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dotteur Barrault, qui avoit été dans l’ Inde avec ,
le jeune Willemet, à la fuite de l’ ambaffade de
Tippoo-Saïb j au doreur Sparmann, excellent
médecin , botanifte diftingué 5 à M. Ceré , directeur
du Jardin des Plantes de l’Ifle-de-France ,
ainfi qu’à toute fa famille. M. Dupuis, intendant
à rifle-de-France à cette époque, ne pouvant
l ’aider auffi efficacement qu’il le defiroit, le nomma
à une place d’employé aux traites de la République
à Madagafcar ; ce <jui lui procura pendant fix mois
le vivre &■ le couvert, mais fans aucun moyen
pour avancer plus loin.
M. du Petit-Thouars fut atteint à Madagafcar
de la maladie qui, fous ce climat, moiffonne tant
d’Européens ; mais il s’en tira heureufement. A
fon retour à l’Ifle-de-France, il eut à fupporter
pendant neuf mois une fièvre quarte, dont il ne
fe débarraffa que par des courfes fréquentes. Enfin
, il alla s’embarquer fur une frégate lorfque
M. Dnmorier, qui avoit été envoyé comme com-
miffaire du R o i, l’emmena à l’île Bourbon , & lui
fournit pendant plus de trois ans les moyens de
la parcourir.
De retour à l’ Ifle-de-France, M. du Petit-
Theuars reçoit par le capitaine Baudin une lettre
de M. de Juffieu, par laquelle ce célèbre profof-
feur l’engageoit à fe réunir à l’expédition de J
Baudin. Des raifons particulières l’en détourné- I
rent; ce qui fut d’autant plus heureux pour lu i , !
que, quelques jours après le départ de ce capitaine
, M. du Petit-Thouars" éprouva une douteur
fourde à lacuiffe , qui devint un dépôt confidé' .
râble, & qu’il fut obligé de garder le. lit pendant
plus de trois mois.
• Le fruit de ce voyage confifte en un herbier de
deux- mille plantes environ , fix cents deffins des
objets les plus remarquables, &-les defcriptions
côrrefpondantes. M. du Petit-Thouars a déjà
commencé à nous faire part de fes richeffes par
la publication des premiers numéros de fon Hif-
taire des végétaux recueillis dans les îles aujiralesde
l ’Afrique ; il avoit auparavant publié un apperçu
des genres nouveaux recueillis dans ces mêmes contrées.
J’ai moi-même fait connoître dans les genres
fcirpe, fouchet , varec 3 &c. plufieurs belles efpèces
queM. du Petit-Thouars a eu la complaifance de
me communiquer. M. Perfoon, dans fon Synopfis
Plantarum, a érabli un genre nouveau de la famille
des graminées, fous le nom de Thuarfia.
PfLUG. ( Voyei ROHR* )
Pi s on & M a r c g r a v e , le premier né en H oU '
lande, médecin à Leyde, le fécond né en Aile-
magne , compofèrent en 1618 chacun une hiftoire
naturelle du Bréfil, dans laquelle on trouve la def-
cription & les figures d’environ deux cent vingtr
quatre plantes rares de.ce pays, dont la plupart
font encore peu connues, & difficiles à reconno*-
tre d’après des defcriptions imparfaites & des
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gravures en bois extrêmement médiocres , fans
détails, fouvent fans fru&ification. Néanmoins
cet ouvrage n’étoit pas fans mérite, furtout à
une époque où la botanique n’avoit errcore fait
que des progrès très-médiocres. Plumier a con-
facré à la mémoire de ces deux auteurs deux
genres de l’Amérique, le.Pifonia Se le Marcgra-
via : ils ont été confervés par Linné.
Plumier (Charles). Tandis que Tournefort
étoit occupé en Europe à réunir dans fon immortel
ouvrage, Infiiiutiones Rei herbaru, toutes les
plantes connues à cette époque, tandis qu’il par-
couroit les contrées du Levant & les îles de la
Grèce pour y reconnoître les plantes mentionnées
par les Anciens, Plumier s’efforçoit en Amérique
d’ajouter aux découvertes botaniques : il avoue
que la première inclination qu’ il prit pour l’étude
des plantes, il en fut redevable aux démonftra-
tions du Père Philippe Sergéant, religieux Minime,
-& à M. François d'Onuphriis, médecin
romain 5 il quitta dès-lors l’étude des mathématiques
, qui avoit jufquedà fait fa principale occupation,
pour fe livrer à la botanique. Rappelé
dans fa province par fes fupérieurs, il en obtint la
permiffion de parcourir les côtes de Provence &
les montagnes des Alpes. Son projet étoit de faire
un nouveau Pinax, & déjà il avoit deffiné un grand
nombre de plantes lorfqu’herborifant le long des
côtes de Marfeille, l’occafion fe préfenta de faire
-le voyage de l’Amérique. M. Bégon, fi connu des
favans, étoit pour lors intendant des galères à
Marfeille : il fouhaitoit, conformément aux ordres
du Roi, trouver quelqu'un qui pût faire le
voyage des Antilles , où il avoit été intendant,
pour y faire la recherche de tout ce que la Nature
y produit de plus rare & de plus curieux j il
en fit la propofition à M. Surian, très-inftruit dans
la connoiffance des plantes , & lui donna en même
tems la commiffion de chercher quelqu’un en état
de l’aider dans l’ exécution de ce.deffein. M. Surian
en fit la propofition au Père Plumier., qui l’accepta
avec plaifir. Tous deux s’embarquèrent pour
l’Amérique, & s’empreffèrent à l’envi de remplir
leur honorable million. M. Surian forma un herbier
confidérable , compolé de dix volumes, que
M. de Juffieu conferve dans fon cabinet. Lemery
a imprimé, à la fin de fon ouvrage, le catalogue
d’une partie de ces plantes.
Dé fon côté le Père Plumier fit, par ordre du
Roi , trois voyages dans le Nouveau-Monde. Aucun
voyageur n’avoit jufque-là recueilli autant de
plantes nouvelles. Il ajouta à la defcription de
chaque plante des deffins au trait, avec des détails
qui laiffent peu de doutes fur leurs caractères
j il en forma dix volumes in-folio manufcrits,
avec environ quatorze cents planches , dépofés
aujourd’hui dans la-* bibliothèque du Muféum
d’hiftoire naturelle de Paris. Burman en a publié
un volume en dix fafcicules, qui renferme deux
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cent foixante-deux planches» Le refte de cette
riche collection eft encore inédit.
Il eft bien à regretter que ce précieux dépôt
n’ait pas. pu jufqu’alors être publié. Plumier a fait
imprimer plufieurs autres ouvrages, qui ont été
& font encore aujourd’hui d’une grande reffourcç
pour la connoiffance des plantes d_e l’Amérique..
A fon retour il donna le Nova Plantarum america-
narurn généra. Le caraCtère des genres & les gravures
qui les accompagnent, ont été établis d’après
la méthode de Tournefort : le deflîn vient
fouvent au fecours de ce qui feroit à defirer dans
les defcriptions. Quelques années auparavant,
Plumier avoit-donné la Defcription des plantes de
iAmérique en un volume in-folio, enrichi de cent
neuf gravures, dans lefquelleson trouve cinquante
erpèces de fougères. Son dernier ouvrage, le plus
intéreffant de tous ceux qu’il a fait imprimer, eft
fon Traité des fougères de /’Amérique , in - folio.
Tournefort lui a confâcré le franchipanier ( Plu-
mcria) , genre qui a été confervé par Linné, &
Plumier a dédié à la mémoire de Surian le genre
Suriana. Camelli, à peu près dans le même tems,
a également recueilli en Amérique beaucoup de
belles plantes, dont les ileffins originaux, faits
de fa main , fe trouvent dans le cabinet de M. de
Juffieu. Linné lui a confâcré le genre Camellia.
Poiret (J. L. M.). Il y avoit près d’un an que
j’étois occupé à cueillir quelques fleurs fur les
côtes de la Barbarie $ je me difpofois à faire le
voyage de Conftantine, & je me trouvois alors
à Bonne lorfque M. Desfonraines y arriva. Pour
concevoir jufqu’à quel point cette rencontre de
venoit heureufe pour moi, je dois dire deux
mots fur les motifs qui m’avoient fait paffer en
Afrique.
Le goût de la botanique étoit prefque né avec
moi. J’aimois les plantes, je me plaifois à les recueillir,
& j’ignorois encore que leur étude fût
une fcience..Ce goût fe fortifia avec l’âge,.mais
je n’ep étois pas plus avancé. Un de mes proches
parens, a&uellement profeffeur au collège de
Saint-Quentin notre patrie commune, & qui
fait encore fon bonheur de l’étude des plantes ,
me fit voir un herbier qu’il avoir fait à Noyon,
où il étudioit. Je fus tranfporté d’aife, .& je voulus
auffi avoir un herbier. J’amaffe & je deffèche
des plantes, mais fans pouvoir y mettre d’autres
noms que ceux que me donnoient quelques garçons
apothicaires. Je touchois au terme de mes
études claffiques lorfque j’eus le bonheur de me
lier avec M. Foreltier, médecin à Saint-Quentin,
qui joint à la fcience de fon état, des connoif-
fances très étendues en phyfique' & en hiftoire
naturelle $ il me prêta quelques livres de botanique,
m’en expliqua les principes, & fit avec
moi des heiborifations. Je pofiëdai bientôt en
herbier toute la malle des plantes des environs
de Saint-Quentin j mais je ne les connoiffois que
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fous les noms de Tournefort , & d’après fa mé-,
thode. Je îr’avois qu’une foible idée des principes
de Linné, Quoi qu’il en foît, ce tems fut un des
plus heureux de ma vie. Avec quel plaifir je ren-
trois le foir dans la maifon paternelle, un paquet
de plantes fous le bras !
Cette paffioh étoit devenue fi impérieufe, que
la tête me tournoit lorfque je portois ma penfée
fur les plantes des pays étrangers. Je languiffois
d’ennui ; j’étois cruellement tourmenté de voir
les beaux jours de nia jeuneffe s’écouler fans, pouvoir
fatisfaire mon ardent defir de voyager j mais
de quoi l’homme n’eft-il pas capable lorfqu’il eft
dominé par un vif amour pour les fciences, &
lorfque l’imagination exaltée par le feu du jeune
âge, déchirant le fombre voile de1 l’inquiétude,
s’élance dans l’avenir fur les ailes brillantes de
l’efpérance ! C’cft avec de femblables idées que je
quittai enfin ma patrie : il me fembloit que le chemin
du bonheur s’ouvroit fous mes pas j mais
l’illufion fut bientôt diffipée. Je parcourus une
partie des Alpes à pied , prefque fans argent>
quelques contrées de l’Italie, nos départemens.
méridionaux, &c. > je fis d’autres voyages fous
des aufpices en apparence plus favorables > mais
comme ils n’ont contribué en rien au progrès
des fciences, je les pafferai fous filence. ^J’arrivai
à Marfeille fans reffources, obligé, pour
exifter, de me charger de l’éducation de deux
jeunes gens ; j’étois livré malgré moi à ces occupations
féderitaires lorfque la connoiffance que je
fis de quelques officiers de la compagnie d’Afrique,
me procura l’occafion de paffer en Barbarie.
Je communiquai à M. le maréchal de Caftries,
miniftre de la marine, le projet que j’avois de parcourir
ce pays, & d’y faire des recherches en
'hiftoire naturelle} j’obtins de ce miniftre des lettres
de recommandation, des encouragemens &
des promeffes.
Je m’embarque avec la joie la plus vive que
j’aie éprouvée de mes jours} je n’ignorois pas
tous les dangers auxquels je m’expofois dans un
pays habité par des nations féroces & fanguinai-
res ; mais j’étois animé par le defir des découvertes
utiles. J’avois déjà parcouru plufieurs contrées
de l’ancienne Numiaie lorfque M. Desfontaines
fe rendit à Bonne en revenant de Conftaft-
tine ; j et ois loin de m’attendre à rencontrer en
Afrique ce que je n’avois pas eu occâfion de
trouver en France, un fa van t des plus diftingués,
que la place de profeffeur dans le plus célèbre
jardin de l’Europe attendoit à fon retour j & ce
qui étoit pour moi au deffus de tous les titres,
un ami précieux, auprès duquel je retrouve encore
aujourd’hui les mêmes lumières, & furtout
cette amitié formée fous la tente des Arabes Bédouins
, cimentée par ces vertus douces & aimantes,
le bonheur des âmes fenfibles.
Dès ce moment nos courfes devinrent com