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avoit pas une d'entiere. Nous découvrîmes de là à-peu-prés deux lieues
carrees de terrains arides et incultes; ee qui nous désenchanta un peu sur
la fécondité générale du sol du Delta. Si c'étoient là les ruines d'une des
deux villes que je viens de nommer, leur situation étoit triste, et on peut
assurer qu'elles ne possédoient aucun grand monument: quoique l'espace
qu'elles occiipoient fût considérable, on n'y distingue que quelques canaux
d'irrigation, mais aucune trace d'un canal de navigation. Nous revînmes
très peu satisfaits de nos recherches; nous n'avions pas même recueilli
assez de renseignements pour nous aider à l'avenir dans celles que nous
pourrions entreprendre. Nous avions quitté le détachement pour faire cette
excursion: accompagnés seulement de quehjues guides, nous cheminâmes
en droite ligne sur Dcsouk, qui étoit notre rendez-vous; nous passâmes
par Gahrith, village fortifié de murailles et de tours, particularité qui
distingue ceux qui ne sont pas sur le bord du Nil au-delà de Foua. I-e
territoire étoit aussi moins cultivé; le sol, plus élevé et plus difficile à
arroser avec des roues, attendoit l'inondation pour être semé en bled et
en maïs, auxquels rien ne devoit succéder: dans les parties de terrain de
celte nature, dès que les récoltes sont faites, la terre, abandonnée au soleil,
se gerce, et n'offre plus à l'oeil que l'image d'un désert. Nous traversâmes
Salmie, où nous pûmes distinguer tous les désastres qu'avoit causés notre
vengeance, sans pouvoir remarcjuer sur la physionomie des habitants qu'ils
en eussent consci-vé quelque dangereux ressentiment; je ne pouvois cependant
me rappeler sans émotion que j e me trouvois à-peu-prés seul sur la
même place où j'avois vu tomber quelques jours auparavant les principaux
habi:tants du pays: nous étions ensemble comme des gens qui ont eu un
procès, mais dont les comptes sont arrêtés. J'ai remarqué d'ailleurs que pour
tout ce qui est des événements de la guerre les orientaux n'en conservent
point de rancune: ils ajoutèrent de bonne grace et fort loyalement un
guide à celui qui nous conduisoit à Mehhâl-èl-Malek et au canal de Ssa'ïdy.
Le canal de Ssa'ïdy est assez grand pour porter des bateaux <lu Nil au
lac de Bérélos: Desouk, village considérable, n'en est qu'à une demi-lieue;
une mosquée, révérée de tout l'orient deux fois dans l'année, y amene
en dévotion deux cents mille ames: les aimés s'y rendent de toutes les
parties de l'Egypte; et le plus grand mii'acle que fasse Ibràbym, si révéré
à Desouk, est de su.spendre la jalousie des Musulmans pendant le temps
de cette espece de féte, et d'y laisser jouir les femmes d'une liberté dont
on assure qu'elles profitent dans toute l'extension imaginable.
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On avoit préparé un palais, disoit-on, pour le général; nous y fûmes tous
logés: il consistoit en une cour, une galerie ouverte, et u n e chambre qui ne
fermoit pas {voyez le dessin ¡A. lO, n" 6 ) . J'ai pris le moment où k général
Menou donne audience par la fenêtre aux principaux du pays asseni!)lés dans
la cour, tandis qu'on apporte le déjeûner qu'ils nous avoient fait préparer.
Le jour après devoit être consacré à visiter ce qui restoit de villages
du gouvernement du général Menou dans la province de Sharkic'. Dans
cette tournée nous devions passer à Sanhour-êl-Mcdin, où l'on nous avoit
dit qu'il y avoit une quantité de ruines. Etoil-ce Sais? Toujours séduits, notre
espoir s'étoit acci-u I)ar le nom de êl-Medin, qui veut dire la grande, et qui
pouvoit lui avoir été conservé à cause de son antiquité, ou de l'ancienne
grandeur de Sais, qui, selon Slrabon, étoit la métropole de toute cette
partie inférieure de l'Egypte. Nous traversâmes une grande plaine altérée
qui attendoit d'heure en heure le Nil, qui arrivoit déjà par mille rigoles.
Sanhour-êl-Mcdin ne nous offrit encore que des dévastations, et pas une
luine qui eût une forme: le peu de fragments en grès et granit que nous
rencontrâmes ne pouvoit nous attester que quelques siecles d'antiquité;
nos recherches obstinées dans tous les environs furent également vaines:
nous revînmes coucher à Desouk sans rien rapporter.
• L e lendemain notre marche se dirigea au nord-est, et vers l'intérieur du
Delta. Après avoir traversé de nouveau Sanhour-êl-Medin, nous passâmes
de grands canaux de chargement, que nous jugeâmes, à la (jualité des
eaux, devoir pi'endre leurs sources au lac de Bérélos.
Au-delà de ces canaux nous trouvâmes le pays déjà tout inondé, quoiqu'il
fût élevé de 4 pLeds plus haut que celui que nous venions de quitter: l'irrigation,
dirigée et retenue par des digues sur lesquelles nous marchions alors,
devoit les .surpasser pour arroser à leur tour les terres que nous avions parcourues;
ces digues servoient de communication aux différents villages, qui
s'élevoient au-dessus des eaux comme autant d'isles: cette circonstance détachant
tous les objets, notre curiosité se flattoit de ne rien laisser échapper
d'intéressant. On nous avoit promis des antiquités à Schaabas-Ainmcrs: nous
marchions sur ce village par une digue étroite qui parlageoit, en serpentant,
deux mers d'inondation; nous avions devancé le détachement d'une lieue,
pour avoir plus de temps à donner à nos observations: un guide à cheval,
deux guides à pied, un jeune homme de Rosette, les deux généraux Menou
et Marmont, un médecin interprété, un artiste dessinateur, et moi, formions
le premier groupe en avant; Dolomieu, tirant par la bride un cheval