On pourra s’étonner de trouver dans nos carrières à plâtre, parmi
tant de productions d’eau douce, un poisson d’un genre dont presque
toutes les espèces sont marines; mais cela ne prouve point que
cette espèce-ci n’ait pu être d’eau douce ; le genre des Labres qui est
presque tout marin, produit le Labms niloticus qui remonte très-
haut dans le Nil; notre Perche d’eau douce est un Acanthoptéry-
gien thorachique appartenant à un genre presque tout marin ; et
parmi les Spams eux-mêmes, Hasselquist en cite deux d’eau douce :
le Galiloeus (1) et le Niloticus (a)s;A la vérité Forskahl {3 ) prétend
que le Niloticus n’est qu’un Labrus ju lis ,porté par hasard au Caire,
et Bloch (4), dans son Systema, place le Galiloeus parmi les Cory-
phenes ; mais en supposant que Bloch eût raison, ce dernier poisson
n en seroit pas moins une espèce d’un genre presque tout marin qui
habiteroit l’eau douce. Il est très-commun dans le lac de Tibériade
ou de Genezareth, et Hasselquist prétend que c’est lui qui a fourni
à la pêche miraculeuse de saint Pierre, rapportée au chapitre Y*, de.
l’Evangile selon saintLuc. Or, le lac de Tibériade, traversé par le Jourdain
, a des eaux très-bonnes à boire.
Je ne crois donc pas que cette empreinte de Spare puisse fournir,
un argument contre l’origine attribuée à nos terrains gypseux, et confirmée
par toutes les autres espèces dont ils renferment les débris.
Après le Spams, vient le poisson regardé comme voisin des Muges.
On a une empreinte assez entière, que nous avons fait graver à demi-
grandeur, pl. L X X V I , fig. i 3 , et nous en possédons un deuxième
individu un peu plus petit.
On voit aisément que c’est un Abdominal dont les nageoires ventrales
ne sont pas fort en arrière ; il a 0,235 de long et o,o65 de haut
au milieu. Ses vertèbres sont au moins au nombre de cinquante; et
par conséquent ses arêtes fort nombreuses ; il a deux nageoires dor(
1) Hasselq. it. p a l ., p. 343.
(2) Hasselq. it. pal. , p. 341.
(3) Descr. anim. i t . , p. 3i.
(4) tyst. ichïyol., p, 298.
sales peu élevées, dont la seconde, placée vis-à-vis de l’anale, a 17 à
18 rayons. Il est difficile de compter ceux de la première, qui répond
à peu près aux nageoires ventrales. Sa nageoire de la queue a 18 rayons
et paroît ronde ; à la vérité l’on pourroit croire quelle a été arrondie
par les l'rottemens que le corps de l’animal a dû éprouver dans les
flots après sa mort ; nous en avons vu plusieurs exemples dans des
poissons apportés des pays lointains dans 1 eau-de-vie ; mais alors-les
rayons latéraux paroissent tronqués et n’ont pas l’air de finir naturellement
en se divisant, comme cela a lieu ici. Les nageoires ventrales
montrent six rayons, mais il ne reste point assez de vestiges des pectorales
pour compter les leurs ; 1 anale en a sept dapparens ; ori (lis-
tingue très-bien sept rayons à la membrane des branchies , qui sont
tous plats et assez larges. La loupe montre que la mâchoire inferieure
au moins éloit armée de dents petites, mais pointues. Les écaillés ne
doivent pas avoir été fortes, car elles n’ont laissé que des empreintes
à peine perceptibles.
Cette description faite sur l’une des deux empreintes que ce poisson
a laissées s’accorde avec celle de M. de Lacepede, faite d apres
l’empreinte opposée; elle conduit facilement à prouver, comme ce
savant naturaliste l’annonce, que c’est un poisson inconnu.
En effet, les Abdominaux à deux nageoires dorsales pourvues 1 une
et l’autre de plusieurs rayons, ne sont pas très-nombreux. Ils se
réduisent aux Atherines, au plus grand nombre des Muges, aux
Polynemes ; à quelques Esoces, dont M. de Lacèpéde a fait son
genre Sphyrene ; à une Loricaire (YHypostorne de M. de Lacépèdè) ;
à quelques poissons de la famille des Silures que 1VL de Lacepedè a
décrits le premier ou qu’il a sépares des autres S Hures sous lès noms
de Pogonates , Plotoses , Macroramphoses (1), Centranodons ,
Corydoras et Tachisures; enfin à deux poissons singuliers dont M. de
Lacépèdè a fait ses genres Serpe et Solénostome.
(1) On sait aujourd’hui que le Macroramphose n’est que la Becasse de mer (eentriscus scolo-
pax. L .) , et qu’il faut aussi éloigner du genre Silurus les Centranodons et les Pogonates. Voyez
mon règne animal, t. I I , p. 208, note.