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rieurs à ceux qa’ on lui offrait : l’amour de fa patrie
3 où-'il voyoit fleurir les fciences plus qu'en
aucun autre pays, fût le motif de fon refus..
Mais ce qui mit le comble à la réputation de
Tournefort après la publication de fon grand ouvrage,
Infiitutiones rei herbarie s ce fut le voyage
qu'il fit dans le Levant. En 1700 , il reçut ordre
du roi d'aller en Grèce, en Afie, en Afrique,
non - feulement pour y reconnoître les plantes
des Anciens 3 & celles qui leur avoient échapp
é , mais encore pour y faire des obfervations
fur toute l'hiftoire naturelle , fur la géographie
ancienne & moderne, & même fur les moeurs, la
religion & le commerce de ces différent peuples.
Il eut ordre en même tems d'écrire , le plus fou-
vent qu’il pourroit, à M. de Pontchartrain, & de
^informer en détail de fes découvertes & de fes
aventures. Les voyages alors étoient rares, fur-
tout ceux qui avoient pour objet l’hiftoire naturelle
& les plantes. 11 étoit difficile de choifir un
meilleur obfervateur, un botanifte plus zélé, &
un homme plus inftruit que Tournerortj il poffé-
doit des connoiffances fort étendues e.n phyfique,
en anatomie, en hiftoire, en géographie, en antiquités,
& nous en trouvons la preuve à chaque
page dans fon Voyage du Levant. 11 s’embarqua
avec Gundelfcheimer, célèbre méiecin allemand ;
avec Aubriet, peintre habile & le.meii eur defll-
nateur de7 (on tems. Ce fut avec ces deux compagnons
de voyage qu'il parcourut h Grèce., les
principales îles de l ’Archipel , les environs de
Gonflantincple, les-îles de Candie, de Paros &
d’Antiparos , où ildefcendit dans-cette fameufe
grotte compofée de trois ou quatre.abîmes affreux
qui îe Succèdent lies uns aux autres, & dont il
nous a donné un récit des plus intéreffans, qu'on
né peut lire: fans ùtrplaifir mêlé d'horreur. Il vifîta:
les côtes méridionales de la Mer-Noire, depuis
fon embouchure jufqmi Sinope, &idepuis Sinope
jufqu’à Trébifonde : il palla enfuite çansâ'Arménie
&■ la Géorgie , herborifa fur le mont Ararat, fe
rendit de là à Erzéron, fit le voyage de Locat
d'Angora ys’avança iufqu'auxfrontières de la Perfe,
admira les ruines d'Éphèfe * & vint fe, rembarquer
à Smyrne'po'ür fentrer en France. .
• L’Afriqueetoit comprifeidans le plan du voyage
de Tournefott j mais:la pefte qui régnoft en Egypte,
ce lui permit pas de l’exécuter. Le fruit de fes
recherches fut poutre un grand nombre d’obfer-
vàtions de toute efpèce -, près de quatorze cents
plantes, la plupart nouveljès ou très-peu connues,
dont il forma un Corollaire placé a là fuite de (es
Infiitutiones rcjhtr.bàrÎA, en attendant qu il pair lés
faire connoîtreÿlus en detail, & d apres les.beaux
deflinsqu’Aubriet avoit fait d’un grand nombre.
Les plus rtmarquableside ces.plantes, cultivées
aujourd’hui*dans lés jardins de l’Europe., font la
morine, la£u ridelle , je rofage pontiqu^j le néflier
àefeuilles de ranaifie, &c. T'ournefort termina fon
exiffencéi beaucoup trop tôt pour l’avantage des.
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'fciencesmM cultivoit. Quoique d’une conftitution
fo r te la fatigue de fes voyages, fes longs, travaux,
avoient altéré fa fan té > un coup très-violent qu’ il
eut le malheur de recevoir dans la poitrine luii .fut
fi funefte, qu’il ne fit plus que languir pendant
quelques mois. Il mourut à l’âge de cinquantè-
de.ux ans. 11 avoit déjà publié le ,premier volume
de Ion voyage imprimé au Louvre > le fécond ne
parût qu’après fa mort y d’après le manufcrit de
l’auteur , qui fe trouvoit heureufement tout dif-
pofé pour être livré à l’impreflion. Cet ouvrage
eft enrichi d’un grand nombre de, gravures, toutes
exécutées d’après lqs de (fins d* Aubriet,■ offrant le
plan de plufieurs villes , de quelques îles de l’Archipel,
ae nionumens antiques, d’inftrumens., de
coftumes, & plufieurs efpèces de plantes nouvelles
fanais les botaniftes regrettoient depuis long-
tems d’être privés de plus de foixante beaux def-
fins d’Aubiiet, confervés parmi les vélins du Mu-
féum.d’ hiftoire naturelle .de Paris , elquiffés fur
des, plantes vivantes & prefque t.ou,tes nouvelles.
M, Des fontaines,, qui remplit d’une manière fi dif-
tinguée .le pofte honorable-que Tournefort a occupé,
a voulu rendre hommage à fon iliuftre pré-
décefleur , & Satisfaire aux defirs des favans en
faifant graver ces deflins, & y ajoutant des.def-
criptions faites .d’après l’herbier de T’ournefort. 11
en a paru déjà plufieurs livraifons dans les Annales
du Muféum d!hiftoire naturelle de Paris. Le genre
TournefortiaAq Linné, qui comprend des arbuftes
affez agréables, de la. famille des boiraginées , rappelle
avec reconnoiffance la mémoire de cet homme
à, jamais célèbre.
5 .Vahl ( Martin ).y profefleur de botanique à
Copenhague, fut un des élèves les plus diftingués
de Linné,. digne d’un aufli grand maître , & très-
en état d’agrandir la carrière que?Linné avoit ouverte
& parcouiué fi glorie.ufement. Paffionné. à
l'excès pour 1,’étude de la botanique, M. Vahl réu-
niflbit en outre une mémoire .très étendue , une
grande facilité;de conception, un jugement exquis.
Exercé dès l’âge le plus tendre à comparer &. à
cfaifir les.cara&ères des plantes > ils fe. gravèrent
tellement dans, fon cerveau , qu’il, ne lui falloit
qu’un coup-d'oeil pour fe rappeler., à la première
infpeCtion, la plante qu’il avoit, vue, &diftinguer
celle qu’il voyoit pour la. première fois. Il favoit
par coeur, pour ainfi dire , l’herbier de Linné, &
tous ceux qu’il avoit parqouriis dans fes différens
voyages en France, en Angleterre, en Efpagne,
en Italie, en Hollande,. &c. Il en avoit rapporté
des notes nombreufes : on en trouve dans les dif-
férens herbiers qu’il a vifités pendant fon féjour à
Paris. Cetté maffe d’obfer.vations l’avpic déter-
p>iné à entreprendre la publication d’un nouveau
Spgçies Plantarum, & l’op peut juger, par lesrdeux
volumes qui ont paru, combien la fcience a.perdu
par la mort prématurée de ce (avant profefleur, à
qui il ne refthlt plus d'antre, travail que de mëtlre
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eti ordre les nombreux matériaux qu’il avoit amaf-
fés pendant toute fa vie.
M. Vahl eut à fa difpofition l’herbier de Forsk- ■hall i il ne lui fut point difficile de s’appercevoir
qu’il s’étoit glifiTé beaucoup d’erreurs dans la publication
qui en avoit été faite, après la mort de
cet infortuné voyageur, fur des notes prifes fou-
vent à la hâte au milieu des fatigues & des embarras
d’un voyage, & que fans doute l’auteur lui-
même eut rectifiées dès qti’il auroit pu confulter
les livres & les collections. Pour donner à ce travail
toute la perfection qu’il defiroit, M. Vahl fe
détermina à vifiter les côtes de la Barbarie. Il ef-
péroit y recueillir beaucoup de plantes femblables
a celles que Forskhall avoit ramaffées en Égypte.
Il ne fut pas entièrement trompé dans fon efpoir >
il y découvrit de plus beaucoup d’autres plantes,
les unes nouvelles, d’autres décrites, par quelques
auteurs, d’une manière douteufe. Muni de
ces richeffes, il entreprit la publication de l’ouvrage
qu’il a intitulé SymboU botanica, enrichi de
beaucoup de figures d’une grande utilité pour la
perfection de la fcience, ainfi qu’un autre ouvrage
qu’il fit paroître , quelques années après, fous le
titre ÜEgloge. americanA , qui renferme la description
& la figure d’un grand nombre de plantes
nouvelles ou peu connues, qui lui furent envoyées
par MM. Rohr, Weft, Ryane , &c. Thunbcrg a
confacré à M. Vahl le genre Vahlia.
V entenat (Louis). Les naturaliftes , victimes
de leur dévoûment pour le progrès des
fciences, doivent être cités avec d’autant plus
de juftice , qu’ayant perdu par une mort prématurée,
& leurs collections, & la faculté de les
publier , leur nom feroit oublié s’il n’étoit con-
figné dans les annales de la fcience avec les titres
honorables qui le confacrent à la poftérité recon-
noiffante. L expédition malheureufe de la Pey-
roufe , une des plus belles & des plus hardies
qui aient été formées pour l'avantage des
fciences j la perte de tous les favans qui la com-
pofoient , bien loin de détourner d’entreprifes
aufli périlleufes, ne firent au contraire que donner
plus d’aCtivité au zèle des favans. L’efpoir d’un
plus heureux fuccès , celui de rencontrer peut-
être l’infortuné la Peyroufe & fes compagnons,
jetés fur quelque rocher ou dans quelqu’île de
la mer du Sud, fans relîburces, fans moyens de
jretour , donna lieu à une nouvelle expédition,
commandée par le général d’Entrecafteaux. Il ne
s’agiffoit de rien moins que de faire à peu près le
tour du Monde , de s’avancer dans des mers dan-
gereufes, d’aborder chez des peuplades inconnues,
paifibles ou féroces , fous le fer defquels
Cook, peut-être la Peyroufe lui même & fa fuite,
étoit péri affafliné. On a quelquefois plaifanté
ceux qui cultivent les fciences, en fuppofant qu’ils
n’avoient de courage que la plume à la main j c’eft
leur rendre peu de juftice : mil e exemples, & en
Botanique, Tome V llL
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particulier l’article que jëtraite ici, prouvent que,
j dès qu’il s’agit du progrès des fciences, iis onc
•
très-fou vent montré un dévoûment égal au courage
militaire. Cette nouvelle expédition excita,
non moins que la première, le zèle d’un grand
nombre de naturaliftes : ceux qui furent choifis
reçurent leur nomination comme une faveur du
gouvernement,.& fe trouvèrent plus honorés du
choix, qu'effrayés des dangers. De ce nombre fut
M. Louis Ventenat, né à Limoges en ï-j6$ ; il
étoit réuni à MM. de Labillardière & Dèfchamps
pour la partie botanique. Les deux derniers, dont
je parlerai ailleurs , après beaucoup de fatigues
&de longues perfécutions, eurent le bonheur de
revoir leur patrie : M. Ventenat y fuccomba j il
avoit déjà formé une ample collection lotfqu’il
arriva dans l’Inde, & que les deux vaiflèaux de
l’expédition abordèrent à Amboine j mais enfuite
le capitaine Dauribeau ayant mouillé à Java, tous
les naturaliftes de fon bord, M. Dèfchamps excepté,
furent arrêtés, leurs collections faifies,
eux-mêmes relégués & même incarcérés d’abord
à Sourabaya & enfuite à Samarang. C ’eft dans
cette dernière ville que M. Louis Ventenat, excédé
des fatigues d’un long & pénible voyage ,
accablé de perfécutions auflî injuftes qu’atroces ,
fut attaqué d’une maladie mortelle.
Le gouverneur de Samarang, touché de fon
état, obtint de la régence de Batavia la permif-
fion de le faire partir pour cette ville. A peine
cet infortuné naturalifte y fut-il arrivé, qu’on
l’envoya dans le fort de Tangeran avec MM. Lai-
gnez & Willaumez. Sa fanté s’affoibliffant de jour
en jour, la régence ce(fa de mettre des obftacLs
à fon départ pour l'ïfle-de-France. La joie qu'éprouva
M. Ventenat d’aborder dans une colonie
frar.çaife , foutint pendant quelques jours fes forces
défaillantes j il expira peu après, le 8 août
-£794. Ainfi fuccomboit aux fatigues d’un long
voyage & aux prtfécutions qui l’accompagèrenr,
M. Louis Ventenat, tandisque fon frère, M. Ven-
tenat, membre de ITnftitut & confervateur de la
bibliothèque du Panthéon, retenti par des occupations
fédentaires, non moins zélé pour les progrès
de la botanique , s'tfforçoit d'en reculer les
limites par des travaux importans. 11 avoit déjà
publié fon Tableau du régné végétal, dans lequel on
trouve beaucoup d’obfervations neuves fur .les.
familles naturelles des genres nouveaux , ou dont
les caraâères font mieux établis , une métho le
analytique extrêmement utile pour la diftinCiion
des genres. A cet ouvrage ontfuccédé la Defcrip-
tion des plantes nouvelles ou peu connues du jardin
de Cels ; le Jardin de la Malmaifon ; le Choix des
plantes , &c. j un grand nombre de Mémoires fur
la botanique , la plupart inférés dans Ls Mémoires
de CInftitut, Outre L mérite des defeviptions & de
beaucoup d’obfervations importantes, ces diffé-
rens ouvrages ont encore celui de préfenter ce
que l’on cultive de plus précieux dans les jardins
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