Un examen superficiel me montra bientôt que presque tous les
animaux de nos carrières à plâtre avoie.it des dents molaires d’herbivores
pachydermes.
En effet, celles de leur mâchoire inférieure ont une couronne représentant
deux ou trois eroissans simples, placés à la suite l’un
de l’autre ; configuration qui n’existe que dans les rhinocéros et les
damans, deux genres de pachydermes.
Les ruminans ont bien des molaires composées aussi de deux ou
trois eroissans, mais leurs eroissans sont doubles, et il y a dans
chacun quatre lignes d’émail, tandis que les eroissans de nos dents
fossiles qui sont simples, n’ont que deux de ces lignes.
Les molaires supérieures confirmèrent ce que les inférieures m’a-
voient appris. Leur face externe a trois côtes saillantes qui la divisent
en deux enfoncemens peu profonds ; leur couronne est carrée ', et
présente des inégalités que je décrirai par la suite. Ces caractères
éloignent nos animaux des ruminans, et les rapprochent encore des
damans et des rhinocéros, autant qu’il est possible que des genres
différens se rapprochent.
En poursuivant mes recherches , je m’aperçus qu’il y avoit de
ces dents de plusieurs grandeurs différentes 5 je les classai d’après
cette circonstance ; et ayant remarqué que celles d’une grandeur
moyenne sont plus communes que les plus grandes et les plus petites,
j ’eus l’espoir d’arriver plus tôt.à la connoissance de la série complète
des dents dans cette espèce moyenne que dans les autres ; je m’y attachai
donc plus particulièrement.
Mais, à force d’observer des mâchoires plus ou moins entières, je
parvins à m’assurer que ces dents de grandeur moyenne provenoient
encore au moins de deux espèces différentes, dont l’une étoit pourvue
de dents canines , et dont l’autre en manquoit, eu sorte que chaque
espèce pouvoit être considérée comme formant un genre particulier.
Je vis même bientôt que les dents molaires de ces deux espèces
ou de ces deux genres , quoique fort semblables au premier coup
d’oeil , offrent cependant des caractères qui n’échappent point à un
examen attentif ; en sorte qu’il n’est pas nécessaire que la dent canine
existe dans le morceau, pour qu’on sache duquel de ces deux animaux
de moyenne taille il est provenu, et que chaque dent isolée
peut être rapportée à son animal.
Dès ce moment ma marche fut assurée ; aucune difficulté ne
m’arrêta plus ; je pus remettre chaque dent à sa place et en établir la
série totale.
A b t i c l e II.
Rétablissement de la série des dents à canines saillantes.
§ I. Dents inférieures.
Le morceau qui m’a le premier appris le nombre de ses molaires
inférieures existe à la collection de l’école des mines, et me fut communiqué
par feu M. Tonnelier, conservateur de cette collection.
( Voyez-en la fig. pl. I ,fig . 1. ) C’est une portion du côté gauche (t )
delà mâchoire inférieure ; le bord inférieur est emporté presque tout
du long de a en ô , et de c en d ; l’apophyse coronoïde et le condyle
le sont également. La partie qui contenoit lés canines et les incisives
a , e , ƒ, a aussi été enlevée, mais elle a laissé son empreinte. La moitié
du fond de l’alvéole de la canine est restée en g ; le sommet de la
canine h , et une incisive i, sont restées en place adhérentes au plâtre.
Il y a sept molaires : la première k est petite, comprimée et un peu
tranchante. Les autres l , m , n , o , p , q , ontleur face extérieure en
forme de deux portions de cylindres. ( Voyez fig . 2 , où ce même
morceau est représenté par sa face externe, ) La septième seule q a
trois de ces portions au lieu de deux. A la base est une ceinture saillante
ou espèce de bourrelet, soùs laquelle est une racine pour chaque
portion cylindrique.
Les sommets usés de ces portions cylindriques forment précisément
les eroissans qui caractérisent , selon nous , les molaires infé-
(1) La planche n’ayant pas été gravée au miroir, représente le côté droit.
Cette observation peut s’appliquer à plusieurs des planches suivantes.