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partit pour aller voir le volcan, dont le Commet
eft à plus de douze cents toifes au defius du niveau
de la mer: il n’y arriva qu’à travers des fco-
ries , des pouzzolanes, des coulées de laves5 il
y diftingua des gerbes de feu, dont l’odeur étoit
celle de l’acide fülfureu’x , un badin dans lequel
retomboient les matières brûlées. Il y eut en 1800
une coulée vers la fource de la ravine des Citrons-
Gatets : la lave formoit une cafcade $ elle tomboit
à plomb de quatre-vingts à cent pieds de hauteur,
& fe divifoit en trois courans de feu. La lave ga-
gnoit la mer avec une grande viteffe ; elle forma
une jetée qui, en trois fois vingt-quatre heures,
recula le rivage de plus de trois cents pieds, fur
une largeur de quinze cents pieds environ.
Le defir de revoir fa patrie força M. Bory à
quitter l’île de Bourbon pour fe rendre à l’Ifle-dc-
France, où il devoit trouver un embarquement.
A fon retour il vifita l’île Sainte-Hélène. « Ce
n’eft, dit-il, qu’une montagne; elle paroît,quand
on la découvre de loin, d’une teinte rougeâtre :
aucune plage ne l’environne ; des monticules coupés
à pic & efcarpés forment fon pourtour. La
mer, fi tranquille dans ces parages, brife cependant
à leur'bafe, comme pour en interdire l ’accès.
Quelques cimes anguleufes s’élèvent çà & là
fur la circonférence. Le climat de Sainte-Hélène
eft très-fain; il eft chaud & fec. Les coups de vent
& les grands orage« font abfolument inconnus
dans le pays. Un point montueux, élevé au fein
de l ’Océan, exerçant fur les vapeurs une attraction
d’autant plus puiflante, que celle d’aucune
autre île n’en croife les efforts, devroit au premier
apperçu provoquer fouvent des phénomènes at-
mofphériques. On a aufli remarqué que la mer
étoit toujours calme dans ces parages.
»La terre, ou plutôt la couche de pouflière
qu’on trouve dans toute l’ïle Sainte-Hélène , n’eft
que les débris de laves ufées par le frottement ;
aufli n*eft-ce qu’à force de foins 6c d’induftrie,
qu’on arrache quelques produ&ions à ce fol ingrat.
Il faut apporter de la terre végétale d’ailleurs, &
fendre les rochers fur lefquels on veut faire un
jardin, pour que K s racines puiffent pénétrer.
Excepté peut-être une dixaine d’efpèces, tous
les végétaux qu’on voit dans le pays font étrangers
; ils périroient même probablement fi on les
abandonnoit à eux-mêmes, & le nombre de ces
plantes domeftiques eft encore^ très-borné. C ’eft
au jardin de la Compagnie, qu’on familiarife les
végétaux avec l’humidité du fol ; ils y trouvent
une affez bonne terre de rapport. »
M. Bory s’embarqua à Sainte-Hélène pour la
France, & arriva à Bordeaux fans aucun accident,
•e Je n’ai pu traverfer l’Océan , dit-il , fans me livrer
aux penfées'que fuggèrent naturellement les
archipels dont il* eft Emé/les hauts fonds qu’on
y rencontré/& les volcans qui fi fouvent ÿ opèrent
de nouvelles révolutions. Tout ce côté du
Globe repofe fans doute fur un vafte foyer qui
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s’étend d’un pôle à l’autre, comme le fufeau ou
la côte d’un ballon. En effet, depuis Triftan d’A-
cugna jufqu’à l ’Iflande, en paflant par Sainte-Hé*
lène, l’Afcenfion , l’archipel du Cap - Vert , les
Canaries, Madère, les Açores, tous les points
qui faîllent au deflus des eaux font des foupiraux
plus ou moins antiques de volcans, & les productions
de ces bouches ont entr’elles les plus grands
rapports. » Tels font les principaux faits expofés
dans le nouvel ouvrage publié par M. Bory-de-
Saint-Vincent, fous le titre de Voyage dans les
quatre principales îles des mers et Afrique. On y
trouve de plus la defeription d’un très-grand nombre
de plantes, & tout ce qui peut intéreffer le
minéralog-ifte & le géologue. M. de Labillardière
a dédié à M. Bory un nouveau genre de plantes
de la Nouvelle-Hollande, qu’il a nommé Bory a.
Bosc (L . A. G .) . Il faut de très-longues années
pour exploiter un pays aufli riche en plantes
que l ’Amérique ; & quel que foit le nombre des
naturaliftes qui l’ont parcouru, il refte toujours
une récolte intére (Tante à faire par tous ceux qui
vont le vifiter. Plufieurs naturaliftes diftingués
avoient fucceflivement fait des recherches dans
les vaftes contrées de la Caroline, de la Virginie,
&c. tels que Catesbi, WaltheVius, 6c fur-
tout l’ infatigable André Michaux. Depuis long-
tems M. Bofc, membre de l’Inftitut national &
infpe&eur des pépinières de l’Empereur & de
celles du gouvernement, defiroit vivement trouver
une occafion tavorable pour fe livrer, dans les
pays éloignés, à des recherches en hiftoire naturelle.
A un amour des plus vifs pour les progrès
de cette feienee, M. Bofc joint une grande aâi-
vité, de la facilité pour le travail, des connoif-
fances fort étendues dans les trois règnes de la
Nature, & une longue habitude d’obferver. Per-
fonne n’étoit plus propre que lui à remplir d'une
maniéré intérelTante le but d’un voyage entrepris
pour le progrès des fciênces : oiféaux , plantes,
infe&es , minéraux , reptiles , quadrupèdes , coquilles,
&c. aucun de ces objets, fur lesquels il
s’étoit long-tems exercé, ne pouvoit échapper à
fes obfervations.
En 1708, M. Bofc crut enfin avoir trouvé le
moment favorable pour réalifer fes projets de
voyages : il lui fallôit des diftraélions aux chagrins
qu'il reffentoit de la perte de beaucoup de fes
amis, viétimes infortunées de la révolution, dont
lui-même avoit éprouvé les contre-coups , expo-
fant fa vie pour arracher des mains de la tyrannie
la vertu perfécutëe. 11 efpéroit trouver‘dans la
folitude des forêts, le calme dont fon coeur avoit
befoin : il s’embarque à fes propres frais pour
l'Amérique feptentrionale, mais avec l’expeéta-
tive d’une place de conful à la Caroline ; il arrivé
à Charleftown, capitale de la Caroline du Sud.
A-sidré Michaux fon ami étoit occupé depuis
quinze ans à recueillir des matériaux pour la Flore
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des États-Unis. L’intention de M. Bofc étoit de
lui facrifier fes découvertes 5 mais à fon arrivée,
Michaux étoit parti pour l’Europe depuis un
mois. ?
Les circonftances politiques ne permirent pas a
M. Bofc de refter plus de dix-huit mois en Amérique
, & le forcèrent à renoncer aux longs voyages
qu’il avoit projetés dans l’intérieur, voyages
pour lefquels il avoit déjà fait beaucoup de préparatifs.
Pendant le premier hiver, il fixa ion fé-
jour à Charleftown, d’où il faifoit des excurfions
prefque journalières dans les campagnes voifines,
principalement le long des côtes maritimes, 6c le
refte du tems il le pafla dans une habitation a trois
lieues de cette ville, où Michaux dépofoit &
cultivoit les plantes récoltées dans fes voyages,
pour enfuite les envoyer en France.
Cette habitation au milieu des bois étoit favorablement
fituée pour des recherches en hiftoire
naturelle .5 & quoique M. Bofc eût lieu de
croire que Michaux n’avoit oublié aucune des
plantes des environs, il y herborifa avec autant
d’ardeur, que s'ils n’euffent jamais été vifités par
d’autres botaniftes. Le jardin renfermoit en outre
un grand nombre de plantes exotiques, dont il
dirigea la culture, & qu’il multiplia le plus pof-
fible.
Pendant le cours de l’année que M. Bofc pafia
dans cette habitation» il fit deux voyages : 1 un a
Willmington , au vice-confulat duquel il avoit été
nommé ; l’autre à l’extrémité oueil de la Caroline,
fur les frontières de Ténaflée. M. Bofc
n’ignoroit pas que Michaux s’étoit occupe beaucoup
plus particuliérement des arbres que des
autres plantes $ qu’il devoit furtout avoir un peu
négligé les graminées 6c les plantes cryptogames,
telles quelles moufles, les champignons, &c. ;
qu’il n’avoit point d’ailleurs l'habitude du.deü.n >
ce qui le détermina à: s’attacher principalement à
ces familles. Le grand nombre .de graminées qu il
obfeivoit tous les jours lui fit naître l'idée d'en-!
treprendre une Agrojïograpkie de la Caroline., ouvrage
aujourd’hui termine, mais que les circonl-
tances n’ont pas encore permis à fon auteur dé
publier : il contient la delcription & les figures,
faites fur le vivant, de plus de quatre-vingts etpè-
ces, la plupart nouvelles, v compris les cypéra-
ctes , inconnues aux botaniftes. il a également
defliné & décrit fur le vivant les champignons le
moins fufceptibles d’être confervés, mais en petit
nombre, cette famiile paroiflant être peu abondante
en efpèces dans les pays chauds ; il a fût
la même chofe pour lés orchidées, qui ne peuvent
être convenablement étudiées fur le fec* La
plupart de ces e'pèces, nouvelles alors, ont été
depuis prefque toutes publiées par MM. Swurtz
& Michaux.. Parmi un grand nombre d’autres .
plantes nouvelles &c pucor.e inédites, M. Bofc a
fait connaître un villarjia•, décrit 6c gravé dans le [
Bulletin de la Société philomatique, & un hydro- '
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charis ( morène ) , nouvelle efpèce très-remarquable
, inférée dans les Annales du Muféum <Chiftoire
naturelle de Paris.
Chaque fois que M. Bofc découvroit une plante
qu’ il mavoit pas encore vue, nouvelle ou peu
connue , il l’inferivoit fur un regiftre particulier,
avec l’indication de l'époque de fa floraifon, de
la maturité de fes graines, de la nature du fol &
de l’expofition où elle fe trouvoit; il y ajoutoit
des obfervations particulières toutes les fois que
l’occafion s'en préfentoit. Ce catalogue lui a été
fort utile pour la rédaction des articles botaniques
du nouveau Dictionnaire ethifioire naturelle, publié
par Déterville.
Le réfultat des herborifations de M. Bofc a été
la réunion d’un très-grand nombre d’échantillons
d’environ feize cents efpèces de plantes, parmi
lefquelles il s’en trouve beaucoup que Michaux
n’avoit point rapportées, ou qui ont été perdues
dans le naufrage qu’il fit fur les côtes de la Hollande.
Les doubles ont été diftribuées aux botaniftes
français & étrangers : Vahl en cite plufieurs
efpèces dans les premiers volumes de fon Enumc-
ratio Plantarum. Je fuis moi même redevable à
l’amitié de M. Bofc de beaucoup d’échantillons
u’il m’a communiqués, & que j’ai mentionnés
ans cet ouvrage toutes les fois que l’ occafion
| s’en eft préfentée.
Le même voyageur a rapporté environ cinq
cents efpèces de graines, dont beaucoup ont levé,
& qui la plupart enrichiflent nos jardins de plantes
I jufqu’alors peu ou point connues, telles que le
bejaria y- le chaptalia , l’andromeda à feuilles de
. cafiïné, &c. Quant aux plantes vivantes, après
avoir heureufement paffe la mer, traverféTEfpa-
gne, elles périrent par la gelée dans-la route de
Bordeaux à Paris, peu de jours après que M; Bofc
eut été forcé d’abandonner leur furveillance : c’eft
ainfi qu’une, feule nuit le privadu fruit de fes pei-f
nés 6c de fes dépenfes. Toutes étoierit inîérèf-
' fautes & nouvclles'pour les jardins de Paris. Parmi
elles fe diilinguoient le magnolia à très-grandes
feuilles, le phickncya : ce-dernier eft un véritable
quinquina, fufcepdbie d’être cultivé en-‘pleine
terre dans la partie méridionale de lafFrance. Ces
deux plantes ont été depuis apportées par M’é Michaux
fils , &;fe multiplient dans plufieurs- de nos'
jardins.
; Si nous pouvions confidéref ici le voyage de
M. Bofc fous ies rapports de la zoologie , nous
ferions dans le cas de nous étendre beaucoup
' plus. La fcience lui doit beaucoup d’objets juf-
qu’alors peu ou point connus, deux quadrupèdes
nouveaux , quinze oifeaux, une vingtaine de rep-f
tiles, des coquilles-,, une trentaine de poiffons ,
cent cinquante zobphytes, vers ou molkif^ues/
1 douze cents infeéfes, tous ces objets décrits
deftinés fur le vivant y les infeâes exceptés / lé
plus'grand nombre publié dans différens recueils
périodiques -, dans Y Ornithologie de Daudin-, dans