la destruction de l'autre; quo c'ctoil YOrirnt qui aroit sauté à dix heures;
que. c'étoit Vfírrculo qui avoit sauté le lendemain; que ceux qui coiumaudoient
les vaisseaux le Guillanme-Trll et le Généreux, et les frégates la Diano
et la Jnsiicc, voyant les autres au pouvoir de l'ennemi, avoient profité du
moment de sa lassitude pour échapper à ses coups réunis. Nous apprîmes
enliu que le 14 fructidor avoit rompu ce bel ensemble de nos forces et de
notre gloire; que notre flotte détruite avoit rendu à nos ennemis l'empire
de la Méditerranée, empire que leur avoient arraché les exploits inouïs de
nos armées de tei-re, et que la seule existence de nos vaisseaux nous auroit
conservé.
Notre position avoit entièrement changé: dans la possibilité d'être attaqués
nous fûmes obligés à des préparatifs de défense; on fortifia l'entrée
du Nil, on établit une batterie sur une des isles, on visita tous les points.
Dans une de nos reconnoissances nous retournâmes au bogaz.c ou barre
du Nil: il étoit à cette époque presque à sa plus grande hauteur; et nous
fûmes dans le cas de voir les efforts de son poids contre les vagues de la
mer, qui dans cette saison sont poussées douze heures de chaque jour
par le vent de nord dans le sens opposé au cours du fleuve: il résulte de
ce combat un bourrelet de sables, qui s'exhausse avec le temps, devient une
isle qui partage le cours du fleuve, et lui forme deux bouches qui ont
chacune leurs brisants; le remoux de ces brisants rapporte au rivage une
partie du sable que le courant avoit entraîné, et, par celte alluvion, les
deux bouches se resserrent peu-à-peu jusqu'à ce que l'uTie d'elles l'emportant
sur l'autre, la moins forte s'obstrue, devient terre ferme avec l'isle;
et à la bouche qui reste se reforme bientôt un autre boiu-relel, une isle,
deux bouches nouvelles, etc., etc. N'est-ce pas là comme on peut le plus
naturellement rendre compte de l'antique géographie des bouches du Nil,
expliquer le voyage de Ménélas dans Homere, le changement du Delta, dont
l'emplacement a pu d'abord être un golfe, puis une plage, puis une terre
cultivée, couverte de villes superbes et de riches moissons, coupée de canaux,
qui, desséchant ou arrosant avec intelligence le sol, portoient l'abondance
sur toute la surface de ce pays nouveau.' Fuis, par le laps de temps,
les fléaux des révolutions, et leufs résultats funestes, des points de dessé-
. hements se seront manifestés; des parties auront été abandonnées, d'autres
seront devenues salines; des lacs se seront ibrmés, détruits, et reproduits
avec des formes nouvelles; les canaux obstrués auront changé de cours, se
seront pcrrdus; et aujourd'hui, dans nos recherches incertaines, nous demandons
où étoicnt les bouches de Canope, de Bolbitine, de Berenice, etc., etc. ^
Les premiers végétaux qui croissent sur les alluvicms sont trois à quatre
espcces de soudes: les sal)les s'amoncclleni contre ces plantes; elles s'élevent
de nouveau sur l'amonccllement: leur dé2)érisseTnent est un engrais
<[ui fait croître des joncs; ces joncs élèvent encore le sol et le consolident:
le dattier paroit, qui, par son ombre, y conserve l'humidité, et acheve d'y
apporter l'abondance, ainsi qu'on peut le voir aux environs du château
de Racid, dont, au temps de Selim, le canon tiroit en mer, et qui maintenant
se trouve à une lieue du rivage, entouré de forêts de palmiers, sous
lesquels croissent d'axitres arbres fruitiers, et tous les légumes de nos jardins
les plus abondants.
Dans cette expédition je vis, à l'embouchure du fleuve, nombre de pélicans
et de gerboises. En observant le châle au de Racid je rcniaixjuai qu'il
avoit été construit de membres d'anciens édifices; qu'une partie des pierres
des embrasures de canon étoienl de beaux grès de la haute Egypte, couvertes
encore d'hiéroglyphes. En visitant les soulci-rains, ncms y trouvâmes
une espece de magasin, composé d'armes a])andonuées; c'étaient des arbalètes,
des arcs et fleches, avec des casques et des ('pées de la forme de
celles des croisés. Eu fouilbnit ces magasins, nous d(4ogeàmes des chauvessouris
grosses comme des pigeons: nous en tuâmes plusieurs; elles avoient
toutes les formes de la rimssette.
Depuis la jierte de notre flotte, ce qu'il y avoil de troupes à Rosette
avoit été disséminé en petites garnisons dans les châteaux et les batteries ; on
avoit été obligé d'établir une caravane d'Alexandrie à Rosette par Aboukir
et le désert, pour entretenir la communication de ces deux villes; des
soldats étoicnt employés à protéger ces caravanes contre les Arabes ; il
en resto it trop peu à Rosette poui' le service de la place, et la dc'fense
en cas d'attaque ; il fut donc question de former une milice de ce qu'il
y avoit de voyageurs, de spéculateurs, et d'hommes inutiles, incertains,
errants, irrésolus, (¡ui arrivoienl d'Alexandrie, ou (]ui reveuoieni déjà du
Caire: ces aiujdiibies, corrompus par les campagnes d'Italie, ayant ouï
parler des moissons égyptiennes comme des plus abondantes de l'univers,
avoient pensé que la prise de possession d'un tel pays étoit la fortune
toute faite des préoccupants; d'autres, curieux, blasés, l'esprit fasciné par
les récits de Savary, étoicnt partis de Paris pour venir chercher de nouvelles
voluptés au Caire; d'autres, spéculateurs, pour fournir l'armée, pour
observer, faire venir et vemlre à haut prix ce qui pourroit manquer à la
colonie: el cependant les beys avoient emporté tout ce qu'il y avoit d'argent
et de magnificence au Caire; le peuple avoit achevé le pillage des maisons