
las vingt dernières années du dix-hni:ièm3 fiècle, j
Jl-rauc donc donner ici une notice de ce qu’i.,s ont
tait fur cet objet, en y joignant les confédérations
<}ui en découleront fur ce qui refte à faire pour
perfectionner cet art fi utile dans l’économie rurale
& domeftique.
Prozei, apothicaire d’Qrléans, trè$-inftruit, a
donne en octobre i/ 8ô , dans le Journal de Phy-
■ Jhue y un Mémoire fur le rouijfage du chanvre. Après
avoir lait obfetver que cette opération avoir été
conduite jufqu’à lui par une routine aveugle , 8c
qu’aucune notion exaéte n’en avoit encore .été
donnée faute d’en avoir reconnu la théorie, puif
qu on ne l’avoit regardés que comme un moyen
de faciliter la féparation de l'écorce de la partie
ligneufe, il cite la définition deM.Marcandier dans
fon excellent Traité du chanvre. Cet auteur la regarde
comme une dijfolution proportionnée de certaine
quantité de la gomme qui lie toutes les fibres du
chanvre cntr elles, £>’ de celle s: qui les attachent h la
paille. L’abbé Rozier admet aufïi dans le rouijfage
la di Ablution" d’ une gomme produite par l’eau de
la végétation ; mais il attribue la féparation de l’écorce
de la cheneyotte a la fermentation du mucilage,'
qui détruit l’adheiion & la cohérence du
gluten. M. Prozei. affine qu’il a démontré ce qui
n’^voit été qu’entrevu par Rozier; il ajoute que
le gluten, dont la pouffière nuit aux ouvriers dans
le battage, n’cft autre choie que du mucilage, 8c
que la théorie du rouijfage, encore inconnue, l’a :
déterminé à la rechercher par les expériences qu’il
décrit.
Pour déterminer la nature du gluten du chanvre,
M. Prozei a fait bouillir trois onces d’écorce de
chanvre dans 1 eau diftillée, en renouvelant cette
opération jufqu’à'ce que l’eau refiât fans couleur.
Les décoctions, évaporées àficcité, ont donné trois
gros d’un extrait brun, qui a coloré en jaune l’éther
fulfurique. L’éther a été également coloré par
une macération de quelques jours lur le chanvre
bouilli dans l’eau & defféché.
Sur deux onces d’écorce de chanvre mife dans
un marras, il a verfé de l’alcool rectifié , qu’il a
laifle digérer à une douce chaleur pendant vingt-
quatre heures, en recommençant jufqu’à ce que
i’aJeool cefîat de fe colorer. Ces teintures diftiliées
ont laiffé une réfine à odeur forte 8c nauféabonde
de chanvre, du poids de quarante-huit grains, fo-
luble dans l ’alcool, & lui donnant une belle couleur
jaune. Le chanvre epuifé par l’alcool, fournis à des !
decoÇHons dans 1 eau , a donné quatre-vingtsfix ■
grains d’extrait gommeux brun, qui coloroit légèrement
en jaune l’éther fulfurique. M. Prozei conclut
de ces expériences, que la matière qui lie les
fibres du chanvre eft une gomme-réfine j mais il j
autoit dû dire un extraêto-réfineux ou un mélange I
d extrait & de refine. Suivant lu i, l’eau s’introduit !
entre les fibres du chanvre , délaie la gomme, là f
fait entrer en fermentation, la décompofe, la di- j
V.ife j & iaiffe I3 réfute' fur les fibres qu’elle colore 1
de là les bulles de gaz qui s’élèvent aa défias du
chanvre des routoirs, 8c qui enlèvent avec elles
une portion de réfine, qui forme une pellicule à la
furface de l’eau.
Du chanvre coupé en petits morceaux a été mis
dans une bouteille de quatre pintes, remplie .en-
fuite d’eau diftillée, 8c bouchée avec un bouchon
de liège, portant un tube recourbé, reçu fous une
cloche pleine d’eau fur la tablette d’ une cuve hydropneumatique.
Il s’établit, au bout de quelques
jours, une intumefcence avec une écume grife,
épailfe, mais fans dégagement de gaz, retenu en
diffolution dans l’eau : celle-ci, décantée & chauffée,
donna du gjaz acide carbonique. Ces phénomènes
ont prouvé qu’il s’étoit établi une fermentation
dans le mélange. Cette eau, évaporée à
ficcité, a laiffé un extrait brun d’unè odeur .putride,
&r qui a très-peu coloré l’éther. Il y avoit
donc très-peu de réfine dans cet extrait, 6c il pa-
roït que la réfine, inaltérée par la fermentation,
f ft reliée dans le chanvre ; auffi le chanvre roui;
digéré dans l’alcool, a fourni une teinture qui a
blanchi fortement l’eau, & a laiffé par l’évaporation
une véritable, réfîne. C ’eft'à elle que Prozei attribuait
l'irritation & la toux qu’éprouvent les ouvriers
occupés du tiffxge du chanvre. Il penfoit
encore que la deftruétion du tiffu cellulaire ou utri-
cujaire par la fermentation eft un des principaux
effets qui a; lieu dans le rouijfage.
Après ces èxpériences préliminaires , Prozei
rechercha les moyens de fubftituer au rouijfage ordinaire
un procédé plus court, plus économique ,
& non dangereux de rouir le chanvre. D’après fe«
premiers efifais, ceux de Home 8c du Prince de
Saint-Sever, il eut recours à l’alcali fixe rendu
cauftique par la chaux, & il propofa de pratiquer
des foffes artificielles ou routoirs, foit en pierre,
foit en glaife battue, ou de fe fervir de grandes
cuves dé bois pour laiffer macérer le chanvre dans
des eaux alcalines, & de le laver enfuite à grande
eau. Le rouijfageW jvt lui paroît êrre le plus mauvais,
comme n’agiflantque très-lentement 8c très-incom-
plétement fur les principes à diffoudre ou à-détruire.
En y joignant la macération dans l ’eau aigui-
fée d alcali, on le rendroit plus parfait. Il préfère
au rouijfage à l’air & à celui dans l’eau ftagnante le
rouijjage dans 1 eau courante. Laftagnation de l ’eau
donne lieu à des émanations gazeufes, fétides 8c
dangereufes. L’eau courante évite cet inconvénient,
& l’ eau aiguifée d’alcali cauftique l’emporte
fur tous les autres procédés.
Tels font les faits expofés par Prozei, & les
conclufions qu’il en tire pour l’amélioration du
rouijfage. Depuis ce chimifte, il a été fait quelques
nouvelles recherches fur cet art important; elles
ont été confignées par MM. Barthollet dans la féconde
édition de leurs Elémens de teinture, publiés
en; 11804. -Ils ont traité du lin 8c du chanvre dans Je
chapitre V de la première partie de cet ouvragé.
Jeivais préfenter ici par extrait ce que ce chapitre
contient de plus important. lis commencent pai
confidérer le lin & le dunvre comme une des
foutces les plus importantes pour le peuple des
Campagnes /comme piodiiétion vegetale qui convient
particuliérement aux petits cultivateurs.
Le rou -’ffage, par lequel on dilpofe 1 ecorcê de la
plante à être feparée pour fervir eiiiuite a la filature
influe , & fur la qualité du produit. & lut
la famé des hommes. 11 paroît que dans \t r*wÿ«ge.
il s'établit une décomp.ofitioii plus ou moins forte
de l’efpèce de gluten chargé de la partie colorante,
& qui réunit la partie,'corticale avec la partie 11-
gneufe : c’eft à ce mouvement qu eu du le gaz
acide carbonique & le gaz inflammable qui s en
dégage. Ce gluten reffemble à celui qui accompagne
la fécule verte des plantes. L eau feule ne peut
pas l’enlever complètement, & le chanvre roui
dans une eau trop courante manque de foupleffe
& de douceur. Dans l’eau ftagnante 8c croupie,
le chanvre devitnt brun , perd de fa fobdite ,
& il s’en exhale des vapeurs meurtrières. Le rouif-
fage le plus avantageux eft donc celui qu on exécute
fur les bords des rivières, ou 1 eau fe rer
nouvelle alTez pour prévenir la putréfaction trop
forte, 8c pas aflèz pour empêcher la déçompo-
fition néceffaire à la folubilite de la.partie glu-
tineufe. Le chanvre roui fous une couche de terre
humide s'altère trop facilement, fui van t Rozier.
D’après les expériences de Home , l’alcali' cauftique
propofé' par Prozei retarde \e rouijfage 8c
rend le lin caftant. Il n’eft pas dit la même chofe
fur le chanyre. ‘ i ;
La partie colorante verte fubit pendant la def-
ficcation une altération femblàble à celle des plantes
expofées à l’air 8c à la lumière ; elle pafte ait
jaune, au fauve & même au brun par la. légère
combuftion qu’elle éprouve. Une portion, réduite
en poufitèré, fe difperie pendant le ferançage 8c
incommode les ouvriers j une autre portion eft
enlevée parles leflîves 8c le blanchiment. Marcan-
dier confeille de faire macérer la fi afîe 8c de la
laver dans l’eau chaude pour faire difparoître la
pouflière âcre du ferançagé. La fiiafte en devient
plus douce, plus facile à peigner. MM. Berthollet
n’approuvent pas le procédé du Prince de- Saint-
Sever , qui confifte -à leftiver la fidaftè du chanvre
avec la fonde 8c la chaux , puis de l’imprégner
de favon 8c de la bien laver avant de la peigner.
Suivant eux, outre les frais trop confidérables ,
ce procédé & ceux qui lui reflemblent, 8c qui
ont été propofé s depuis fous le voile du myf-
tère , augmentent .en proportion des étoupes , 8c
le fil qu’ils donnent, eft moins folide & peu fu-
périeur en beauté.
On a cherché les moyens de donner, à la filafie
& à l’étoupe une divifion & une finefie qui permettent
dé là filer comme du coton , 8c d’en fabriquer
, en les mêlant avec du coton ou de la
foie, des étoffes pus belles que celles qu’elles
donnent dans leur état brut. Marcandier> le premUr
qui s’eft occupé de cette recherche, a pref-
crit de préparer les. étoupes comme la fiiafte.
ce En 3a cardant, dit-il, comme la laine, il en
réfulte une mat:ère fine, moèlleufe , blanche,
qu’on peut employer pour faire des ouates fupé-
rieüres , 8c qu’on peut nier en très-beau fil. On
petit ia meltr, fuivant lu i, avec du cocon, de
la foie, de la laine 8c du poil. Le fit qui en provient,
fournit par fes variétés nombicufes , matière
| à de nouveaux eftais très-inteictT.ins pour les arts,
& très-utiles à piuiiems fabriques.En Allemagne,
il paroît qu’on s’eft beaucoup occupé dexes procédés.
Hc-rmftadc rapporte, d’après Meïdenger,
que la fiiafte du chanvre acquiert l’éiafticité du
cotorî 1erfqu’après avoir été purifiés par la potafle
8c le fel marin , on- la fixe, fur des cylindres, de
bois 8c on la fait fecher dans un four; il afiure
encore que le chanvre prend de la fiuefte tqrf-
qu’on m et la ftlàfté encore humide dans une caiffe
de bois avec des couches alternatives de cendre,
& en fermant la caille d’un couvercle pour ht
mettre dans un four échauffé au point de ne pas
. brûler le bois j mais il obferve que le chanvre
préparé ainfi perd les apparences du coton par
des lavages réitérés.
M. Bralle, ancien curé du département de la
Somme , eft le dernier auteur qui s’êft occupé
pendant plusieurs années des moyens propres à
perfeéli'Onn'êr les préparations du chanvre; il a
commencé par rouir le chanvre auftitôt qu’il eft
tiré de D têrrè. Au fottrr du rouijfage, il én fépa«
roit l’écorce, qui fe détachoit facilement après
avoir coupé la tige près de la racine, & l’avoir
trempée -dans une légère diffolution de favon noir.
I II la lavoic -avec grand foin avant de la faire flécher.
; La partie colorante * qili n’aoiroit plus été folubie
: que pat les alcalis, peut encore être diffoute 8c
I enlevée par l’eau aiguifée d’un peu de favon. La
i fiiafte eft ainfi beaucoup plus blanche , furtout en
ajoutant à ce procédé l’aélion du foleiL
Mais ces premières apéta^tions de M. Bralle
exige oient des opérât ion s longues & minurieufes.
11 eft parvenu, en multipliant fes recherches, à
trouver un procédé pour rouir en quelques heures
une grande quantité de chanvre, de manière à dépouiller
fans perte les tiges de leur écorce, à coft-
fs.^rver aux fibres leur longueur , & à faire beaucoup
moins d’étoupes.Son procédé, publié par ordre
du Gouvernementaprès avoir été exécuté avec
: fuccès au Confervatoire des arts, fut des chanvres
; defiinés aux cordages & aux toiles à voiles, confifte
à tenir le chanvre plongé pendant deux heures
dans une eau tenant en diffolution un quarante-
huitième de ton poids de favon vert, 8c maintenue
à une température" de foixante-douze à foixante-
quinze degrés du thermomètre de Réaumur.
li faut efpérer que, d’après ce travail interefiant,
on éloignera des campagnes ces routoirs incommodes
& dangereux qui infeâent des villages en-
1 tiers, 8c qui nuafent à kfanté des habkaos ; mais d