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fauvages des îles de l’Amirauté » & , après bien des
inquiétudes & des fatigues, ils arrivèrent enfin à
Amboine. On conçoit toutes les recherches qu’un
naturalise auffi que M. de Labillardière pou-
voit faire à Amboine.
Après avoir quitté cette île , ils naviguèrent le
long de la côte fud-ouell de la Nouvelle-Hollande,
mouillèrent dans la baie de Legrand, le dirigèrent
vers le Cap de Diémen, & s'arrêtèrent dans
la baie de s Roches. M. de Labillardière vifita l’intérieur
des terres; mais il éprouva de très-grandes
difficultés pour pénétrer dans les forêts. Les fatigues
& les dangers qu’il eut à fupporter dans ces
pénibles recherches furent adoucis par les découvertes
intéreffantes ,qu’ii fut à portée de faire ;
il eut beaucoup à le louer des fauvages de cette
partie de la côte, avec lefquels il eut plufieurs
entrevues.
Ayant quitté la baie des Roches pour pallier
par le détroit d'Lntrecafteaux, les vaiflèaux y
échouèrent, & ne fortirent de cette pofition
alarmante qu’a près de très-longs & pénibles et-
fotts. Après s’être arrêtés à la baie de l’Aventure
, ils pafîerent tout près & au nord de la Nouvelle
Zélande, découvrirent plufieurs îles inconnues
jufqu’alors, mouillèrent a Tonjatabou, l'une
des îles de s Amis, où les naturels s’emprefîèrent de
venir à bord, & de leur procurer des vivres frais.
Ces infulaires font très-enclins au v o l, qui les
conduit au meurtre, ainfi que l’éprcuvèrern plufieurs
perfonnes de l’équipage. Ce fut là que.l’on
embarqua plufieurs jeunes pieds d’arbre à pain
pour les tranfporter dans les colonies françaises &
au Jardin des Plantes de Paris.
Partis de Tongatabou, nos voyageurs eurent la
vue de la partie auftrale de l'archipel du Saint-
Efprit, découvrirent l’île de Beaupré, & mouillèrent
à la Nouvelle-Calédonie : ils y trouvèrent
des fauvages antropophages, dont ils eurent beaucoup
à fouffrir ; ils continuèrent à viliter une
'partie de la côte de la Nouvelle-Hollande , plusieurs
îles peu connues, faifant partout des opérations
importantes pour la géographie & la marine
; ils fëjournèrent à Wavgion , mouillèrent à
Bourou, paffèrent le détroit de Boutonféjour-
nèrent à Sourabaya, à Samarang. Après avoir
évité tant de dangers, après avoir échappé à ceux
d’une longue navigation, avoir réfifté aux fatigues
occafionnées par de pénibles recherches, qui âu-
roît pu croire que des favans, au retour d’un long
& pénible voyage entrepris pour le progrès des
fciences & des arts, fe trouvant alors dans les
Indes, au milieu d’un peuple civilifé, en auroient
été traités avec une dureté barbare? La guerre
étoit déclarée entre la France & la Hollande :/les
gouverneurs hollandais fe fer virent de ce prétexte
pour faire traîner de prifon en prifon de fimples
naturaliftes, qui ne pouvoient avoir que des vues
pacifiques & bienfaifantes. La plupart des collections
furent faifies. M. de Labillardière eut le bonv
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, heur de fauver les fîennes. Ayant été prifes par
les Anglais, elles lui furent rendues à la follicita-
tion de M. Bancks. M. de Labillardière arriva en
, France vers la fin de l’année 1792, muni d’un
i herbier de plus de quatre mille plantes, dont en-
1 viron Us trois quarts nouvelles. On peut fe frire
;• une idée de cette riche colLêtion par l'excellait
i ouvrage qu’il a publié fous le titre de N ova Holland}
a plantarum Spécimen. Le genre Billaràiera lui
a éré dédié par M. Smith.
j Le dru. Ce naturalifte diftingué , natif du Mans,
fut thoifi en 1796 par le gouvernement français
j pour accompagner le capitaine Baudin , qui devoit
aller retifer de l’île de la Trinité, pour le compte
■ du gouvernement, une-colleélion précieufe d’hif-
! te-ire naturelle échappée au naufrage, & formée
i par les foins de ce capitaine dans deux expédi-
! lions qu’il fit aux Indes & dans les îles de la mer
| du Sud. M. Ledru ajouta beaucoup à cette co!-
1 leéïion par Es herborifations qu’il fit à l'île de
I Ténêriffe, à celle de la Trinité , puis aux Antilles
! danoifes & aux îles de Saint-Thomas, de Porto-
| Ricço & de Sainte-Croix. Les autres naturalises
| alfociés à cette expédition furent MM. Mangé
' pour la zoologie, Advénier pour la minéralogie,
j & Riedlé, jardinier.
Le fruit de ce voyage, qui dura environ deux
j ans, confifta en plus de deux cents caiffes, conte-
1 nant environ huit cents plantes & un grand nombre
d’arbriffeaux vivans, envoyés au Jardin des Plantes
| de Paris 5 huit mille plantes de fléchées en hcr-
j bier, quatre cents efpèces de graines différentes,
! deux cents échantillons de bois de differentes ef-
| pèces, quatre cent cinquante oileaux empaillés,
1 quatre mille infeétes, deux cents coquilles , fept
caiffes de madrépores, coraux , crabes, gorgo-
| nés , &c. deux caiffes de minéraux.
Les plantes vivantes & les graines, confiées
aux foins de MM. Thouin, ont prèfque toutes
complètement réuiïi dans les ferres du Jardin des
Plantes, où elles offrent l’afped de la plus belle
végétation. On diftingué avec intérêt, parmi ces
végétaux des tropiques, le cocotier f la fougère
en arbre, le fapotillier, trois efpèces de tinélier,
le rocou, le caêtier-melon , le baniftère à feuilles
de laurier, le bois trompette , le caïmitier à feuilles
d’or, le ceftrau à grandes feujj es, le brunf-
felfia, le raifinier à grandes feuilles, le genipa,
l'hernandia hclterès, lé Tablier, l’avocatier, l’abricotier
mammée, le parkinfonia, le monbin, &c.
Sc beaucoup d’autres arbres & arbuftes dont l’ac-
qi.ifition eft infiniment précieufe, foit pour l’ornement
des jardins, foie pour l’emploi qu’on peut
faire de leurs produits dans les arts & la médecine.
Les graines & les plantes vivantes doubles
ont été diftribuées dans plufieurs autres jardins,
où elles ont également bien réuiïi, tels qu’à la
Malmaifon, chez M. Cels ; à Lyon, à Bruxelles , à
Montpellier * à Rouen, au Mansa chez MM. Taf-
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cher & le prince Clarfigny. M. Lediu; fe pro- r
pofe de publier inceflammt nt l’hiftorique de Ion |
voyage , & fes belles découvertes dans le règne
végétal. On doit juger combien elles feront inté-
reliantes pour les fciences, d’après ce que je
viens de dire , & combien elles doivent offrir
d’obfervations neuves M. Decandoile vient de
publier dans les Annales du Muféum a kifioire naturelle
de Paris, un genre nouveau établi fur une
plante découverte à Ténériffe par M. Ledru, &'
qu’il a confacré à ce Savant naturalifte fous le nom
de Drufa. J’en avois reçu moi-même des échantillons
incompleis, & , trompé par le port extérieur,
je l’ai décrite dans cet ouvrage fous le
nom de Sycios g/andulofa, vol. III. M. Decandolle
l’ayant oblt-rvee lur des échantillons mieux
confervés , a reconnu qu’elle ap parte no it à la fa- s
mille des ombeltifères , avec la fin gu la ri te trèsr <
remarquable d'avoir les feuilles oppofets.
Leschenault étoit du nombre des natura- '
liftes qui partirent avec le capitaine Baudin pour
aller faire des recherches fur l’hiftoire naturelle
dans la Nouvelle-Hollande & les-pays voifins. On
fait que !e plus grand non:bre de ces favans efti-
nvables a Succombé : ou a cru, pendant plufieurs
années, M. Lefcheuauit lui-n.ême viôtime ce Ion
dévoûment aux lciences; il a eu long-tàns à lutter
contre la maladie, & contre des obftacles tels,
qu’il a fallu tout ion courage pour les furmonter.
Obligé de fe féparer, à Timor, de fes compagnons
de voyage , au mois de mai . 1803 , pour
caufe de maladie, il-pafla à Jiva, & le rendit à
Samarang , chef-üeu du gouvernement hollandais,
& dont l’air eft moins infalubre que celui
de Batavia. M. le go- verneur Engelhard , homme
fort inftruit, l’accueillit très bien, & lui donna
toutes les facilités pour faire des recherches dans
l’île. '
M. Lefchenault quitta Samarang le 24 octobre
pour aller à Sourakarta , vilie où réfide l’empereur
de Java, & éloignée au fud de vingt-cinq
lieues de la première. 11 vifita, fur cette route., les
montagnes d O un a rang, de Morbabou , de Tclo
majo & de Marapi. Cette dernière offre à fon
Sommet un volcan toujours fumant. De Soura-
karta , il fut à Djioki-Karta , lieu de la, réSidence!
.du Sultan de Java. G’eft fur cette route, qui n’eft
que de dix-huit lieues , que le voyageur rencontre:
d’anciens temples ruinés, remarquables par leur
étendue. On y voit un grand nombre deftatuesen*
laves, & qui paroiffent prouver que et s peuples'
é;oient attachés a la religion dts Bramines.
Une maladie très-grave obligea,M. Lefchenault
de revenir à Samarang. Lprfqu’if fut rétabli, il.
continua de vifiteCles autres parties de l ‘île de;
Java. Il s’einbarqua enfuite pour l’île de Madura ;
il revint à Java , & fut viliter le mont Idième ,,
volcan dans lequel il obferva un lac , dont l’eau,
étoit fortement chargée d’acide Sulfurique. Il fiel
y o y |
une riche' collection de l^ves, 'avec de très-
beaux échantillons, de foufre, provenus de ce
volcan, élevé de onze cents toifes environ au def-
fus;du niveau de la mer. M. Lefchenault parvint
au cratère avec beaucoup de peines & de dangers ,
accompagné du comma ndant Vikerman, dans 1 intention
de reconnoïtre fi d'on pour roi t tirer parti
du foufre que produit ce volcan , particulicre-
ment pour reconnoïtre. les causes qui altèrent,
dans certains tems de l’année, les eaux de la rivière
Blanche , & les rendent nuifibies aux hommes ,
aux animaux & même à la végétation. Cette
caufe n’échappa point à M. Lefchenault, qui remarqua
qu’elle tenoit à un beau fait volcanique.
En effet, arrivé jufque vers le haut du cratère
qui paroît être chan gé -préfen terne n t en fol fa tare ,
il defeendit dans le^Forni de cette ancienne bouche
à feu, qui a quatre, cents pieds environ de
profondeur, & deux cent cinquante toifes d é tendue
dans la partie la plus grande &c la plus
baffe du fond/Ce fut dans ce cratère qu’ il ap-
perçut avec étonnement quatre ouvertures ou
bouches toujours f umantes, formées vers le haut
du goitfre / & d’où s’émanoient des flots de vapeurs
acides fui forées, qui, condenfées par faction
de l’air froid , tomboient dans un grand lac -
qui eft au bas, & qui eft retenu par les parois du
cratère de l’ ancien volcan. .
Les eaux de ce vafte baftin , continuellement
imprégnées de vapeurs, en deviennent fi acides,
qu’elles attaquent tout ce qu’elles touchent; elles
altèrent toutes les laves voifines, & forment des
fuliates de fer, du fulfatc de chaux , qu’elles tiennent
en diffolution, ainfi que de i alumine. Ainfi
toutes les fois que le tems de pluie arrive , le lac
s’accroît, l’excédent d’eau s épanche & va altérer
f eau de la rivière Blanche. Cette caufe une
fois connue , grâces aux excellentes od fer varions
de M. Lefchenault, il en réfulte qu’on peut parer
facilement au mélange funtfte de ces eaux, en détournant
celles qui descendent du lac à certaines
époques de l’année , & en lui oppofant des obftacles
qui l’empêchent d’arriver julqu’à la rivière
Blanche , qui reiteroit alors continuellement falu-
bre. Qu’ori juge par ce grand fervice rendu à la
| colonie hollandaife par M. Lefchenault, combien
des , naturaliftes bons obfer.vaieurs peuvent étr.e
utiles à la fbçiété^& que ce lié-ci apprenne enfin
à leur rendre la juftice qu'ils méritent; mais je l ai
déjà dit , trop louvent fignorance ne voie en eux
que des êtres luperficiels , dont tout le Savoir con-
fifte à ramaffer des pierres, des infeéles bc des paquets
d’herbes. ; -
M. LeSchenault paffa enfuite dans l’île du Ba-
}i,.&.c. qu’il parcourut avec un très-grand avantage
Ipour. les Sciences naturelles. De retour à Sa-
’ marang., & après avoir emballé toutes Ses collections,
il partit pour Batavia,dans le mois d’octobre
1806 ; & de là il s’embarqua le 27 novembre
, fur un v ai Beau américain, pour Philadei