
thés , des tulipes , des oeillets , des prîme-vères,
oreilles-d'ours, &c. Prelque toutes les couleurs
paffent au blanc pelles varient leurs teintes. Te
panachent : 1 ancolie bleue devient rouge & bleue ;
le p oly gala bleu devient d'un rouge mêlé de blanc}
la belle-de-nuit rouge parte au jaune-bleu ; la bal-
famine jaune au rouge & bleu, &:c. Mais on remarque
que jamais le bleu ne parte au jaune, quoique
le jaune parte au bleu dans le fafran. Les fruits
de nos vergers prennent aufli des couleurs très-
variées ; ks pommes , les prunes, les cerifes, les
grofeilles,- & c. ; mais le changement de couleur
eft bien plus rare dans les femences. Néanmoins le
pavot des jardins a des femences noires & blanches
j les haricots fe panachent prefqu'à l’infini.
Dans les feuilles où règne généralement la couleur
verte, on y diftingue des taches noires, quelquefois
aflez régulières » comme dans plufieurs or-
chis, la perficaire, le trèfle, l’arum. Les feuilles
,de 1’ amaranthe tricolore font tachetées de rouge;
celles du buis, du cerfeuil, ont une bordure argentée
; d’autres font agréablement panachées de
vert, de jaune, de blanc, &c. La faveur & l’odeur
ne font pas moins variables , & dépendent
beaucoup du fol & de l’expofition : la culture y
apporte de grands changemens.
Mais les plus brillantes variétés, qui rendent
quelquefois l’efpèce méconnoiffable , confiftent
dans les fleurs doubles, femi-doubles, prolifères.
Dans ces fleurs ies enveloppes de la fructification
font multipliées à un tel point, que les parties
eflentiellès font détruites, & cette production,
qtielqu’agréable qu’elle paroiffe à nos yeux, n’en
eft pas moins contre l’ordre naturel, & doit être
regardée comme une dégradation réelle, caufée
par l’excès des fucs nourriciers. Ces fleurs ne brillent
qu’aux dépens de leur poftéité : ce font les
étamines qui fe changent ordinairement en pétales.
Les Heurs qui ont un grand nombre d’étamines
font aufli celles qui fourniffent les plus
belles variétés de fleurs doubles, les anémones,
les renoncules. Les calices changent également de
forme , fe colorent,, augmentent le nombre de
leurs divifions ou de leurs folioles. Les écailles du
calice d’un oeillet s’étant multipliées prefqu'à l’infini
, conftituou-nt un épi entier de forme fingu-
lière.. ( Diantkus cariophyllus fpicam frumenti refe-
rens. Ephémér. Centur. 3. pag. 3,68. rab. 9.) Les
graminées fe doublent lorfque les balles prennent
de l'accroiflement, & forment autant de feuilles.}
La prolification eft une autre variété très-re*
marquable; elle a lieu-lorfqu'une fleur produit de^
fon centre une féconde^fleur femblable à. la première.
Ce phénomène doit encore être attribué à
la furabondance des iucs nourriciers..La prolification
des fleurs Amples fe fait communément pat le
piftil ; elle part du centre de la fleur > l’anémone,
l’oeillet, la rofe., &c. en offrent des exemples.
La prolification des fleurs agrégées fie &it oïdjnairement
par le réceptacle. Le calice commun fournit
plufieurs productions portées fur des pédoncules,
quelques efpèces de feabieufes, &c. Les
ombeilifères fe prolîfient lorfque du centre de la
petite ombelle il en naît une autre. La prolification
des feuilles tft plus rare : on l'obferve
néanmoins fur l’anémone & fur la rofe. On voit
quelquefois fur les arbres fruitiers une petite
branche garnie de feuilles & même de boutons,
fortir d’une poire imparfaite , fans pépins. On a
vu également fortir d’un gros grain de raifin, un
autre petit grain avec une branche chargée d’une
feuille. (Journal de Pkyfique, février 1781 , pag.
130. ) Ces deux raifins n’avoient point de pépins ,
& les fibres ligneufes pafioient à travers le grt s,
grain, fans doute pour produire^ branche & la
feuille. Dans la fcrophulaire aquatique, on ob-
ferve encore que les fleurs n’offrent que des étamines
avortées, & que le piftil devient le fup-
port d’une petite touffe de feuilles. Il n’en eft pas
de même dans ies fleurs agrégées, où là prolification
ne part point du piftil. Le chardon à foulon
(dipfacus) , ainfi métamorphofé , offroit, dit
M. Durande , au lieu de lames pliées en gouttières
, qui réparent fes petites fleurs, des tuyaux
mous, verts, découpés inégalement à leur extrémité
fupérieure , avec une petite pointe ou piquant
à leur bafe ; les étamines, le piftil, étoienc
avortés, & du fond de. la fleur, à côté du piftil;;
s’élevoit un pédicule qui portoit jufqu’à quatre
ou cinq touffes de petites feuilles. Si la furabon-
dance des fucs nourriciers produit les fleurs doubles,
leur défaut produit les fleurs mutilées ou.
avortées dans quelques-unes de leurs parties. Dans-
les pays froids la corolle manque à plufieurs plantes,
au tujjilago anandria> au lychnis apetala, au
falvia yerbenaca , &c. ; ce qui ne peut les empêcher
de donner des. fruits. Le nombre des étami-
.nes diminue &■ manque quelquefois entièrement;
d’autres fois la corolle , au lieu de dégénérer ou.
de manquer, acquiert une grandeur remarquable :
on obferve cette variété dans la prunelle, le ga-
leopfis, &C.
« I le ft, dit M. Durande, des variétés qui ont
beaucoup occupé les botaniftes modernes. Convaincus
qu’une feménee ne peut jamais produira
que la plante dont elle émane, & dont elle eft ea
quelque manière un raccourci „ ils crurent que:
les plantes nouvelles qu’ils observèrent, étoient le
produit de la: fécondation de deux efpèces, oit
même de deux genres difL rens , & qu’elles fe
montroie-nt lorfqiie les étamines d’une plante fé-
condoient le piftil d’une autre. Ils ajoutèrent que
- ces plantes nouvelles refTembloient à. la plante
femelle par les parties les plus intérieures ,, par
celles de la fructification à la plante mâle par.
•lès racines,. le tronc ,5 les. feuilles, la furface, la
grandeur,, la couleur & les autres parties extérieures;
que dans 1'origihç les plantes pouvoient
avoir été peu nombreufes, mais que s’étant mêlées
enfemble , elles avoient fuccefiivement donné
lieu à cette multiplicité inconcevable de végétaux
qui nous étonnent aujourd’hui. Marchant avoir
parlé, en 1719 , de deux nouvelles efpèces de
mercuriale ; mais ces obfervations n’avoient point
perfuadé Linné. Il croyoit toujours les efpèces
.confiantes, lorfque l’obl'ervation d’une variété
finguÜère de linaire l’induifit à croire qu’ il pou-
voit fe former de nouvelles plantes , qu’il regarda
comme bâtardes. Cette variété de la linaire, qui
fut nomméepeloria , fut découverte dans une île,
à fept milles d’Upfal ; elle reflemble tellement à
la linaire commune, qu’avant i’épanouiftement de
la fleur, on ne peut y voir aucune différence ;
mais la corolle diffère beaucoup. Au lieu d’un tube
court, terminé par deux lèvres irrégulières à
quatre crénelures, avec un feul éperon à fa bafe,
la corolle du peloria eft pourvue d’un tube très-
long , terminé par un pavillon prefque régulier, à
cinq crénelures, & garni au bas de cinq éperons.
» On a fuppofé que ces changemens provenoient
de ce que la linaire étoit fécondée par la jufquia-î
me ou par le tabac : on a cru que ces fleurs don-
noient dés graines parfaites,tcapables de repo-
duire le peloria, que, depuis ce tems, Haller a ob-
fervées fur la linaire à feuilles de nufrimnlaire.
Linné appuya fon opinion de l’exemple de plufieurs
plantes qu’il prétendit nouvelles, auxquelles
on peut joindre le fraifier à feuilles (impies ( fra-
guria rr.onopkylla ). Quelques auteurs, & eh particulier
M. Adanfon, ont penfé que cette affer-
tion étoit dénuée de fondement ; que la mercuriale
de Marchant n’ étoit qu’une monftruofîté ,
une plante imparfaite, qui né féconde point la
mercuriale femelle ; que ce n’étoit point une nouvelle
efpèce, mais un individu vicié, dont les
étamines font vuides de pouflière féminale. Pour
ce qui eft dupeloria, ils aflurent qu’il ne conferye
point exactement la régularité de fes fleurs ; qu’il
fe trouve fur le même pied, tantôt des fleurs pé-
ioréesou irrégulières , mêlées avec les fleurs naturelles
de la linaire ;. que tanrôt toutes les fleurs
font régulières, tamôr toutes irrégulières; que
les pélores font conftamment ftériUs, & ne peuvent
être regardées que comme des monftres avec
excès dans leur corolle , & défaut dans.les organes
de Ta génération '; que le fraifier à une feuille
n’éft point confiant : lès trois folioles fe greffent
en quelque forte l’une fur l’autre, n’en forment
qu'une compofée des trois lobes réunis; c’tft ce
que prouve le vice de conformation que l’on ap-
perçoit dans fes nervures. En multipliant les expériences
de fécondation,. on aura donc des variétés
, des monftruofités,, dont i’exiftence ne fera
ue paflagère. C ’ell ainfi qu’en coupant toutes les
tamines d’une tulipe rouge ,. & faupoudrant le
piftil de cette fleur avec les étamines d’une tulipe
blanche. >. les graines produifent des tulipes dont
les unes font rouges, les autres blanches , a’sutres
rouges & blanches. M. Kcerlauter a fait , fur cec
objet, un grand ncn.bre d’expériences; il prétend
avoir fécondé le lychnis dioïque au moyen du cu-
cubale vifqueux , & avoir a-nli obtenu une plante
nouvelle ; il convient néanmoins que les expériences
n'ont point eu de fuccès fur les végétaux
qui n’étoient pas du même genre , & que les plantes
hybrides ne peuvent jamais être élevées au
rang des efpèces confiantes & immuables, foit
par leur défaut d'aptitude à fe reproduire , foie
parce qu’elles fe dégradent dans les générations
fuivantes. La plante obtenue par le mélangé de
la belle-de-nuit ordinaire avec celle., à longue
fleur , dont il eft parlé dans le Journal de Phyfique ,
l779 > Pi 8e 345 y n a eu qu>lins exiftence bien
courte. 11 paroït donc qu'un grand nombre de
plantes, reconnues pour de nouvelles créations»
ne font réellement que des variétés.
»3 Néanmoins tous ees jeux de fa nature méritent
l’attention du botanifte r il eft inréreflant de les
connoître , i°. pour ne pas multiplier les efpèces
à l’infini ; ce qui apporter, it beaucoup de confu-
fion dans l’étude de la botanique ; i° . pour s'occuper
des moyens de conferver celles qui inté-
, relL nt la fanté , la vie & l’agrément. On doit
conferver dans les potagers beaucoup de plantes
qui font devenues plus grandes, plus fucculentes
& frifëes. La médecine demande que l’on perpétue
celles qui ont acquis plus d’odeur & de fa-
\eur: les neuriftes s’attachent à celles qui font
devenues doubles & colorées. Sous leurs mains
Toeillet, la tulipe , la renoncule , la jacinthe , fe
font embellis : cette dernière n’é to it, dans l’origine,
qu’une fleur chétive, fimple , à petit calice
coloré d’un bleu-violet. La nature » aidée par
l’induftrie de l’homme , produiroit,. fuivant toute
apparence , aufli aifément un nouveau fruit, un
nouveau légume, qu’une nouvelle fleur ; il ne fe-
roit pas plus difficile d’améliorer l ’un, que d’embellir
l’autre. La connoiflance des caractères eflen-
tiels fuffit Couvent pour ramener les variétés à leur
efpèce ; il en eft cependant qui exigent une grande
attention , & qui offrent des incertitudes fur la
nature des caractères, ou des différences accidentelles,
puifque des feuilles découpées ou crépues,
ou Erifées, peuvent être telles naturellement,
&• fe perpétuer de graines : telles font la
menthe , la mauve , Scc.. En femant les plantes
•dans un fol maigre , on pourra s’afliirer fi ce font
des efpèces ; car c’eft par la propagation & par
les foins que l’on prend d’éloigner les caufes qui
ont pu s’oppofer à la germination confiante, que
l’on s’a (Cure de leur réalité. Le défaut d'expériences
fufïifantes nous laiffe encore bien de l’incertitude
fur un objet aufli intérefîant. Il eft d'ailleurs
des variétés plus ou moins confiantes ; il en eft qui
durent pendant plufieurs générations, & femblent
alors devoir être regardées comme efpèces ; il em