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d'ailleurs leurs noms vulgaires peuvent mettre aî-
fément fur la voie des recherches. Ce que le Père
Nicolfon a fait pour les plantes , il Ta fait également
pour les coquillages & les infeétes. Il y
a joint quelques gravures. Il fait connoître plu-
lieurs monumens d’antiquité , des fétiches, des
fiagmens de poterie d’autant plus précieux, qu’ils
font plus rares. Un court expofé de la fituation
politique , géographique de l’île de Saint-Domingue
, les manufactures qui y font établies, celles
qu’on pourroit y introduire , annoncent un observateur
animé par l’amour du bien public.
Niébur. Le voyage deM. Niébur en iy6i, &c.,
dans l'Arabie & dans d’autres pays cire onvoi fins ,
a fait époque dans Thiftoire des feiences du liée le
dernier : il fut ordonné par le roi de Danemarck.
S’il fut heureux fous le rapport de beaucoup de
découvertes précieufes, il ne le fut point pour les
compagnons de M. Niébur: des quatre fayans qui
l’accompagnoient dans cette importante expédition,
parmi lefquels fe trouvoit Forskhall, lui
Jeul.revint dans fa patrie : illcs avoit déjà perdus
en 1764} lui feul fe trouva chargé de la publication
, & de fes propres obfervations, & de celles
qu’il put recueillir d’après les notes de fes infortunés
compagnons de voyage. Il étoir particulié-
xement chargé de tout ce qui tient à la partie géographique
j mais il a fu, par fes connoiffances,
étendre fes recherches beaucoup plus loin 5 il n’a
point négligé les différentes parties de Thiftoire
naturelle, & des botaniftes célébrés , en particulier
M. Vahl, nous ont fait connoître beaucoup
d’efpèces nouvelles de plantes qu’ils avoient reçues
de M. Niébur : ce fut encore lui qui prit
loin de rédiger les manuferits de Forskhall, &
il eft très-probable que , fans ce travail, tout ce
que cet infortuné botanifte avoir recueilli en
Egypte dans l’Arabie, eût été perdu pour la
fçience.
Olivier & Bruguière. Les voyages nombreux,
entrepris depuis plufieurs années pour des
recherches en biftoire naturelle; les avantages incalculables
qui en étoient réfultés non-feulement pour
Jes feiences, mais encore pour le bien public, déterminèrent
en 1792 le confeil exécutif provifoire
du gouvernement français à charger MM. Bruguière.
& Olivier de parcourir l’Empire ottoman,
TÉgypte & la Perfe pour y faire des recherches relatives
à Thiftoire naturelle, à laphylïque générale,
à la géographie , à la médecine, au commerce,
perfuadé que ces contrées intéreffantes n’avoiént
pas encore été * confidérées fous leur vrai point
de vue, ou qu’elles ne T avoient été que partiellement.
Ces aeux favans ayant acquis une longue
habitude d'obferver, étoient très-propres à remplir
ces grandes vues. M. Olivier s’étoit particuliérement
diftingué dans l’étude des infeaes, &
JM. Bruguière dans celle des coquilles & des vers;
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f mais tous deux avoient outre cela des connoiffan-
ces fuffifantes en botanique & dans les autres par-
I ties de Thiftoire naturelle pour ne rien rtégbg&r
de ce qui pouvoit appartenir à ces deux feiences.
j Ce Voyage, entrepris dans les circonltances
orageufes de la révolution française, devenoit
d’une -exécution bien difficile. Nos deux voyageurs
fe trouvèrent plufieurs fois dans de très-
grands embarras, oub.ies en quelque forte par le
gouvernement qui les avoit envoyés, expofés à
éprouver bien des contradictions & même des
mauvais traitemens de la part des Turcs, félon
que la Porte fe déclareroit pour ou contre la
révolution françaife. En effet, après être reftés
plufieurs mois à Toulon avant de pouvoir s’embarquer,
ils demeurèrent encore plus de fîx mois
.à Conltantinople , .dans Timpoffibilité de continuer
leur route, ne recevant aucune réponfe aux
lettres qu’ils adrefïoient aux miniftres de France j
ils profitèrent de ce long féjour pour viliter au
loin les environs de Conftantinople. Ayant trouvé
enfuite auprès de M. Defcorches des facilités pour
étendre davantage leurs courfes, ils faifirent cette
occafion pour vifiter les Dardanelles, la Troade
&: les îles de la Grèce, celles de Tenédos, de
Lemnos, de Lesbos , de Sçio. Après avoir terminé
leurs opérations dans Tîle de Crète, ils fe
rendirent à Candie pour profiter du premier navire
français qui feroit voile de ce port pour l'Egypte,
où ils vouloient arriver avant l’hiver.
L’occafion ne tarda pas à fe préfenter, & en
moins de dix jours ils mouillèrent dans le port
d’Alexandrie. Ils viiïcèrent des catacombes in-
J téreffames, parcoururent les environs &les bords
; du lac Maréotis, firent une courfe jufqu’ à la ville
d’Aboukir, parcoururent les ruines de Canope,
& s’embarquèrent fur le Nil. Ils firent en Egypte
une ample moiffon en hiftoire naturelle, & des
obfervations très-importantes fur les anciens monumens
de cette belle contrée, jadis fi célèbre 5
| fur fon état aCtuel, fon commerce, fon agricul-
; ture, &c. Après un féjour de plufieurs mois,
ils s’embarquèrent pour retourner à Conltantinople.
Dès leur arrivée en cette ville, ils fe rendirent
au palais de France, empreffés de fa voir fi le goui-
vernement étoit toujours dans l'intention de les
envoyer en Perfe. Ayant appris qu'il n’y avoit rien
de changé à cet égard, ils firent auffitôt leurs
préparatifs, afin dê profiter de la première caravane
qui feroit route pour Diarbekir. Ils defî-
roient traverfer TAfie-Mineure afin d'arriver plus
promptement à leur dellination , & fatisfaire en
même tems leur curiofité. Cette contrée, que
peu de voyageurs ont eu Toccafion & le tems
d’obferver, leur paroilfoit une mine féconde fous
le rapport de la géographie, de Thiftoire ancienne
& naturelle. Prêts à partir, & comme ils trai-
toient avec un chef de caravanes, il leur fallut
changer de route. Il s'agiffoit de çonftruire à l’ary
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fenaî de Conftantinople un baffin fur le modèle de
celui de Toulon. Le bruit s’étôit répandu que
nos voyageurs avoient vu de la pouzzolane dans
les îles de l’Archipel : la Porte leur fit propofer
de lui faire part de cette découverte , avec la
promeffe d’une récompenfe honorable & avantageuse,
& auffitôt un bâtiment fut nolifé par le
miniftre ottoman pour les transporter fans délai
aux îles de l’Archipel. Ils en trouvèrent dans l ’ile
de Santorin de la meilleure qualité , dont ils
dévoient envoyer une vingtaine de facs à Conftantinople
pour en faire l’effai ; mais les habitans
de cette île craignant les vexations.des Turcs que
l’on enverroit pour exploiter cette fubflance, firent
tout ce qu’fis purent pour engager nos voyageurs
à déclarer à la Porte qu’il n'y avoit dans
leur île que de la pouzzolane de mauvaife qualité.
Leurs offres n’ayant pu les féduire , les primats
de Santorin députent deux d’entr’eux à
Conftantinople , & iis réuffirent fi bien auprès
des perfonnes, qui avoient une influence direéte
dans les entreprifes, qu’on équipa à ia hâte huit
navires pour l’ Italie , avec ordre d’y acheter la
pouzzolane dont on avoit befoin.
Après leur départ de Santorin , nos voyageurs
gagnèrent Tîle de Rhodes , puis fe dirigèrent
vers les côtes de la Syiie , vifitèrent Batut,
Gaffar, Seyde, la ville de T y r , Biblos, Tripoli,
& fe rendirent à Alep. Ils Séjournèrent trois mois
dans cette ville, efpérant toujours qu’il fe formerait
une caravane pour Bagdad. Lorfqu’ils eurent
acquis la certitude qu’il n’y en auroic pas avant
l’été , ils fe décidèrent à prendre la route de la
Mëfopotamie , quoique la plus longue. Le com-
miffaire français des relations commerciales , ainfi
que les négociant , les avoient dftîuadés à leur
arrivée de traverfer ledéfert fans caravane, parce
que l’agent d’Angleterre , difpofant avec de l’argent
de quelques hordes d’Arabes qui font à
l’oueft de la Syrie, pouvoit les faire arrêter &
dépouiller, fe perfuadant que des Français envoyés
par leur gouvernement, avoient quelque
million pour l’Inde, contraire aux intérêts de la
Grande-Bre tagne.
Leurs préparatifs faits, ils s’adreffètent fecré-
tement à un moucre arménien d'Orfa, qui fe
chargea, moyennant trois cent foixante piaftres,
de les conduire dans trente jours à Moffiil. S’étant
mis en route peu après, quelques Français fe joignirent
à leur caravane : ils paffèrent l'Euphrate
àBir.t, fe rendirent à Orfa, féjournèrent à Kérof-
mana, & arrivèrent à Merdin après de grandes
fatigues. En parcourant les environs de cette ville,
ils y obfervèrent prefque tous nos arbres fruitiers
de l’Europe, outre ceux particuliers à ce
p.ays. Ils trouvèrent des antiquités alLz précieufes
à Nifibis , ville très-importante fous les
Gr ecs & les Romains. Continuant leur route vers
Molfui , ils y arrivèrent après avoir échappé au
ûang-.r d’être dépouillés par une horde d’Arabes.
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Ils profitèrent de leur féjour à Moflul pour parcourir
le fol fur lequel on croit que fut bâtie la
célèbre Ninive, capitale de l’Empire d’Affyrie.
Ils efpéroient trouver quelques traces.d’une ville.
à laquelle les Juifs affignoient quinze ou vingt
lieues d’étendue le long du fleuve ; mais ils ne
rencontrèrent auaine trace de ville dans toute
la plaine cultivée qu’ ils parcoururent : il y a feulement
quelques reftes de mur fur le coteau qui
borne cette plaine à l’o rient, & cet endroit fe
nomme Kalla-Nunia ou citadelle de Ninive.
Ils quittèrent Moffiil pour fe rendre à Bagdad,
où ils arrivèrent après dix jours de marche. Ils
étendirent au loin leurs courfes dans les environs
de Bagdad. A vingt lieues de cette ville ils trouvèrent
les ruines de l'ancienne Babylone , qui fut
un moment peut-être la première ville du Monde.
Le fol fur lequel elle étoit affife, ne préfente au
premier afpedt aucune trace de ville : il faut le
parcourir en entier pour remarquer quelques traces
de butte, pour voir que la terre a été prefque
partout remuee. Là les Arabes font occupés , depuis
plus de douze fiècles, à fouiller la terre & à
retirer les briques, dont ils ont bâti en grande
partie Cufa, Bagdad, Mefched-Ali, Mefched-
Hoffein , Hellé, & prefque toutes les villes qui
fe trouvent dans ces contrées. Ils recueillirent ,
dans ces différentes courfes, des obfervations
très-importantes fur plufieurs villes tant anciennes
que modernes, fur les moeurs de leurs habitans ,
iur les produirions naturelles, fur l'agriculture,
les fubftances alimentaires , le commerce, &c.
Ils partirent enfuite pour la Perfe. Étant arrivés
dans ce royaume, ils éprouvèrent la neceffité de
fe délaffer pendant quelque tems des fatigues d’un
long voyage, & , préférant aux grandes villes une
campagne ifolée , fis choifirent le village de Té-
grich , à trois grandes lieues de ta ville de Téhér
ran, à un demi-quart de lieue du mont Albours,
fitué fur le bord oriental d'un ruiffeau fort large,
allez profond. Ses eaux , peu abondantes à la fin
de l’été, coûtaient fur des cailloux, ou à travers
le creffon & diverfes plantes aquatiques, & con-
fervoient iong-tems toute leur fraîcheur, parce
qu’eiles étoient garanties de TaCtion du foleil. par
des platanes, des noyers , des faules & divers arbres
fruitiers qui croiffoient fort ferrés fur les
deux rives.. « Ce lieu, dit M. Olivier, dont la
Nature avoit fait tous les frais, n'étoit point fré-: ■
quenté par les gens du. pays. Nous pouvions y
aller rêver du matin au foir fans craindre d’y être
troublés. Les enfans & les oififs fe contentoienc
d’aller fous le platane de la mofquée. Nous étions
dans ce village, auffi en fureté que nous pouvions
le defirer. Nous nous transportions feuls & fans
armes à de grandes diftances ; nous marchions-dans
les champs cultivés j nous allions aux villages voi-
fins. Notre logement étoit mal fermé, & la plupart
du tems il reftoit ouvert quoique nous biffions
Sortis ; jamais pourtant no.us n’avons couru