
la confervation des vins , des idées faines &
exaétes, paroiffent avoir ignoré l'art d’en extrairè
l'eau-de-vie , & c’eft à Arnaud de Villeneuve , pro-
f e f f e u r de médecine à Montpellier, qu'on rapporte
les premières notions exaéles qu’on a eues
ae la diflillation des vins. Cette diftillation a
donné une nouvelle valeur à cette production
territoriale : non-feulement elle a fourni une nouvelle
boilfon plus forte & incorruptible , mais
elle a fait connoïtre aux arts le véritable diflol-
vant des réfines & des principes aromatiques , en
même temps un moyen aufti fimple que fur de
conferver & de préferver de toute décompofition
putride les fubftances animales & végétales. C ’eft
Air ces propriétés remarquables que fe font établis
fuccéflfivement l'art du vernijfcur , du parfumeur
y celui du liquorifte , & autres fondés fur
les mêmes bafes.
Le vinaigre eft une liqueur acide produite par
le fécond degré de la fermentation vineufe. On
fait du vinaigre j non-feulement avec le vin proprement
d it , mais encore avec le poiré, le cidre ,
là bière , l’hydromel , le petit la it, &c. Le premier
l’emporte fur tous les autres vinaigres pour
l'agrément & pour la force. Comme il n’y a pas
de vin > de quelque nature qu'il fo it, qui ne tende
journellement à fe convertir en vinaigre, & qui
ne le devienne en effet au bout d’un tëms plus ou
moins long, à rai fon des circonftances , la première
idée de faire du vinaigre eft fans doute due
à l’inattention de quelque vigneron ou de perfon-
nes chargées du gouvernement des celliers. La faveur
aigrelette qu'auront contractée les liqueurs
vineufes ne permettant plus de les confommer en
bqiffon, on aura effayé de les faire feryir à relever
la faveur des mets , ou à en prolonger la
durée. Ce qu’il y a de pofitif, c’eft que l'origine
du vinaigre remonte à la plus haute antiquité.
Pline, dans fon Hijloire, naturelle , ne tarit point en
éloges,fur l'ufage de cet acide , foit comme affai-
fonnement, foit pour conferver des fruits & des
légumes. OnTemploypit.aüx embaumement, &
fans doute 1 e ceüria dps Egyptiens n'étoît pas autre
chqfe que du yjpaigre. Mêlé à l’eau, il fervoit
fou vent de boiiToh aux, logions romaines, fous le
nom d’oxycrat. Y '
É S P È C E S .
i. Vigne cultivée. Viiis vinifera. Linn.
V a is fo liis palmdtQ-iobatîs ijïnuatis , nûdif^Lam.
Illuftr. Gèneri vol. 2. pag. 133,. ri°. 2806. i
Vitis foliis lob ali s , finuatis itnudis. Linn. Spec..
Plant, vol. 1. pag. 293* — Duham. Arbr. fruit,
vol. 2. tab., 1 - 6. — Blaçkvr. tab. 154. — Duroi,
Harbk. vol. 2. pag. 488. — Willden. Spec. Plant,
vol. 1. pag. 1 i$o. n°s 1.,— Desfont. Flor. allant.:
vol. 1. pag. 202. — Regn. Botan." Icon.
Vitis ( fati v&yifipjibuskcKrpapkroditis , foliis palmato
lobatis. Decand. Flor. franç. vol. 4. pag. 8/7,
& Synopf. Plant, gall. pag. 410. n°. 4566.
Vitis foliis palmato-angulatis. Hort. Cliff. 74. —
Hort. Upfal. 50. — Mater, medic. 70. — Gronov*
Virgin. 144. — Roy. Lugd. Bat. 221.
Vitis vinifera. C. Bauh. Pin. 299. — Matth.
Comm. pag. 902. Icon. — Fufch. Hift. pag. 84.
Icon. — Dalech. Hift. 2. pag. 1402. Icon. — J.
Bauh. Hift. 2. pag. 67. Icon* — Trag. Hift. 10f6.
Icon.
*&. Vitis filveftris, labrufca. C.Bauh. Pin. 299.—*
Tourn. Inft. R. Herb. pag. 613. — Thor. Chlor.
Land. pag. 82. — Poiret, Voyage en Barb. vol. 2.
pag. 127. ( Non vitis labrufca Linn.) Vigne fau-
vage.
Labrufca. Dalech. Hift. vol. 2. pag. 1406.
£. Vitis fativa. Duham. Arbr. fruit, édit. in-8®.
vol. 3. pag. 202. tab. 1-7. — Rozier, DiCt. d’Agr.
vol. 10. pag. 17 f. tab. 2-27.
y. Vitis apyrena. Linn. Spec. Plant. 1. c.
Vitis corinthiaca feu apyrena. J. Bauh. Hift. 2.
pag. 72. — Tourn. Inft. R. Herb. 613. Raifin de
Corinthe.
, Uva pajfi minores , vel paJfuU , corinthiaca. C.
Bauh. Pin. 299.
PaJfuU. Trag. Hift. pag. 1034.
La vigne cultivée fi bien connue, tant répandue
partout, offre un trop grand; nombre de variétés
pour pouvoir êtredécrite avec exactitude. La vigne
fauvage, probablement le type dejtoutes celles que
l’on cultive, la plus intéréffante à connoïtre & la
plus importante pour le botanifte „ s ’eft préfentée
fréquemment à mes recherches fur les côtes de
Barbarie, & la description fui vante ne doit s’appliquer
qu’à elle feule.
C’eflTun arbriflfeau qui s’élève fort haut, & dont
les branches fe divifent en rameaux alternes, fort
longs i fouples, farmenteux, difformes , qui s’entortillent.
autour des corps qui lés environnent,
& s’y attachent à l'aide de vrilles contournées en
fpirale. Les feuilles font alternes, pétiolées, fort
amples, planes, larges, échancrées à leur bafe,
tomenteufes & très-blanches en deffous dans leur
première jeuneffe, velues en deftïis telles perdent
ce duvet, au moins.en grande partie, à mefure
qu’elleç fe développent, & reftent vertes en def-
fus, pâles, un peu blanchâtres en deffous; elles fe
[divifent en trois ou cinq lobes incifés, dentés,
aigus à leur fommet; Les vrilles font tenaces, ra-
meufes, oppofées aux feuilles.
Les fleurs font difpofées en grappes latérales,
jtoüffuës , rameufes, oppofées aux feuilles; les ramifications
courtes ; cnaque fleur pédicellée, très-
glabre, fort petite, d'un vert tirant un peu fur le
jaune,
jaune, odorante; les étamines étalées, un peu plus
longues que la corolle. L'ovaire eft ovale , divifé
en cinq loges, furmonté d’un ftigmate feffile , en
tête: il lui fuccède une petite baie globuleufe,
ordinairement noire quand elle eft mure, d une
faveur aigrelette > renfermant plufieurs femences
dures, piëfqu’ofTeufes.
Cette plante croît parmi les bipuflailles, dans
les lieux couverts, fur les côtes dp Barbarie, en
Afie . dans les contrées méridionales de l'Europe,
dans les départemens méridionaux de laFrance, &c.
K - Ç V . v . )
Je fuis très-porté à croire que cet arbriffeau,
qui croît aujourd'hui naturellement dans nos cont
ré e s 'méridionales de l'Europe , 11’y exiftoit pas
autrefois ; qu’il s’y eft nàturalifé par les femences
de notre vigne cultivée, apportée d’Afie, & rendue
à fon état naturel.
Les ciges de la vigne, d’une grande denfité, font
propres , comme les bois les plus durs , à recevoir
au tour toutes les formes qu'on veut leur donner,
furtout quand elles font vieilles, & qu elles ont
acquis le'volume auquel elles font fufceptibles de
parvenir. Cette vieilieffe & ce volume fontquei-
quefois très-extraordinaires. Un plant de vigne
abandonné à la feule nature, placé dans un fol &
un climat qui lui conviennent, & qui trouve près
de lui des appuis capables de réfifter à fes élans &
aux efforts qu’il fait pour croître, acquiert un
volume énorme , & parvient à la plus étonnante
longévité, !
Les anciens naturaliftes & les voyageurs modernes
font d’accord entr’ëux fur la longue vie &
fur les étannàntës proportions de la vigne dans
fon état agrefte. Strabon . qui vivoit du ttrns
d'Augufte , rapporte qu’on voyoit dans la Mar-
giane des ceps d'une fi énorme groffeur, que deux
hommes pouvoient à peine en embrafler la tige :
ils avoient de, neuf à douze pieds & plus de circonférence.
« C’eft avec raifon3 dit Pline, que les
Anciens avoient rangé la vigne.parmi les arbres,
vu la grandeur à laquelle elle eft fufceptibie de
parvenir. Nous voyons à Populonium , ajoute-t i l ,
une ftatue de Jupiter faite d’un.feul morceau de
ce bois, & qui, après plufieurs Cèdes, eft encore
exempte de tout indice de deftrudfcion. Les temples
de Junon à Paiera. à MaJJîlia ( Marieille), à
Metapontum étoient foutenus par des colonnes de
yigne, & aduellemenr encore la charpente du
temple de Diane.à Éphèfe .eft conftrutte de vignes
de Chypre. Un'eft point de bois plus indeftruélible
que celui-là. » Ce même naturalifte parle ailleurs
d'une vigne qui exiftoit depuis fix cents ans.
Les Modernes favent que les grandes portes de
la cathédrale de Ravenne font conftruites de bois |
de vigne, dont les planches ont plus de douze J
pieds de haut, fur un pied & demi de largeur. 11 |
Botanique. Tome V llî.
n’y a pas long-tems qu’on y a v ii, dans le château
de Verfailïes & dans celui d’Ëcouen , de très-
grandes tables conftruites d’une feule planche de
ce bois. Les voyageurs qui ont côioyé l’Afrique
ou pénétré dans ces contrées , ont vu certaines
côtes de Barbarie parfemées de vignes, dont les
tiges n’ont pas moins de huit à douze pieds de'
circonférence. Si leur âge pouvoit être connu, ou
feroit fans douté étonné de leur grande vieiileüe.
Miller , en parlant des villes d’Italie, dit que, dans
certains territoires de ce pays, il y a des vignes
cultivées qui durent depuis trois cents ans, &
qu'on y appelle jeunes vignes celles qui n’ont qu un
fiècle. ;
Variété s.
Lorfque les Grecs apportèrent à Marfeille les
premiers plants de vigne qu'on eût encore vus
dans les Gaules, il eft vraifemblable que les variétés,
fi nombreufes aujourd’hui, étoient en très-
petite quantité. Ces plants n'avoient encore éprouvés
qu’une feule fois l ’effet de la transplantation,
celle du continent afiatique, leur berceau, dans
les îles d é jà Grèce; mais à l’époque ou cette,
tranfplantation fut entièrement renouvelée eride
ç à des Alpes, les ceps.qü’on ÿ tranfpovta pou-
voient avoir déjà fubi d'étonnantes modifications
dans leurs formes, & par conféquent dans lés qualités
de leurs fruits, parce.qu ils avoient paffé dô’
la Grèce en Sicile, de Sicile en Italie, & que
cette propagation s’étoic faite en Italie infenfible-
menc, & deïontrée en contrée. De tous.ces chanr.
gemens de terrains & de climats, combien n'eft-il
pas déjà réfulté de variétés ? Et fi on ajoute à ces
premières caufes de variétés les effets des tranf-:
plantations.qui ont dû avoir lieu en. France pour,
étendre la culture de la vigne depuis .les bouches
du Rhône jufqu'aux rivés du Rhin & de la Mo-
felle, dans une étendue de deux cent cinquante
lieues, qui préfente des fols & des climats fi divers,
on ne peut dou-.er que la plupart de ces
plantes n’ aient éprouvé, pendant ce long trajet,
d’étonnantes diverfités dans leur manière d’être. .
D’après cet expofé, les auteurs du DicHonnairé-
<£Agriculture de Rozier préfentent le tableau des
variétés ou des diffërens cépagescultivésen France,
& dont je vais préfenter l’extrait. Us appuient les.
principaux caradlères des variétés fur les feuilles’
& les raifins. « Nous n’entendons pas parler , di-
fent-ils , de ces feuilles avortons qui naifiènt des
drageons, des brindilles & .de l’extrémité des ta-’
meaux au moment où la fève eft fur le point de;
s’arrêter, mais des feuilles parfaites, de celles qui.
fe développent les premières fur lés farmens les
plus vigoureux & les mieux nourris : celles-ci font
les feules dont les formes foient confiantes & in-v
variables dans chaque race ou variété. »
i°. Vigne fauvage , labruche, Vitis filvtflris ,,
G g S S