagne où naquit Jupiter, et qui fut la patrie
de presque tous'les dieux ( voyez pianchc 2 , figure 9).
J'aurois eu le plus grand désir de voir le royaume de Minos, de chercher
quelques vestiges du labyrinthe; mais ce que j'avois prévu arriva,
l'excellent vent qiie nous avions nous tint éloignés de l'isle.
Le 8, à cinq heures, je trouvai que nous avions cheminé dans la direction
de la côte de l'est sans nous en approcher; le vent avoit été si fort
pendant la nuit que tout le convoi étoit dispersé: nous passâmes.toute la
matinée à le rassembler, et à diminuer de voiles pour l'attendre. C'étoit
pendant cette manoeuvre que, par une brume épaisse, le hasard nous déroboit
à la flotte anglaise, qui, à six lieues de distance, gouvernant à
l'ouest, alloit nous cherchant à la còte du nord.
Le soir du 9, on nous signala de passer i» poupe de XOrinu. Il scroit
aussi difficile de donner que de prendre une idée exacte du senliiuent
que nous éprouvâmes à l'approche de ce sanctuaire du pouvoir, dictant
ses décrets, au milieu de trois cents voiles, dans le mystere et le silence
de la nuit : la lune n'éclairoit ce tableau qu'autant qu'il falloit 2)our en
faire jouir. Nous étions cinq cents sur le pont, on auroit entemhi voler
une mouche; la respiration mcmc étoit suspendue. On ordonna à notre
capitaine de se rendre à Jiord du commandant. Quelle fut ma joie à son
r e t o u r , lorsqu'il nous dit que nous étions dépêchés en avant pour aller
chercher noire consul à Alexandrie, el savoir si on étoit instruit de notre
marche, et quelles étoient les dispositions de cette ville à notre égard;
qu'il nous étoit réservé d'aborder les premieis en Afrique pour y recueillir
nos comparriotes, et les mettre à l'abri du premier mouvement des
habitants à l'approche de la (lotte. Dès cet instant nous déployâmes toutes
les voiles pour faire le plus vite qu'il nous seroit possible les soixante
lieues qui nous restoient à parcourii'; mais le vent nous inanqua toute la
nuit du 9 au 10: nous eûmes quelques heures de brise, et le reste du temps
nous ne fîmes de chemin que par le mouvement donné à la mer, et les
courants <|ui portoient sur le point que nous devions atteindre.
Notre mission, après avoir prévenu les Francs de se teni r sur leurs gardes,
étoit de venir retrouver l'armée qui devoit croiser, et nous attendre à six
lieues du cap Brûlé {vojcz la carte, jx/gf 6). A midi, nous étions à trente
lieues d'Alexandrie; <à ijuatre heures les gabiers crierent icrn'; ¿1 six nous
la vîmes du pont: nous eùtnes toute la unît la brise; ;i la pointe du jour
j e vis la côte à l'ouest, qui s'étendoit comme un luban blanc sur l'horizon