
une quantité fuffifante d’eau. Un ouvrier placé
au-deflus de la chaudière remue le favon, tandis
qu un autre ouvrier y verfe la cou'eur rouge; &
pour que la couleur fe mêle inégalement dans la
pâte favonneùfe , l’ouvrier a lJattention de ne
taire d’autre mouvement que de retirer le redable
de bas en haut : il convient que le favon fort pâteux
& non liquide, lorfque le rouge y eft inrro*
duit, & le favon doit être auflitôt coulé dans les
mifes. L ’on a auffi un peu plus de difficulté qu’avec
le favon blanc, parce que ce dernier eft plus
fluide au moment où on le coule.
Trois livres d’huile d’olive donnent, comme
nous l’avons dit plus haut, cinq livres de favon
blanc , tandis que la même quantité d’huile ne
fournit qu’environ quatre livres 8c un quart de
favon marbré : voilà pourquoi ce dernier eft plus
folide; voilà pourquoi auffi les blanchiifeufts
préfèrent le favon marbré, parce qu’en effet, à
poids égaux, il y a plus de favon effectif dans une
quantité donnée de favon marbré.
Ce favon, en raifon de fa folidité & en raifon
de ce qu’ une température chaude ne le liquéfie
point, eft préféré pour être tranfporté dans des
pays chauds. L’on pourroit donner la même folidité
au favon blanc; il fuffiroit de le de flécher
davantage, 8c alors il fe comporteroit comme le
favon marbre. Il eft donc à defirer que l’on apprenne
a diftinguer les favons alongés d’eau, de
ceux qui n en ont que de juftcs proportions; que
les fabricans futtouc préparent des favons privés
d’eau, autant qu’il fera poffible, & alors on les
préférera aux favons marbrés ; car .ce n’eft point
la couleur, comme il eft aile de le concevoir, qui
augmente la qualité du favon: la couleur, au con-
traire , comme corps étranger introduit aux favons,
les éloigne de la perfe&ion que l ’on doit
chercher à leur donner.
De l action de la foude du commerce rendue cauftique
fur les diverfes huiles & graijfes.
Nous avons déjà dit que l’huile d’olive étoit
celle qui fe faponifioit le mieux : la fuite de notre
travail le démontrera plus particuliérement 5 &
comme nous avons traité diverfes huiles dans des
proportions égalés , de la même manière & eh
fai fan t ufage de la meme foude du commerce,
nous avons reconnu , par ces expériences comparatives
, quelles font les huiles qui font les plus
propres à faire les meilleurs favons folides. Pour
apporter plus d’txa&itude dans ces recherches,
nous avons opéré fur trois livres de chaque efpèce
d’buiJe. ou de graiffe , & nous avons-repris les-
mêmes expériences, en employant la même quantité
de ces diverfes huiles, & en faifant ufage
pour les faponifier, de foude cauflicue que nous j
avons préparée avec la foude retirée du fel ma-
rm, d après le procédé du citoyen Malherbe.
Cet te férié d’expériences ayant été faite en fuivant
la meme manipulation , nous ne la décrirons qu’en
parlant de l’huile d’olive ; quant aux autres, nous
indiquerons les réfultats & circonftances particulières
que nous avons été dans le; cas d’obferver.
§. A. Du favon fait avec l ’huile d'olive & la foude
du commerce rendue cauftique.
Pour procéder à la faponifiçation de l’huile
d’olive, nous avons préparé des Ieffives avec trois
livres de foude du commerce & une livre de
chaux ( 1 on n’emploie pas en grand une auffi forte
dofe de chaux; mais en opérant en pëtit, nous
avons cru qu’il convenoit de mettre un excès de
chaux, afin d’avoir une leffive bien caufiique) ,
nous avons retiré trois efpèces de ieffives : de la
forte ou première, une fécondé moins forte , &
une rroifieme ou lefiive foib!e. Nous avons mis
dans une petite baftineen cuivre trois livres d’huile
'd olive & une pinte de leffive foi b le à cinq degrés
j nous avons fait bouffir ce mélange en remuant
avec] une petite fpatti'e en bois, & nous,
avons ajouté , de rems en tems, de la leffive
alcaline au même degré. Après quatre heures
d ébullition , nous avons ajouté de la deuxième
leffive , qui etpit à dix degrés, &. nous avons continué
à ufer de cette deuxième leffive pendant encore
environ deux heures ; alors nous, avons employé
une petité quantité de leffive forte, qui
étoit à quinze degrés : après une heure d’ébullition
, la matière favonneùfe étoit épaiffe , & on
voyoït qu’elle commer.çoic à fe féparer ; nous y
avons ajouté deux onces de fel marin pour achever
la féparation ; nous avons alors retiré la baffine de
deffus le feu ; 8c lorfque la pâte favonneùfe nous
a paru figée, nous l’avons enlevée avec une écumoire
, & nous l’avons mife dans une terrine.
.Ayant alors retiré & jeté la liqueur qui étoit dans
la baffine, nous y avons auffi toc remis le favon avec
une petite quantité d’eau pour le liquéfier, &
lorfqu’il a été amené au point de l'ébullition, nous
avons continué à lui unir ce qui nous reftoit delef-
: fîve à quinze degrés. Après une heurs d'ébullition,
nous avons féparé le favon de la même manière j
nous avons rejeté la petite quantité de liqueur qui
s étoit ramaffée au fond de la baffine; nous y
avons enfuite remis Je favon avec environ une
livre d eau, & lorfqu’il a été parfaitement uni 8c
liquéfié, nous l'avons coulé dans une petite mife:'
1 en ayant retiré le lendemain , & l’ayant pefé,
fon poids s’eft trouvé de fix livres dix onces. Il
etoit aflez folide, mais il contenoit trop d’ eau’
pour être de vente ; car trois livres d'huile ne
doivent produire que cinq livres de favon* La
quantité d’eau excédante ne tarde pas-à le diftiper;
car ce même favon ayant été expofé à l’air, &
ayant été pefé deux.mois après, il ne pefoit plus
que quatre livres quinze onces; il étoit alors bien
plus fec & :parfaitement folide ; il avoir une excellente
odeur, celle que l’on recopuoit dans les
favons de Maifeille ; il fubira encore un déchet
plus confidérable en le confervant dans un endroit
fec.
$. B. Du favon fait avec Vhuile d’amande douce
Ô* la foude du commerce rendue caufiique.
L’huile d’amande douce eft celle qui , après
l’huile d’olive, donne le favon le plus confiftant. Le
prix de cette huile ne permet pointqu’onpuiffe l’employer
à la fabrication ordinaire des favons ; mais
ons’enfert pour préparer 1 e favon médicinal. Les
pharmaciens font dans l’ufage de le faire à froid ,
en unifiant deux parties d’huile d’amande à une
partie de lefiive dés favonniers, concentrée au
pointqu’une bouteille qui contient une once d’eau,
puifle en contenir onze gros. Ce n’eft qw’après piu-
fieurs jours que le favon , préparé de cette manière,
acquiert de la confiftance :• il arrive même
quelquefois qu’il refte très-long-tems cauftique.,
de forte que l’on ne peut le prendre intérieurement
qu'après l’avoir confervé plufieurs mois. Ce favon,
au contraire, préparé par la méthode que nous
avons indiquée en parlantdufavond’huile d’olive,
ne contient que la proportion d’alcali néceffaire
à l’entière faponifiçation de l’huile, & on peut
remployer le jour même qu’il eft fait ; il convient
feulement d’évicerde faire ufage, pour le préparer,
de vaiffeaux de cuivre. Trois livres d’huile d’amande
douce ayant été faponifiées par la méthode
indiquée pour l’huile d’olive, nous ont
fourni une brique de favon à u poids de cinq livres Si
demie : ce favon étoit très-blanc, bien confiftant,
d’une odeur agréable & nullement cauftique. Ayant
été confervé pendant deux mois dans un endroit
fie , il a perdu une livre de fon poids; de forte
qu’il ne pefoit plus Que quatre livres 8c demie;
il décherra encore de plus d’un fixième..
§. C. Du favon fait avec le fuif & la foude du
commerce rendue cauftique.
Le fuiffe combine très-bien avec la foude cauftique
, & le favon qui réfulte de cette combinai-
fon eft de bonne qualité, lorfqu’ il eft bien prépare..
L’on n’étoit point dans l’ulage , en France,
de préparer du favon avec du fuif. L'huile d'olive,
que nous avions en quantité fuffifante, & qui
donne un favon fuperimr à celui du fuif, .étoit
celle que les grandes- fabriques de Marfeille ont
conftatnment recherchée. En Allemagne 8c en Angleterre
, où i’huile d’olive n’eft pas en abcm--
dance, le favon que l'on prépare eft fait avec le
fuif. Ce n’eft què depuis quelque tems que l’on a
vu à Paris des fuyons fabriqués avec le'fuif ; mais
la plupart de ceux que l’on y rencontre en vente,
ne réunifient point les. qualités qu’ ils devroienc
avoir : cela ne furprendra point quand on faura
que plufieurs de ceux qui fe font livrés à ce nou-:
veau genre de fabrication, font bien éloignés de
réunir les lumières qu’il eft important d’avoir pour
faire des favons quelconques, 8c que d’autres
11’ont été dirigés que par l’avidité du bénéfice
qu’ils voyoient dans la fabrication d'un favon qui
pouvoir fupporter une grande addition d’eau.
Nous dirons cependant qu’il eft à notre connoif-
fance que le citoyen Germain a fabriqué, à Paris,
d’excellent favon avec du fuif. L’on trouve.auffi
dans un ouvrage imprimé par Guenot, en 1708,
la manière de préparer du favon avec du fuif.
Dans;le travail de la faponifiçation de l’huile
d’olive, nous avons, recommandé d'employer,
dans les .premiers momens, des Ieffives foibles :
la même .précaution n’eft point néceffaire avec le
fuif. Nous avons traité trois livres de cette fubf-
tance avec de la foude cauftique préparée, comme
nous l’avons indiqué pour l’huile d’olive , & nous
avons obfervé la même manipulation, à l’exception
que nous avons, commencé par des Ieffives
fortes. Lorfque le favon,a été achevé, nous l’avons
coulé dans une petite mife, d’ou l’ayant
retire le lendemain , & l’ayant pefé, nous avons
eu une brique de favon du poids de huit livres
quatorze onces : ce favon étoit blanc, confervoic
un peu l'odeur du fuif, 8c il étoit a fiez confiftant
pour fupporter une addition d’eau affez confidé»-
rable , & refter encore ferme ; cependant, dans
i’etat où il eft, il déchoit beaucoup par fon ex-
poficion à l’air ; car, l’ayant confervé pendant
trois mois & demi dans un endroit fec, 8c
l’ayant pefé enfuite , il n’étoit plus que du poids
de cinq livres : il avoit. acquis une grande folidité.
§. D. Du favon fait avec Vaxonge & la foude dit
commerce rendue cauftique.
L’axonge eft employée, dans plufieurs pays, à
la fabrication des favons : on la mêle quelquefois
au fuif ; & ces deux fubftances, unies enfembie ,
font enfuite^ faponifiées.
.Nous avons de même fait du favon (par le
procédé indiqué ci-deffus) avec trois .livres
d’axonge ; & lei poids que nous avons obtenu
é to it, au fortir de la mife, de huit livres 8c
demie. Cefavonétoit trè,s-b!anc, très-foiide ; fon
odeur n’étoit point défagréable. Nous l’avons
laiffe à l’air pendant trois mois; l’ayant pefé en-
fuite, il ne pefoit plus que quatre livres quatorze
onces : il étoit alors très-fée 8c très-propre au
favonnage.
L’axonge eft trop utile pour la préparation de
nos alimens , pour-que l’on fonge à l’employer
à d’autres ufages ; mais fi l’on avoit des grailles
rances 8c vieilles, l’on pourroit alors ne point
négliger ce nouveau moyen d’en tirer parti.
Nous avons obfervé, tant avec le fuif qu'avec
la graifle , que les liqueurs qui fe réunifient dans
la baffine au-deflous du favon , tenoient en difio-
Jution de la gélatine. Cette fubftance eft donc
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