
avancé de civilifation des peuples , fur l’ influence
du gouvernement & de la religion relativement
aux moeurs & au bonheur de chaque nation ; &
l’on ne rend pas aux naturaliftes toute la juftice
qu’ils méritent lorfque l’on croit que leurs travaux
font bornés à la recherche des plantes étrangères
; mais comme elles font le principal objet
du botanifte, j’ajouterai quelques obfervations fur
la manière d’en faire la recherche, & furies moyens
de confetver les femences récoltées , & les arbres
, & arbuftes que l’on fe propofe de faire paffer en
"Europe.
La recherche des plantes fe nomme herborisation
( voyeç ce mot). Il ne faut pas ici borner
1*1 fens de cette expreflion à la feule aétion de
recueillir les plantes pour les renfermer dans un
herbier, il faut encore y comprendre toutes les
obfervations qu’ il eft effentiel de faire pour acquérir
une connoiffance parfaite des végétaux.
Comme les mêmes plantes ne viennent pas également
partout, que chacune d’elles a fa patrie,
fon expofition particulière, qu’elles varient félon
la nature du fol~ le voyageur, dans lès excur-
iîons , doit s’attacher à parcourir les différens
fîtes, & , dans les mêmes êtes , les diverfes fortes
de terre.
i°. Dans les-plaines il vifitera les landes, les
terres graffes, légères , fabloneufes, calcaires $ les
terrains cultivés, les jardins, les prés, les vergers
, les potagers, les haies, les foffés ; les forêts-,
les bois J les clairières, leurs bords > les lieux ombragés
ou expofés au grand foleil.
2°. Il parcourra les montagnes de différentes
natures, à diverfes élévations leur fommet, leur
revers félon les diverfes exportions ; leur bafe ;
les vallons, les rochers, les fentes, &ç.
3°. Il fuivra les fleuves, les rivières, les lacs,
les eaux ftagnames , les marais, les çatara&es, les
fources, les eaux minérales, acidulées; il obfer-
vera tant les plantes qui croiffent fur leurs bords ,
que celles qui naiffent à. leur fuperfiçie ou dans
leur lit.
4°. Dans les lieux habités il examinera le bord
des chemins, les décombres, les vieux murs, les
toits, les puits, les caves, les fouterra.ins, les bois
pourris, les jardins particuliers, les ferres , les pépinières,
les couches, les funaiers,. &c.
5P. Dans les lieux maritimes il fuivra exactement
les côtes, les. rochers, les grèves, les dunes,
les grottes formées par l’eau, les petites îles peu
diftantes du rivage ; il fera arracher les plantes,
maritimes qui croiffent dans des fonds de nature
différente.
6°. Il ne doit pas fe contenter de parcourir une
feule fois ces différens lieux; il doit les vifîter tous
au moins deux fois chaque faifon, afin d’y obfer-
ver les plantes qui y croiffent fucçeflwement dans
fe cours, de l’année..
Le botanifte doit toujours être -en activité > il
ne lui eft permis d’être fédentaire que dans te
tems des grandes pluies, des fortes gelées , ou
lorfque la terre eft couverte de neiges. Mais il
j profitera des beaux jours d’hiver pour recueillir
■ des mouffes, des lichens, & la plupart des plantes
| cryptogames qui ne fleuriffent que dans cette fai*
j fon ou au commencement du printems, particu-
f lié rement après les pluies & lorfque le tems eft
humide.
C’eft furtout dans les grandes forêts des contrées
feptentrionales que l’on trouve les mouffes les
plus belles & les plus nombreufes: elles croiffent,
les unes fur les arbres, fur les rochers, dans les
lieux humides, le long des ruiffeaux , fur le bord
des fontaines } d'autres fe plaifent dans les prairies,
fur le revers des collines, fur les décombres,
les vieux murs, les toits : les lichens & les junger-
mannes fe trouvent dans les mêmes lieux, & fleuriffent
à la même époque. La nombreufe famille
des champignons parantes, encore peu connue,
& qui renferme tant d’efpèces microfcopiques,
habite fur le revers ou le deffus des feuilles, fur
l’écorce , fur les tiges, fur les rameaux des autres
plantes.
Nous ne fommes pas en Europe très-riches en
fougères : l’Amérique & les Indes en produifenc
de très-belles efpèces. C ’eft encore dans les tems
humides, après les pluies, au commencement du
printems, en automne , que paroiffent les champignons
, qui exigent d’être fuivis avec la plus
grandeattention pour avoir fur lgur organifation
& fur leur végétation des idées plus exaétes &
plus certaines.
Il y a fur toutes ces plantes des obfervations
très-importantes à vérifier. Placées fur la ligne de
démarcation du règne végétal, elles femblent fe
lier infenfiblement avec le règne animai par des
nuances à peine perceptibles. Leur fruélification
eft toute particulière 5 à peine connue dans les
unes, point du tout dans les autres. Elles occupent
, dans l’économie de la Nature, une place
très-remarquable. C ’eft par elles que les rochers
ftériles fe couvrent, avec le tems, de nombreux
végétaux. Dès qu’une fois les lichens s’y font établis
, ils s’y décompofent, donnent aux mouffes
la facilité d’ y croître, & de leurs débris fe forme
infenfiblement une couche de terre végétale, qui
reçoit & fait germer les femences d’un grand
nombre de plantes. C ’eft ainfi qu’avec le tems le
fol le plus aride fe Convertit en un- terrain fertile}
que les couches fucceflives du fphagnum palufire *
paffées dans les marais à l’état de terre végétale,
y font croître d’excellens pâturages.
Les ufages économiques ne font pas moins important
à obferver. Par exemple, ce même fphagnum
forme encore des lits de tourbe, qui, dans
I plusieurs provinces, remplacent le bois de chauf-
i fage. Les femmes laponnes garniffent de cette
[ mouffe le berceau de leurs enfans ; elle leur tient
lieu de matelas,> d’oreillers,, de couverture } elle
conferve la chaleur, & abforbe l’urine dont 1 a-
creté eft fi nuifible aux enfans.
Le mniurn fontanum indique ordinairement les
fources là où il fe trouve en certaine quantité.
Lepolytric femelle défend les Lapons de la pluie,
du froid & des infedtes : ils en enlèvent des traî-
naffes de trois à quatre aunes de long. Ces maffes
adhèrent fortement entr’elles par leurs racines; ils
fe couchent fur cette mouffe & s’en couvrent;
mais ils évitent le polytric mâle, dont les capfules
leur cauferoient une démangeaifon infupportable.
Je ne cite ces exemples qu’afin de fixer plus particuliérement
l’attention du voyageur lur cette
famille de végétaux, trop généralement négligée.
Il s’attachera particuliérement à obferver les
plantes en fleurs & en fruits : il prendra note de
celles qui n’offriront que des feuilles, afin de les
revoir a l’époque de la floraifon.
Il pourra fe borner à noter feulement celles qui
font bien connues, & dans lefquelles il ne remarquera
aucune variété. Quant aux autres, il les
analyfera dans toutes leurs parties, furtout celles
de la fructification. 11 décrira & deflînera les organes
qui fe flétriffent facilement , s’évanouiffent
par la defticcation ou s’altèrent en herbier, tels
que les piftils, les étamines, les glandes, la forme
& le nombre des pétales. Il fera mention de leur
nature fèche ou humide, de leur odeur, de leur
faveur.
Il deffinera les plantes les plus rares, celles qu’il
croira nouvelles , celles qui fe deffèchent mal : il
tracera à part toutes les parties de la fructification.
Il notera avec foin le moment de leur floraifon,
celui de la maturité des fruits, leur durée, la
nature du fol où elles croiffent, leur expofition ,
le nom du lieu où on les trouve.
Il examinera plufieurs individus de la même
plante, afin de s’affiner des variétés & des efpèces.
11 prendra note de la maffe des plantes qui viennent
naturellement dans une certaine étendue de
terrain , des principales familles1 qui y dominent.
Il s’informera de leur nom de pays , des ufages
auxquels on les emploie dans les arts, l’économie,
la médecine ; la manière dont on les prépare fi
elles entrent dans les alimens ; à quelles dofes"t)n
les donne fi elles fervent en médecine, & enfin
quelles préparations on leur fait fubir fi elles font
en ufage pour la teinture, les parfums ? &e.
S’il rencontre des arbres peu ou point connus
en Europe, il aura foin de joindre au* 'échantillons
qu’il en aura defféchés, des morceaux de bois
au moins de quatre pouces de long , fur trois de
large, & deux pouces d’épaiffeur, garnis de leur
écorce, & de mettre fur chaque échantillon un
numéro qui réponde à celui des feuilles ou fleurs
placées dans l’herbier.
Il remarquera les phénomènes particuliers à
plufieurs plantes, tels que le fommeil des feuilles
& des fleurs, l’heure & la durée de leur épanouif-
fement, l’irritabilité des étamines, celle des'pétioles
& des feuilles de la fenfitive, les mouve-
mens du dion£.a. mufcipula , de Yhedifarum girans,
la lumière phofphorique des-ffeurs de la fraxi-
nelle, l’élallicité des fruits de la balfatnine, du
momordica elaterium, & beaucoup d autres particularités
qu’il pourra découvrir par lui-meme, ai; fi
que les divers moyens par lefquels les plantes fe
multiplient ; heur nutrition, leurs fécrétions, ies
gommes, les réfines , &c.
La manière de récolter & de deffecher les plantes
a été expofée à l’article Herbier. Nous parcourrons
avec plaifir ces collections formées ne
—•plantes recueillies dans des pays lointains; mais41
eft bien plus agréable de les voir embellir nos jardins
ou nos bofquets, de nous les rendre propres,
& de les avoir à notre difpofîtion.
La récolte & la confervation des graines :ft donc
un objet trop eficntiel pour ne point indiquer au
voyageur les moyens les plus fûrs pour nous faire
parvenir les productions végétales des pays lointains.
I! en arrive tous les jours une grande quantité
dans nos jard.ns d’Europe, mais peureufiilient,
parce que la plupart des voyageurs négligent de
s’infti uire de la meilleur manière de récolter 8c
d’envoyer les graines.
Le moment de le faire eft lorfqu’elles font bien
mûres ; ce que l’on reconnoît facilement lorfque
les fruits quittent leur pédoncule fans effort : on
peut auftî les couper tranfverfiilement pour s’af-
furer fi l’amande eft folide & ie germe bien formé.
Alors on fe munira d’un certain nombre de cornets
de papier tout difpofés, pour les remplir
chacun de graines particulières. Il faut lier avec
un fii les capfules ou iiliques qui renferment des
graines grêles, menues, & qui fe détachent aifé-
ment.
Il eft bon de conferver les graines dans leurs
capfules, fiiiques, gouffes, cônes, & même dans
leurs fruits lorfque leur pulpe eft de nature à fe
deftécher ; elles fe confervent beaucoup mieux &
plus teng-tems. Cependant , comme le volume
trop confidérable de quelques-unes cccafionne-
roit un inconvénient, en rendant les envois trop
difpendieux, on pourra féparer une partie des
femences de leurs enveloppes, & mettre dans la
même boîte des femences nues , & d’autres dans
leurs capfules, & cela de chaque efpèce.
On étendra & on taiffera fecher à l’ombre, pendant
quelques jours, les graines nouvellement récoltées
, pour dilfiper l’humidité furabondante
qu’elles contiennent, fans quoi, raffemblées en
maffe avant leur parfaite defticcation, elles fer-
menteroient, & le germe périroit.
Si ces graines doivent être Cernées en leur tems,
& que le trajet pour l’envoi ne (oit pas de longue
durée, on fe contentera , quand elles feront bien
féchées, de mettre chaque efpèce féparément
dans des facs de fort papier , fur lefquels on