
épars fur toute la furface herbacée des plantes;
ils fervent généralement à la tranfpir.nion ,
dans quelques circonftances, à l’imbibition des
vapeurs & des gaz. Ainfi les graines des chamÎ
ngnons qui flotteroient dans 1’air , pourroient
)ien entrer dans ces pores, & fe développer fous
l'épiderme. Ce foupçon femble même d’autant plus
plaufible, que généralement les champignons parafites
naiffent à la furface inférieure des feuilles,
qui eft aufll celle où l’on trouve le plus de pores
corticaux, & que quelquefois les champignons
fortent de ces pores, comme M. Bancks l’a remarqué
relativement à la puccinie du froment ;
mais cette théorie eft fujète à des objections qui
me paroiffent importantes^
” i°. Il exifte plufieurs feuilles qui ont des
pores fur les deux furfaces, & qui n’émettent de
champignons que par l’une d’elles : telles font la
puccinie & l’uredo des graminées, la puccinie de
l'oeillet, Y uredo des crucifères.
» 1 ° . Il y a quelques plantes qui n’ ont de pores
qu’à la furface inférieure des feuilles * & qui portent
les champignons à la furface fupérieure: telles
font les puccinies du grofeiller, & la plupart des
xyloma.
s » 3°. Les champignons paralites naiffent fou-
vent fur des organes dépourvus de pores corticaux
; ainfi on trouve Yuredo de la rofe fur la bafe
de l ’ovaire & fur le pédicelle ; Yuredo des moif-
fons, fur les ovaires ; les puccinies de Yadoxa, du
trèfle ; les uredo de la fève , de la potentille , du
peifil; les Acidium du pin, des violettes, de la
barbe de chèvre, de l’ortie, du bunium, fur le pétiole,
les nervures, & quelquefois fur les rameaux
ligneux des plantes qu’elles attaquent.
» 4°. Dans quelques plantes, telles que le fram-
boifier & le tufiilage , les champignons parafites
naiffent fous l’épiderme, lequel eft recouvert par
un duvet ferré, comme feutré & qui repouffe
l’eau.
» 5°. Quelques parafites naiffent fur des plantes
acotylédones, c'eft-à-dire, dépourvues de pores
corticaux : tel eft Yuredo des champignons , &
Y Acidium de la peltigère.
*>6°. On fait que les injections colorées pénètrent
bien plus facilement par les racines, quoique
leurs pores foient encore mal connus, que
par les pores corticaux, qui font cependant bien
viiibles.
» D’après ces obfervations , il eft plus plaufible
de penfer que lés graines des champignons parafites
tombent à terre à leur maturité, fe mêlent
avec le terreau, font entraînées par la fève afpirée,
entrent dans les racines, montent le long du corps
ligneux par les vaiffeaux féveux , arrivent avec la
fève dans les parties herbacées ; que là , trouvant
une pofîtion ou une nourriture convenable, ces
germes fe développent : on voit d’abord la couleur
de la feuille s’altérer un peu, puis l’épiderme
fe foulève ôr fe fend. Si les parafites font plus
communs à la furface qui porte les pores, c’eft
que la fève qui fe dirige vers eux , y conduit naturellement
les graines : fi on en trouve ailleurs,
c’eft que la fève parcourt fucceffivement tout le
végétal.
» On ne doit pas s’ e {frayer ici de l’extrême ténuité
que je fuppofe dans les graines de nos champignons.
En effet, une plante entière de puccinie,
par exemple, n’a pas un quart de ligne de longueur
: chaque loge eft à peine un point fenfible,
& cette loge renferme au moins cent petits globules
à peine vifibles au microfcope, & certainement
plus petits que certaines molécules terreu-
fes ou colorantes que nous voyons s’introduire
dans les vaiffeaux des plantes.
33 Au moyen de cette théorie, on explique facilement
plufieurs faits dont la précédente ne peut
rendre raifon.
m i°. C’eft un fait qui me paroît confiant, que
fi dans un certain terrain les plantes font attaquées
d’une parafite, elles le font encore les années fui-
vantes. Or, on rend bien plus facilement raifon de
ce fait en admettant que les graines font mêlées
avec le terreau, qu’en les fuppofant voltigeantes
dans l’atmofphère. J’ai vu pendant plufieurs années,
deux jardins féparésfeulement par un efpace
de quelques toifes, dont l’un avoit tous fes poiriers
infeftés de Y Acidium cancellatum, & l’autre
avoit tous fes poiriers fains. L*erhhronium qui croît
dans un petit bois près de Genève, y a été ob-
fervé par M. Vaucher dix ans de fuite, attaqué
du même Acidium. J’ai vü un pied éY erythronium attaqué
de fon Acidium, qu’on avoit enlevé avec la
motte , & qu’on avoit tranfporté à un quart de
lieue de diftance dans une orangerie ; l’année fui-
vante les feuilles de cette plante étoient attaquées
à’Acidium comme la précédente.
33 2°. Il me paroît prouvé par l ’obfervation,
que les champignons parafites ont chaque année
une époque fixe ; que ceux de cette année ne peuvent
provenir des graines difleminées actuellement
par d’autres individus, mais des graines de l’année
précédente : il faut, en effet, leur laiffer le
tems de croître. O r , cette croiffance n'eft pas rapide
, & tous ceux dont j’ai eu occafion de fuivre
l’hiftoire, font reftés plufieurs mois à parvenir à
leur maturité. On fait d’ailleurs qu’on n'eft pas
encore parvenu, en faupoudrant une plante de la
pouflière de fon parafite, à faire développer ce
parafite, quoique cette expérience ait été tentée
plufieurs fois fur les parafites du froment, & que
je l’aie tentée pour quelques autres. Or, fi ces faits
font admis, ils s’expliquent bien plus facilement
par la théorie que je propofe, que par celle indiqüée
par fir Jofeph Bancks. On conçoit bien mieux
que les graines des champignons fe confervent
dépofées en terre, que voltigeant dans l'air.
»» De toutes ces confidérations , je fuis, ce me
femble, autorifé à conclure que fi, comme per-
fonne n’en doute, ces parafites font des végétaux
qui fe reproduifent de graines, fi l'introduCtion
de ces graines ne peut avoir lieu que par les pores
corticaux ou par ceux des racines, c’eft à cette
dernière voie qu’on doit donner la préférence :
il m’a même paru que le petit nombre d’objections
qu’on peut faire à cette théorie, font communes
à l’une & à l’autre ; ainfi, par exemple , 1’aétion du chaulage pour détruire Yuredo des blés,
paroît contraire aux idées que je viens d'avancer;
mais je remarquerai que Yuredo des blés s’écarte,
fous plufieurs rapports, des habitudes communes
à tous les uredo. Au lieu d’attaquer les feuilles, il
s’établit de préférence fur les glumes & furtout
fur les graines des graminées : il eft probable que
les femences de cet uredo reftent, foit dans les
graines mêmes du blé, foit peut-être fixées à
fa furface ; qu’elles font ainfi tranfportées par les
femailles; que le chaulage détruit celles de ces femences
qui font fixées à la furface des grains de
blé ; mais que fi cette opération paroît ne pas
réuffir çonftamment, c’eft parce qu’elje n’a aucune
aCtion fur les femences à'uredo, qui peuvent fe
trouver dans la terre où le blé a été femé.
v Peut-être même pourroit-on déjà ,au moyen
des vues que je viens de préfenter, indiquer quelques
procédés pour diminuer les ravages de ces
parafites , & ce moyen fera une confirmation de
Ja vraie théorie des afiolemens. Lorfqu’un champ
de blé a été fort attaqué par Yuredo ou la puccinie
des blés, fi l’année fuivante on y refème ou du
froment ou quelqu’autre graminée , cette nouvelle
moiffon en fera infeftée comme la première;
mais fi au contraire on y place des végétaux d'une
autre famille , les graines de Yuredo des blés y feront
, il eft vrai, introduites par la fève, mais n’y
trouvant pas la nourriture qui leur convient, elles
avorteront fans produire de dommages, & le terrain
s’en trouvera dépouillé. Je livre cette idée
aux agriculteurs, pour que des expériences faites
en grand, la.vérifient ou la condamnent, & je me
hâte de paffer à la dernière partie de ce Mémoire,
favoîr, à l’influence des champignons parafites
fur les végétaux qu’ils attaquent. >3
Avant de paffer à l’examen de cette troifième
partie, M. Decandolle répond à une objeétion
faite par M. Debeauvois , dans un Mémoire lu à
l’Inftitut national, dans lequel il avance qu’en
obfervant attentivement dans leur jeuneffe les
plantes qui doivent être attaquées de champignons
parafites, on y diftingue déjà de petits globules,
les uns jaunes, les autres bruns & analogues à ces
champignons.
e* Je ne m’arrêterai pas, dit M. Decandolle , à
demander comment on peut deviner d’avance que
tels ou tels individus feront attaqués de champignons
parafites , pour les obferver; comment enfin
on peut s’affurer que ces globules fi petits font
bien les mêmes efpèces que ceux qui fe développeront
par la fuite. Négligeant ces obfervations ,
je demande fi ces globules , qu’on dit avoir ob-
fervés, étoient deffus ou deffous l'épiderme ; s’ils
font deffus la queftion refte toute entière, car il
s’agit toujours de favoir comment ils peuvent une
fois traverfer l ’épiderme; s’ils font deffous, la
queftion refte également entière , &c il s’agit de
favoir comment ils y font parvenus.
§> III. Influence des champignons parafites fur les
végétaux quils attaquent.
»3 Dès qu’un champignon parafite fe développe
fur la feuille d’une plante, l’effet le plus prompt
& le plus général qu’occafionne cet hôte nouveau,
eft une tache colorée. Cette tache eft ordinairement
placée fur la furface fupérieure de la feuilie,
c’eft-à-dire, fur la furface oppofée à celle par eu
le champignon doit fortir ; elle eft vifible avant
que lé champignon ait percé l’épiderme. De cette
circonftance il réfulte que fi, par une caufe quelconque,
le champignon vient à avorter avant que
d’être forti du parenchyme, la feuille demeure
tachée par le parafite fans que la préfence de ce
dernier ait été manifefte. Cet accident eft très-
fréquent, par exemple, fur les feuilies du rumex,
attaquées par Y scidium rubellum. Ces taches m’ont
fouvent fervi d’indice dans les herborifations,
pour découvrir des champignons parafites encore
inconnus ; elles fe diftinguent des fimpîes pana-
chures par leur forme plus arrondie & plus régulière
, & des marques produites par les vers mineurs,
en ce que celles-ci font fouvent finueufes,
décolorées, & que le parenchyme enlevé permet
de diftinguer les deux épidermes.
>3 Ces taches font ordinairement de la même
forme que les groupes des champignons placés à
la furface oppofée ; cependant lorfque les groupes
de champignons font, comme on les rencontre
fréquemment, difpofés en anneau , dont le centre
eft fain, alors la tache correfpond à la forme d’un
cercle, & occupe à peu près le même efpace que
celui qui refte au centre de l’anneau : on diroit que
les radicules imperceptibles de tous ces petits
champignons percent d’un centre commun placé
au côté oppofé deJa feuille. Dans YAcidium cancellatum
on obfervé même des points noirs & dif-
tinéts, placés fur la furface fupérieure des feuilles
de poiriers, au centre de la tache que YAcidium
développe.
1» Les taches produites par les champignons parafites
font généralement rouges ou jaunâtres :
cette couleur ne me paroît pas devoir être rap