
il ne fallut plus, pour fe prétendre parent, que fe
trouver aimable. Ce reproche eft au nombre de
ceux dont Properce fe crut en droit d'accabler Ton
infidelie Cinthie,
Cependant la culture de la vigne s’étendoit pro-
greffivement dans les Gaules ; elle occvpoit déjà
une partie des coteaux de nos départemens méri-
-dionaux, lorfque Domitien fit arracher toutes
les vignes qui croiffoient dans la Gaule, à la fuite
d’une année où la récolte des vignes avoitété auffi
abondante, que celle des blés chétive & miféra-
bîe, Cette privation, qui remonte à l'an 92 de
1ère ancienne , dura pendant deux fïècles entiers.
Ce fut le vaillant Prob.us qui, après avoir donné
la paix à l'Empire par fes nombreufes vi&oires,
rendit aux Gaulois la liberté de replanter la vigne.
vCe fut un fpe#acle raviffant, au rapport de Du-
nod, de voir la foule des hommes, des femmes &
des tnfans s’ empreffer, fe livrer à l’envi & pref-
que fpontanément à cette grande & belle reftau
ration. Tous en effet pouvoient y prendre part >
-car la culture de la .vigne a cela de particulier &
d'intereffant, qu’elie offre, dans fes détails, des
occupations proportionnées à la force des deux
fexes, à celle dé tout âge. Tandis que les uns
brifoient les rochers, ouvroient la terre, en ex-
^àrpoieo*' d’antiques & inutiles fouches , creu-.
foient des foffes , ficc., les autres apportoient,.
dreffoient & affujçttiffoient les plants. Les vieillards,
répandus dans les campagnes, défignoient,
d’après les renfdgnemens qu’ils avoient reçus dans
leur jeuneffe , les coteaux les plus propres à la vi-
grie. Ivres d’une joie fondée fur l’efpoir de partager
encore‘avec leurs enfans la jouiffance de fes
produits, ils les confacroient religieufement au
dieu du vin, élevoient même fur leur cime des
templés agreftes en fon honneur.
„Soit que le climat des Gaules eut acquis une
plus douce température par le defféçhement des,
ea.ux croupiffantes, par la deftru#ion des vieilles
fprêls foit que l’art de cultiver le fût perfec-;
tiôrmé ; la vigne n’eut plus pouf limites , comme
autrefois, le nord des.Cévennes 5 elle gagna bientôt
îles coteaux du Rhône, de la.Saône, le territoire
de-Dijon, les rives du. Cher, de la Marne .
de laM »f lie. Dès le commencement du cinquième
fiècle , jc'ell-à-d'ire , dans l’efpace de .deux-cents
ans, elleavoitfaitcesrapid.es progrès ylorfqtie
lés- ffarbues du nord , attires par l’appât de ? la
boiffon/éduifantequ’onen ohtient;,.fe précipitant
pour ai-fi dire les uns fur lés autres, yinre'iit inonder
les terres de l ’Empire. La comparaifon qu’ils,
firent.du vjn de la Gaule avec la^bière &,l’hy.Jro-
mei dont ils avoiçnt coutume, de, s’abreuver, dé-
termina^ prcfqu’inftantanémeryt, les uns à fixer
leur fejèur dans les contrées où la culture de la
vigne étoit-rdéj.V établi.® l$s autres àvla propager
dç leurs propres, mains'dans: les cantons où elle
ü ’avoit pas encore pénétré- ...
Tout annonce que les vignes fe font propagées
parmi nous à la fécondé époque de leur plantation
, en partant du midi, du voifinage de Mar-
feille. Cette culture fuivit auflitôt deux directions
pour ainfi dire oppofées l’une à l’autre j favoir :
celle du nord & celle du fud-oueft. La première
pénétra par le Dauphiné , fur les coteaux du
Rhône, les bords de la Saône, & toute cette fa-
meufe côte formée de monticules, qui traverfe
la Bourgogne du midi au nord : de là elle s’étendit
dans le pays des Séquanois ( la Franche-Comté ) ,
fur I3 rive gauche du Rhin , fur les coteaux de la
Marne, de la Mofelle, & fur ceux qui bordent
la Seiîle. La fécondé branche fe dirigea par le
fud-oueft veh le Languedoc, la Gafcogne, la
Guienne.
Il eft vraifemblable que de ces deux branches
principales naquirent des ramifications qui s’éten*
dirent à l’intérieur, en raifon de la fituation topographique
des différentes provinces, & des
relations qu’avoient entr’eux ceux qui les habi-
toient. C ’cft ainfi , fins doute , que les Périgour-
dins , les Limofins , les Angoumoifins, les Sain-
tongeois, les Rochelois & peut-être les Poitevins
fe procurèrent les plants de vigne & la culture
déjà introduits dans la Guienne ; que les habirans
de l’Auvergne, du Bourbonnois, du Nivernois &
du Bcrri reçurent les leurs du Lyonnois pour les
tranfmettre de même aux Tourangeaux , aux ha-
hitans du Blaifois , aux Angevins, Le Gâtinois ,
l’Orléanois, l’Ifte-de-France, reçurent les leurs des
vignobles qui fervent de limites aux anciennes
provinces .de Bourgogne & de Champagne. Les
plants-furent communiqués, & leur culture fe propagea
avec une rapidité qui femble inconcevable,
quand on réfléchit avec combien de lenteur on
parvient de nos jours à:faire adopter les bons
principes & les meilleurs procédés de culture*.
La plantation des vignes aux environs de Paris
remonte à des tem&bien reculés, puifque l’empereur
Julien a donné des éloges aux vins qu’elles
prôduifpient.
La vigne (e plate fur des coltines, découvertes.
Apertos Bacchus amut colles >
a dit Virgile : an dirait que la Nature a pris pîaifîr
à former pour elle cefte belle chaîne de collines
qui traverfè ta Bourgogne 5, elles tiennent les unes
aux autres par des vallées dont la penre eft fi
douce; qù’eîlé eft à’pëïné remarquable. Tournées
au fud-eft , elles préfentent dans leur union la
forme d’un arc détendu ; par lequel les vignobles
qu’elles renferment , /e trouvent, d’une part, à
Couvert des froids, piquans du nord , des vents
orageux du nord-o^uéft, & des pluies froides &
fréquentes de i’oueft ; de l’autre, ils .jouifient
plus jlong-teras qu'a toute autre expofi:i >.n* des,
regards du foleil > circonftapce ‘d’autant plus heu--
reûle, qu’une grande maffs de lumière de une clia-?;
leur durable font les premiers agens qu’emploie
la nature pour l’élaboration de la fève j auffi leur
fommes-nous redevables de la qualité des vins de
Volney, de Pomard, d’Aloffe, de Pernaud, de
Savigny , d’Aunay , de Nifits, de Chambertin,
de Mulfaut, de Morachet, Sillery, Verfenay,
Épernay, MouflTy, &c.
Il peut cependant réfulter de très-grands incon-
véniens de cet afpe# àTeft , pour peu que la fu-
perficie du terrain foit difpofee à conferver l’humidité
fi le fol eft à découvert du côté du fud-
oueft. S’il eft avoifmé par des objets propres à
produire des brumes ou à empêcher leur prompte
évaporation, le cultivateur né vit que de craintes
& d’anxiétés, parce qu’en effet les premiers rayons
du foleil levant font les agens du défaftre de la
gelée. Cette expofition peut donc être préférée
à toute autre dans nos contrées méridionales , où
la bafe du terrain & les circonftances locales répondent
en général à la latitude j mais elle ne
peut être indifféremment adoptée partout.
En approchant du nord , l’afpe# du midi fembie
convenir .davantage à la vigne, du moins fous
le rapport de fa confervation. Le foleil, pendant
les premières heures du jour ; ne porte fes rayons
fur elle qu’obliquement: leur effet fuffit pour évaporer
la rofée, pour fécher la plante j elle n’eft
pénétrée par la chaleur qu’infenfibiement, & quand
celle-ci eft parvenue à fon plus haut degré diurne
d’intenfité, la première caufe du mil à redouter,
l’humidité, a depuis allez long-tems ceffé d’exifter.
,. L’çxpofition au couchant convient à fi peu de
localités, qu’ il eft à peine néceffaire d’en parler..
La vigne y reçoit les vents les plus fâcheux, ceux
du fud-oueft: le foleil n’y fait(fencir fes rayons
qu’au moment où fa foibleffe.les rend fans effet >
s’ils agiffent encore fur la fève y ce n’eft que pendant
quelques heures feulement : la nuit vient
bientôt effacer jufqu’à la trace, de leur impreflîon }
déplus, l’évaporation de l’humidité ne commence
que très-tard à cet afpe# ;, la .çondenfarion de
l’.air.y maintient les vapeurs dans la baffe région ;
}a. vigne s’y trouve conftamment plongée dans une
atmosphère nébuleufe , & fes fruits ne mûriffent
jamais.
Après les collines à pentes douces, à fomméts
arrondis', & celles qui, terminées par un plateau,
préfentent un cône tronqué , on â recours, pour
planter I3 vigne, aux coteâux plus élevés. Les
pentes les moins rapides font à préférer, parce
que .les travaux de la culture y font moins pénibles,
que Ls ravins s’y forment moins facilement, & que
les iboulemens y font plus rares. Le fol des coteaux
èft plus inégal que celui <je tout autre lue- ; plus
ils ont de. rapidité, plus le$ inégalités de la terre
fonç.frappantes. La pluie, dont l'aCtion,tend fans,
ceffe à combler les vallées, en affaiffanr, les cimes,
entraîne .fur le tniiieu, enfuite vers.le bas,
\ tout l’humus dont elles étoient revêtues avant le
défrichement, de manière à laiffer fou vent le
I tuf à découvert : auffi la plupart de ces hauteurs,
j même celles plantées en vignes, offrent-elles l’af-
I peét delà ftérilité dans le terrain, & du rachitifme
dans les plantes. Les tiges font minces, à moitié
déracinées j les farmens frêles, courts & menus j
les fruits qui y font fufpendus , font plutôt des
grapillons que des grappes. Ce terrain eft trop
maigre. La pente de la couche argileufe, fuivartt
l’ inclinaifon de toutes les autres couches , a trop
de rapidité pour tranfmettre de l’humidité aux
racines} elles ne trouvent donc là que la quantité
effentielle de nourriture pour ne pas mourir, &
cela ne fuffit pas. Ces hauteurs, expofées aux effets
des orages violens, font fouvent battues par les
vents, frappées par la grêle, & éprouvent, même
à l’afpeét du plein midi, des froids plus piquans &
plus dangereux que fi elles avoient l’expofition dù
nord.
Vers la b*fe de la montagne , la vigne eft fujète
à des inconvéniens tout contraires & non moins
fâcheux} l’atmofphère y eft toujours humide } les
bonnes terres s’y font amoncelées dans une proportion
défaftreufe pour cette plante, parce qu’elle
s’y repaît d’une furabondance de nourrirure qui
fait tourner à bois tous fes produits, ou qui fait
paffer les raifins à la pourriture avant qu’ils aient
atteint l’époque de leur maturité. Le milieu du
côteau eft donc la pofition par excèll.erice : la vigne
n’y tronve pas de quoi fatisfàire fon ititempérancè
naturelle} 'elle n’y pâtit pas non plus dans une
difette abfolu'e } le vin y acquiert des qualité#
qu?on ne ttouvé jamais dans celui qui eft récolté
aux deux autres extrémités.
La nature des terres regardées comme les plus
propres à la culture de la vigne, varie comme
les climats dans lefquéîs cette culture eft introduite.
L’expérience dérnorttfe que, dans les dépar-
temens méridionaux, la vigne fe plaît & profpère
dans les tèrrés volcarû^ues, dans les grés & dans
les fables granitiques, mêles de terre végétale 8c
de quelques portions d’ alumine. Vers le centré
de la France , elle léuffit dans les fehiftes ardoi-
fés, & furtout dans les roches calcaires, qui fe
délitent facilement au conta# de l’air. A i nord,
i on préfère le fable gros, combiné avec ia terre
: calcaire ; mais partout on peut faire ufage de la
i réunion des terres & des pierres de tous les gen-
' res, pourvu que cette malle foit très-perméable
à l’e-,au, 8c qu’eHe retienne très-peu d’humidité.
On regarde comme une qualité des bonnes terres
! à vigne, leur mélange avec les quartz, les cailloux
§C;Ls gros graviers. Les rayons du foleil
pçnètrjent ces pierres» elles s’approvifionnent en
quelque forte de chaîfeur pendant le jour, & I*
difptnfent aux plantes pendmt la nuit. Ce n’eft
pas tout : dans une terre' exceffivement poreufe ,
elles fervent encore, par l’effet de leur poids fie