
d’entr’eux fe font laifle entraîner par la prétendue
néceflité de ces réformes, qu'il eft eflentiel d'en
faire fentir l'abus. Je n’examinerai pas jufqu'à quel
point l'on doit reprocher à Linné d'avoir employé,
pour une plante des Indes, un nom grec déjà employé
par Théôphrafte pour une autre plante qui
npus eft à peine connue j mais comme les obfer-
vations des deux favans auteurs que j'ai cités tendent
à réformer les noms d’un grand nombre de
genres de Linné, & que ces fortes de réformes
deviennent de jour en jour plus communes, je me
bornerai ici à quelques réflexions fur la nomenclature
des genres.
Quand Linné a dit que les noms des genres dévoient
être exprimés par des mots grecs ou latins,
il n’a fûrement pas prétendu établir un principe
rigoureux 5 iT a donné un avis plutôt qu'une règle
févère qu'il n'a pas toujours mife en ufage , puif-
que , parmi Tes propres genres, nous en trouvons
un grand nombre qui portent, ou des noms propres,
ou des noms étrangers aux deux langues. Il
eft très-important de diftinguer, dans les fcientes
d’obfervation, les principes qui établiflenc en
axiome une vérité reconnue, de laquelle il eft
impoflîble de s’ écarter , & qui devient la bafe
d’une fuite de conféquences Jumineufes, de ce qui
n’eft: qu'un fimple précepte, un confeil utile pour
la perfection de là fciencê & pour l’ordre qui doit
régner dans fes différentes parties.
Dès que l’avantage de ces préceptes eft reconnu,
il convient de les fuivre ; mais il eft beaucoup de
circonftances qui nous forcent en quelque forte à
nous en écarter, parce qu'il s’en fuit des incon-
véniens plus grands que ceux que l'on voudroit
éviter en les obfervant. C'eft parce que plusieurs
botaniftes modernes fe ,font rendus aveuglément
efclaves de ces préceptes, fans favoir diftinguer
le cas ou iLconvenoic ou non de les appliquer,
que l'obfcurité s’ eft introduite dans la nomenclature
des genres. Si un nom appliqué à un genre
nouvellement découvert n’a pas une origine grecque
ou latine , auflitôt un réformateur mal-adroit
s’emprefîe de lui en fubftituer un autre, & voilà
déjà un genre connu fous deux noms} bientôt il
le fera fous trois, fous quatre & plus, parce que
chacun veut être réformateur. C’eft ainfi que les
noms génériques a'Aublet, fagement confervés par
WM. de Juffieu & de Lamarck, ont tous été changés
par Schreber, qui fouvent fubftitue des noms
barbares, quoique grecs ou latins, à des noms
étrangers, la plupart allez agréables à l’oreille,
& d'après lefqueîs le naturalifte qui parcourt les
mêmes contrées, peut recevoir des naturels, des
renfeignemens utiles fur les plantes qu'il cherche.
On objectera que Linné a lui »-même donné
l'exemple de ces. mutations, en aboliffant la plupart
des noms génériques établis par fes prédécef*
feurs> Mais quelle différence { Linné peut être
confidéré comme le créateur des genres, dont à
la vérité Tournefort lui avoit donné l’idée j mais
on fait combien ils font défectueux dans ce dernier.
11 a donc fallu les refondre, les établir fur de
nouveaux principes : fouvent un genre de Tournefort
en contient plufièurs autres. N’étoit-ce pas
alors une forte de néceflité d’en changer les noms?
Et fi Linné en a détruit quelques-uns qu'il eût pu
conlerver, convient-il de le traiter comme s’il eût
jeté le délordre dans la fcience ?
Quand un auteut a établi un genre nouveau,
reconnu pour tel, faut-il, en admettant le genre,
en changer le nom, parce qu’ il n'eft ni grec ni
latin ? Il n'y a que les ennemis de l'ordre qui puif-
fent fe le permettre. S'autotifer dans ce cas du
principe de Linné, c’eft faire du précepte d’urt
grand-homme un ufage que lui-même eût défa-
vouéj c’eft à de pareils réformateurs que l’on peut
appliquer cette maxime, que la lettre tue, & V efprit
•vivifie. Dès qu'une plante a reçu un nom générique
ou fpécifique, que ce nom ne peut occa-
fîonner ni erreur ni confulion, qu'il ne préfente
point de faux caraétères, s’il eft fignificatif, il doit
être fcrupuleufement confervé, quelle que foie fon
origine.
E s p è c e s .
ÉK V o m i q u e officinale; Strycknos nux vomica,
Linn.
Strycknos inermis , foliis oveuibus} petiolatis y cy-
mis fubterminalibus. Lam. Illuftr. Gener. vol. 2.
pag. 38. n°. 2446. tab. 119.
Strycknos nux vomica , foliis ovatis , caule inermi.
Linn. Syft. veget. pag. 227. — Flor. zeyl. n°. 91*
— Mater, raedic. pag. 67. — Roxb. Corom. pars 1.
pag. 8. tab. 4. — Gærtn. de FruCb & Sem. vol. 2;
pag. 476. tab. 179. fig.7. — Willd. Spec. Plant,
vol. 1. pag. 1052. n°. 1.
Strycknos foliis quinquenerviis. Wach, Ultrajv 32.
Nux vomica ojficinarum, C. Bauh. Pin. e n . —■
Rai, Hrft. 1814. — Burm. Zeyl. pag. 171.
Nux vomica. Black'»'. Herb. tab. 395.
Nux vomica , vulgà ojficinarum , comprejfa , hir-
futa. J. Bauh. Hift. 1. pag. 339. Icon.
Caniram. Rheed. Hort. malab. pag. 67. tab. 37,
— Rai, Hift. 1661.
Caniram vomiquier. Aub. du Petit-Thouars, DiCL
des Scienc. natur. n°. 1.
Vulgairement noix vomique.
C ’eft un aibre d’une groffeut médiocre: Tes
branches fe divifenren rameaux oppofés; glabres,
J cylindriques, de couleur cendrée, très-liffes, gar-
J nis de feuilles oppofées, médiocrement pétioJées,
i oyalfs, uo peu arrondies, légèrement coriaces,
Jjflès, glabres à leurs deux faces, entières à leurs
bords, à peine aigues à leur Commet, marquées
en deffous de trois à cinq nervures plus Taillantes,
partant de la bafe & dirigées félon la longueur des
feuilles.
Les fleurs font difpofées, vers l’extrémité des
rameaux, en petits corymbes très-courts, pubef-
•eens 5 les ramifications peu nombreufes, oppofées,
accompagnées à leur bafe de petites bradées velues
, fubulées. 'Les calices font courts, à cinq
dents aiguës ; la corolle blanchâtre, petite, au
moins une fois plus longue que le calice, tubulée,
ventrue j le limbe divifé en cinq découpures, aiguës,
réfléchies, plus courtes que le tube y les
étamines à peine Taillantes hors du tube. Les
fruits font globuleux, prefque de la groffeur d’une
orange, à une feule loge, renfermant plufièurs
femences planes, orbiculaires, de la grandeur d’un
liard, un peu concaves à leur centre d’un côté,
convexes de l’autre, d’un afped foyeux & luifant,
de couleur grife-cendrée, attachées par leur centre
& logées dans une pulpe aqueufe : plufièurs des
femences avortent quelquefois. Ce font les mêmes
femences qui dans les boutiques portent le nom
de noix vomiques.
Cette plante croît dans les Indes orientales, au
Coromandel, à la Cochinchine, &c. ( K. ƒ. )
Le bois & les racines de cet arbre font de la
plus grande amertume : on les emploie contre les
fièvres intermittentes ; on s’en ferr aufli contre les
morfures du naga ou ferpent à lunettes ; mais ce
n’eft qu’au défaut d’un autre arbre que IesTalingas ;
homment naga mufadie, & qui eft tellement re- :
cherché par les Indiens, qu'on ne le rencontre
plus que très-rarement. Roxburg n’en a trouvé :
qu’un feul pied , qui avoit été récemment abattu,
& qu’il n’a pu fuffifamment reconnoître, parce
qu il n avoit que des feuilles. II pïéTume que cet
arbre n'appartient point au genre firychnos ; qu’il
eft plutôt de la famille des rubiacées , d’autant
mieux que fes feuilles font réunies par une gaîne
ftipulaire.
Les femences du firychnos font connues depuis
long-tems dans les boutiques fous le nom de noix
vomiques. Quoiqu’elles foient un poifon très-aélif
pour les animaux, & furtout pour les chiens, on
a prétendu qu’elles ne nuifoient point à l’homme j
mais l’expérience a démontré la fa u fie té de cette
aflertion : aufli les a-t-on bannies de la plupart
des matières médicales, & elles ne font plus employées
aujourd’hui que pour faire périr les animaux
nuifibles. A cet effet on les râpe, on les mêle
a des alimens, & on en forme ainfi des appâts. Dès
qifun animal en a pris, il eft faifi de vomiffemens
avec des efforts convulfifs, & il ne tarde pas à
périr. Leur effet, comme celui de tous les amers
violens, eft de fecouer fortement les nerfs fenfi-
bles de l’eftomac des animaux. La diffetlion de
ceux à qui on en avoit fait avaler , a fait connoître
que ce poifon n’agit pas par voie de coagulation
dans le fang ou fur le fuc nerveux ; car il n’a paru
aucun er gorgement femblable à ceux qu’occafion-
nent les poifons coagulans, tels qu’en produit la
ciguë. Ce poifon ne corrode point les membranes
de l’eftomac ; mais il irrite les fibres nerveufes,
dont il détruit le mouvement uniforme & ofcilla-
toire. Dès que le fuc ftomacal a commencé à dif-
foudre la noix vomique, les effets du poifon commencent
à fe faire fentir au bout d'un quart-d’heure
ou d’une demi-heure.
Jean Bauhin rapporte plufièurs expériences faites
fur des chiens, pour tâcher de découvrir la nature
de ce poifon. Il feroit porté à le regarder comme
narcotique j mais ce que nous avons dit plus haut,
Sc les convulfîons terribles qu’éprouvent les animaux
qui en ont pris, détruifent cette opinion. H
dit que le feul moyen de fauver les chiens qui en
ont avalé, eft de leur faire faigner l’oreille en leur
en coupant un morceau. Gxrtner allure que le cadavre
des chiens tués par ce poifon fe roidit d’une
manière remarquable j il ajoute qu’il ne fe fouvienr
pas bien fi la même chofe arrive aux poiffpns qui
ont été pris avec cette drogue. On peut en conclure
que l’on s’ en fert quelquefois au lieu de
coque du Levant pour enivrer le poiflbn & le
prendre à la main , ufage pernicieux que les lois
proferivent, avec une fage févérité, comme trop
deftruétif. Loureiro, dans fa Flore de la Cochinchine
, affure que ces femences, grillées jufqu’ à
noirceur , peuvent être données fans inconvénient,
& font très-bonnes contre les fleurs blanches*
Etant employées extérieurement, elles paffent,
^ réduites en poudre, pour réfolutives.
; 2. V omique bois de couleuvre. Strycknos ca*
lubrina. Linn.
Strycknos inermis , foliis ovatis , acutis 3 fubfejfi-
libus ; cirrhisfimplicibus. Lam. Illuftr. Gén, vol. 2.
pag. 58. n°. 24+7. ....
I Strycknos colubrina, foliis ovatis , acutis ; cirrhis1
fimplicibus. Linn. Syft. veget. p.227.—Mater, med. 167. — Arncfen. Acad. vol. 2. pag. 119,: — Linn^f,
;SappT. pag. 149. -— Willd. Spec. Plant, vol. 1.
• pag. io y i. n°. 2.
Strychnbs foliis trlnerviis3 ovatis, binatis. Wach.
TJItraj. 32.
Clcmatis indica 3 fpinofa , foliis luteis. C. Bauh.
Pin-. 301.
Fruclus orbicularis, major, fufeus , firiatus. C.
Bauh. Pin. 404.
Lignum colubrinum. Rài,, Hift. 1807. — Blackw.
tab. 403.
A'rbor ligni colubrini. Rumph. Herb. Amboia.
vol. 2. cap. 46. tab. 37. ?