
toit formé une croûte noire fur les parois du vafe,
& quelques flocons mucilagineux qui flottoient
dans le liquide : il m'a paru que le fulfate de çlomb
s'étoit teint en rouge par une combinaifon d acide
fulfurique & de matière colorante. J ai fait évaporer
le liquide } il s’eft formé a fa furface des
pellicules de matière peu foluble, mais par la
concentration elles ont été rediffoutes. Sur la fin
de l'évaporation il s'eft forme des criftaux de ^matière
colorante orangée , qui ont été fepares d une
eau-mère brune au moyen de 1 alcool : ces crif-
taux étoient femblables à ceux qui avoient été obtenus
directement de l'extrait de campêche, traite
par l'alcool ; ils. n’en differoient que par une teinte
un peu plus rougeâtre. L ' e a u -mere, évaporée &
traitée par l'eau, donna de la matière brune 5 il
fuit défcette expérience que'la matière criftallifée
fe combine avec la litharge, & probablement avec
les autres bafes métalliques, fansfubir de changement
remarquable (1), & que par confécjuent nous
lommes en droit de regarder cette matière comme
un principe immédiat de végétaux que 1 on peut
obtenir toujours dans le même état, avec des dif-
folvans de nature différente, ce que l'on peut en-
fuite féparer au moyen d'un acide., des çombi-
naifons qu’il a formées avec des bafes.
49. L'eau-mère, féparée d'une partie de là matière
infqluble au moyen de 1 eau , donnoit avec
la barite un précipité bleu.foluble en totalité dans
l’acide nitrique : cela indiquoit qu elle ne conte-
noit pas d'acide fulfurique fenfible a la barite. Ce
précipité, chauffé au rouge dans une coinue; de
verre, a donné un Tefidu qui a dégagé une Je-
gère odeur d'acide pruflique par l'acide fulfurique,
& une petite quantité d'hydrogène fulfuré par.
l'acide muriatique pur : je fuis tenté, d après cela, ;
de croire qu’un atome d acide fulfurique s etoit
combiné avec la matière colorante (i).
50. Dans ces derniens temps M. Thomfon a
défigné plufieurs principes immédiats des végétaux
par un nom dérivé de celui du végétal dans
lequel on les a trouvés pour la première lois. Sans
prétendre que ce principe de nomenclature foit à
l'abri de tout reptoche, je crois que , dans l’état
aétuel des connoiffances , c’eft le plus naturel que-
l'on puiffe admettre pour défîgner ces fortes de
fubftances, dont la compolïtion trop compliquée
fe refufe à un nom tiré dè la nature de leurs élé-
mens. Outre que ce nom ne donne pas d idee
fauffe , il a cet avantage de dériver d'un nom déjà
connu, & de rappeler à la mémoire le végétal qui
préfenta le premier .à l'analyfe le principe qu’il
défigne. Je propofe donc d'appeler hématine la
(1) Je fais abftra&ion de la quantité qui s’étoit décompos
e , Sc qui^avoit donné nailfancc à une matière floconneufe.
(2) Je me fuis aperçu dans ces derniers temps que l'extrait
de campêche donnoit le même réfultat} d’où il fuit que l'expérience'
que je vais rapporter (5) eft infiiffifante pour prouver
les combinaifons de l’acide fulfurique avec l’extrait.
fubftance qui dorme les propriétés caraftériftiques
au bois de campêche.
D E U X IÈ M E P A R T IE . .
Propriétés de l'hématine.
Ce corps criffallife en petites aiguilles d’un
blanc-rofe, qui a quelque chofe du reflet de J argent
, légèrement coloré par des^ vapeurs fulfu-
reufesiil a très-peu de faveur j il eft formé de
carbone, d’hydrogène , d’azote & d’oxigene.
11 eft très-peu foluble dans l'eau 5 la diffolution
a cette propriété extrêmement remarquable de
devenir rofe par la chaleur, & jaune par le refroi-
diffement. Ges changemens de couleur peuvent fe
produire plufieurs fois de fuite, fans que l’héma-
tine paroiffe s’altérer. J’ai recherché la caufe de
ce phénomène, & celle qui m’a paru la plus probable
, eft le changement de dimenfion que les molécules
du principe colorant éprouvent par l’aétion
du calorique. J’ignore fi cette propriété-appartient
à l’hématine pure ou à la combinaifon de ce corps
-avec un alcali, parce que jufqu’ici je n’ ai pu me
procurer d’eau diftillée parfaitement pure. Voici
les faits que m’a préfentés l’eau de Seine.
Cette eau, diftillée dans un alambic d’étain
neuf, étoit acide à l’hématine, au tournefol & au
firop de violette 5 diftillée une fécondé fois dans
une cornue de verre, au quart de fon volume
primitif, elle a donné un produit alcalin qui ver-
diffoit légèrement le lïrop dé violette, & qui fai-
foit pafféf fur-le-ehamp la couleur de l’hématine
au pourpre: ce produit, faturé par l’acide fulfurique
& évaporé, a laiffé une trace de fulfate d’ammoniaque.
Je crus que l’acide qui faturoit l’ammoniaque
fe trouveroit dans le réfidu de la diftilla-'
tion , mais je fus bien étonné de trouver ce réfidu
beaucoup plus alcalin que le produit, & l’analylb
me prouva qu’il devoit cette propriété, non pas
à de l ’ammoniaque, mais à de l'alcali fixe, provenant
de la décompofition du verre. Ce réfultat,
parfaitement d'accord avec les obfervations de
Sehéele & de Lavoifier, prouve que l'altération
du verre par l'eau bouillante n'eft ni longue ni
difficile, & qu'elle n'eft pas à négliger dans plufieurs
opérations chimiques.
Quant à l'acide qui furfaturoit l'alcali volatil
dans l'eau de Seine diftillée« il y a tout lieu rde
penfer que c'étoit de l'acide carbonique 5 car je
n'ai pu apercevoir dans ce liquide de traces fèn-
fîbles d'acide fulfurique, nitrique, muriatique ou
acétique, & il précipitoit l'acétate de plomb
avec excès de baie. Quelques gouttes d'acide fui-
furique , nitrique, muriatique, phofphoreux &
pholphorique, font paffer la diffoiution d'héma-
tine au jaunes un excès de ces acides développe
une belle couleur rofe.-Les acides végétaux qui
ont quelqu'énergie , tels que l’acide oxalique,
tartareux, & c ., produifent les mêmes phénomènesfeulement
dans un degré moins marqué}
les acides foibleS} tels que le benzoïque, jaunif-
fent l'hématine fans pouvoir y développer de couleur
rofe. Les terres & les alcalis forment ; avec
ce principe colorant, des combinaifons d’un bleu;
un peu violet. Toutes les bafes peu lolubles le
précipitent de fa diffolution} la plupart des oxides
métalliques fe conduisent comme les alcalis : l'oxide
d'étain au maximum agit à la manière d'un acide
minéral.
. Les fels alcalins bien neutres ne changent pas la
couleur de l’hématine} mais j'ai obfervé que des
diffolutions falines qui n’avoienc pas d’aélion fur
le firop de violette, la changement fenfiblement : il
fuit de-là que l’hématine eft beaucoup plus fenfible
que le firop de violette au conta&des matières
alcalines. Les fe'ls métalliques & les fels ter- ,
reux agiffent par-leur bafe fur l’hématine, quoi-
qu’ils'contiennent fouvent un excès d'acide} cela
eft dû à la tendance mutuelle qu’ont les bafes &
la matière colorante à former des combinaifons
infolubles.
• Les expériences faites avec l’infufion de campêche
& lés diffolutions d’alun, de muriate d'étain
au minimum & d'acétate de plomb, ont prouvé
que quand on mêle ces liquidés, il s'établit deux
combinaifons, l'une avec excès d'acide qui refte
en diffolution j l'autre avec excès de bafe qui fe
précipite ; cette dernière peut être privée de l'acide
qu’elle contient par de nombreux lavages à
l’eau bouillante.
Il réfulte de ces expériences que l'hématine,
qui eft un excellent réaétif pour reconnoître la neu-
tràlifation des fels formés d’élémens également
folubles, ne peut plus fervir à la même indication
-quand les élémens des fels ont une folubiiicé très-
différente.
L'hydrogène fulfuré a la fingulière propriété
de décolorer l'hématine : ce phénomène n’eft pas
dû à une défoxigénation ; il eft le réfultat de la
combinaifon de ces deux corps, & l’expérience
Tuivante met cette opinion hors de doute. On fait
paffer dans un tube de verre rempli de mercure1, ;
une petite quantité d'hématine décolorée ; on
chauffe cette liqueur avec un morceau de fer
rouge de feu : l'hydrogène fulfuré fe dégage & la
couleur de l'hématine fe manifefte 5 par le refroi-
diffement, l'hydrogène fulfuré rentre en combi-
lîaifon, & alors la couleur difparoît. L'hydrogène
fulfuré a la rnême aétion fur la couleur du bois de
Bréfil & fur celle de tournefol.
Attion de L'hétnatine fur la gélatine , 0 réflexion fur
le tannin.
E x p £ r i MN e s .
On met dans un petit matras cinq centigrammes
d’hématine & quarante .grammes d’eau. On chauffe
le vaiffeau fur un bain de fable, jufqu’à ce que le
liquide commence à bouillir; d'un autre côté , on
fait diffoudre cinq décigrammes de colle de
poiffon dans vingt grammes d’eau. On prend dix
grammes de îa diffolution d’hématine filtrée } on
y fait tomber , à l’aide d’un tube tiré en pointe,
huit gouttes de diffoiution de colle, il ne fe fait
pas dè précipité d’abord 5 mais au bout de vingt-
quatre heures, il fe dépofe en flocons rougeâtres
qui font fomiés d’hématine & de gélatine.
En faifant réduire dix grammes de la diffolution
d'hématine à la moitié du volume qu'ils occu-
■ poient, on obtient fur-le-champ un précipité abondant
avec la colle.
Il réfulte de ces expériences, i°. que l’hématine
& la gélatine ont de l’affinité l’une pour l'autre-,
mais que cette affinité eft très-foible, puisqu'elle
ne peut vaindre la forcé diflblvan.ee de l'eau, qui
tient ces corps à l’état liquide , qu'au bout de plufieurs
heures > i ° . que fi l'on admet dans les végétaux
une efpèce de principe immédiat qui toit
caraétérifée par la propriété de précipiter la gélatine
, iL.eft évident que l ’hématine .appartiendra, à
cette efpèce.
Mais la. précipitation de la gélatine eft-elie uiï
caraâèrè fuffifant pour établir une efpèce de corps?
Je ne le crois pas, puifqu'il y a un grand nombre
de fubftancès qui jouiffent de la même propriété,
&.qui ne peuvent être réunies, vu l'extrême diffe-
rence.de leur nature : ainfi l’amer de Welther, le
charbon •difîous par racidé nitrique , le jmuriate
d’iridium, précipitent la colle/Examinons mainte,-
nantfî les fubftances végétales naturelles qui ont
cette propriété ,, peuvent être réunies dans,une
même efpèce, & bornons-nous p- ur l’inftant à
comparer l’hématine avec le tannin de la noix de
galle.
Si la faculté qu’ont ces deux corps de précipiter
la gélatine les, rapprochent l’un de l'autre , il
exifte’tant d’autres caractères qui les diftinguent,
qu’il eft impoffible de-les confondre, &,la manière
dont ils fe .comportent avec l'acide fulfurique & la
potaffe met ce fait hors de doute : il fuit de-là
que l'on ne peut ranger ces corps dans la, même
efpèce, & que fi l’on veut conferver le tannin
I parmi les principes immédiats des végétaux , il
faudra en faire, non pas une efpèce divifée en
Amples variétés, mais divifée enefpèces auffi différentes
entr'elles que le font les matières colorantes.
Jiifqu’ici j’ai confidéré l’aélion de l'hematinè
fur la gélatine } je l'ai mife par cette propriété en
parallèle avec la matière aftringente de la noix de
galle , & j'ai admis , avec prefque tous les chi-
miftes, l'exiftence d'un principe immédiat appelé
tannin. Il me réffè à examiner combien Taffinké de
l’hématine pour la gélatine eft accrue par la com^
binaifon de ce corps avec.la matière brune qui lui
eft unie dans l’extrait de campêche. Cet examen
me conduira à faire de nouvelles réflexions fur le
tanninr
M m 1