
Achard dit que les ƒavons acides qu’il a préparés
avec les huiles d'amande douce , d'olive , le
beurre de cacao , la cire , le fpermaceti, l'huile
d'oeuf, l'huile de térébenthine, de fenouil, &c. ,
font entièrement folubles dans l'eau & l'alcool ;
qu'ils font décompofés par les alcalis, tels que la
potaffe , la foude , la chaux , l'ammoniaque, &
par plulïeurs oxides métalliques ; que ces corps
mettent l'huile en liberté, en s'unifiant à l'acide
fulfurique : il paroît que les acides nitrique , muriatique
& fulfureux les décompofent auffi 5 ce
qui eft très-remarquable.
Plufieurs fels neutres les décompofent j leur
bafe s'unit à l'acide fulfurique » & prefque toujours
leur acide s'unit à l’huile. Achard a ob-
fervé que l’huile qui a été féparée de l'acide fulfurique
par un moyen quelconque, a toujours
lus de coniiftance qu'elle n’en avoit ayant fa cominaifon.
Macquer a préparé le favon d’huile d’olive &
d'acide fulfurique par le procédé fuivant : il a trituré
un favon alcalin d'huile d'olive avec un
excès d'acide fulfurique ; il a obtenu une maffe
brune , qui étoit un mélange de fulfate de foude
& de favon acide ; il l'a traitée par l'alcool : la
plus grande partie du fel a été féparée j il a neu-
tralifé l'excès d'acide par la potaffe , & l ’a précip
ité , par ce moyen , à l'état de fulfate. L alcool
filtré contenoit le favon acide ; il mouifoit par
l'agitation : évaporé à une température de trente-
cinq à quarante degrés de Réaumur , il s’eft recouvert
de gouttes jaunes , tranfparentes, qui fe
font figées, par le refroidiffement, en maffe de la
coniiftance du fuif. Ce favon étoit entièrement fo-
luble dans l'alcool 5 il formoit avec l'eau une
diffolution un peu laiteufe , qui dépofoit du favon
non décompofé par l'évaporation.
Sa vo n s alcalins. Anciennement on don-
noit ce nom aux feuls favons de potaffe & de
foude , & quelquefois d'ammoniaque } aujourd'hui
que la barite, la ftrontiane, la chaux & la
màgnéfie font rangées parmi les alcalis, on l'étend
aux combinaifons de ces bafes avec les corps
gras.
Les favons alcalins peuvent fe divifer en deux
fe&ions , en folubles & en in folubles : les favons
de potaffe & de foude appartiennent à la première}
ceux de barite, de ftrontiane, de chaux &
de màgnéfie à la fécondé. Nous traiterons des
deux premières efpèces aux mots Savons or d ina
ir e s , quant aux quatre dernières, elles fonça
peine connues. On fait qu'on peut les préparer, en
verfant des fels folubles de ces bafes dans une folu-
tion de favon de potaffe ou de foude} ces deux der- :
nières s'unifient à l'acide des fels, tandis que leurs
bafes fe combinent à l’huile. On peut encore i
préparer ceux de barite , de ftrontiane & de i
chaux en yerfant la folution du favon dans 4#
folution aqueufe de ces bafes 5 l’alcali du favon fo-
luble eft alors mis en liberté.
Sa vo n de Bécoeeur. Les fubftances qui entrent
dans la compofition du favon de Béceeuf font
les fuivantes : favon blanc , deux kilogrammes >
arfenic blanc, deux kilogrammes} alcali de tartre
ou fous-carbonate de potaffe, fept cent cinquante
grammes} chaux vive, cent cinquante-fept grammes,
& camphre trois cent feize grammes.
On fait diffoudre l'alcali dans un litre d'eau 5 on
y ajoute 1 e fa v o n , préalablement coupé par morceaux}
on le fait fondre, à une douce chaleur,
dans l'alcali, en le remuant continuellement} on
y délaie enfuite l'arfenic réduit en poudre très-
fine} quand il eft bien incorporé, on y mêle la
chaux v ive, délayee dans de l'eau, fous forme de
bouillie claire; enfin, toutes ces matières étant
bien incorporées, on y introduit le camphre, mis
en poudre au moyen de l'alcool.
Cette compofition eft employée pour préferver
les peaux des animaux empaillés de la voracité des
larves & des infeétes.
On conçoit, en effet, que le camphre, par fon
odeur forte & huileufe, doit écarter ces vermines,
& que l’arfenic, par fa qualité vénéneufe, doit
tuer auffitôt celles qui tenteroient d’attaquer les
peaux.
Sa v o n médicinal. C ’eft celui dont on fait
ufage en médecine} on le prépare à froid avec une
partie de leflive de foude, d'une pefànteur de
M 3 * & deux d’huile d'amande douce. ( F o y e r
Savo ns ordinaires.)
Sa vo n s métalliques. Ges fa v o n s , formés
de corps gras & d'oxides métalliques, n'ont encore
été examinés que par M. Berthollet ; on les prépare
en verfant du favon de potaffe ou de foude
dans une diffolution métallique.
S avo n d’oxide d'ar gent. Il eft blanc, mais
! “ devient, par fon expofition à l’air, d’un brun-
pourpre : lorfqu'on le chauffe, l’oxide eft réduit
i à l’état métallique.
Sa v o n d’ oxide de cob alt. M. Berthollet
dit qu’il eft d’un gris-f de , difficile à deffécher 5
il ne l’a pas préparé , au refte, avec une diffolution
de cobalt pure 5 car il a obfervé qu’après
avoir obtenu un précipité gris, il s’en forma un
fécond de couleur verte, par une nouvelle addition
de favon y il a foupçonné que ce dernier
pouvoit être à bafe d’oxide de nickel.
Sa vo n d ’oxide de cuivre. 11 eft d’un très-
beau v ert, & comme il rélifte affez bien à l ’air,
on pourroit l’employer pour la peinture ; il eft
caffant après qu'il a été defféché ; il eft infoluble
dans 1 alcool : les huiles le diffolyent très-bien.
Sa vo n d’ oxide de fer. Il eft brun-rou-
geâtre & très - fufible} les huiles, & furtout
celle de térébenthine, le diffolvent très-bien.
M. Berthollet a propofé de l'employer comme
vernis.
Sa vo n d’oxide de manganèse. Il eft blanc,
mais par fon expofition à l’ air, il fe colore }
l’oxide paroît alors abforber de l'oxigène. Il peut
être réduit, par fon expofition à l’air fec, en malle
dure & fragile : lorfqu'on le chauffe , il fond &
devient noirâtre.
■ Sa v o n d'oxide de mercure. Quand on le
prépare avec le muriate de mercure au maximum,
on obtient une maffe blanche, vifqueufe, très-
difficile à deffécher, qui devient grife par fon
expofition à la lumière ; il eft très-foluble dans
l’huile & fort peu dans l’alcool} il eft fufible.
Savo n d’ oxide d’o r . Il eft blanc au moment
où il vient de fe précipiter d’une diffolution
de favon, mêlée au muriate d’or ; mais il ne tarde
pas à prendre une couleur pourpre.
Sa v o n d’oxide de z inc . Il eft jaunâtre 5 il
fe deffèche facilement.
Savon de Naples. Ce fa v o n , qui n’eft ordinairement
employé que pour la toilette, eft fait,
dit-on, avec du fain-doux bien pur & de la potaffe}
voilà pourquoi il eft toujours mou & un peu coloré
: on l’aromatife avec des fubftances odoriférantes.
Savo n n o ir. On le prépare avec la potaffe &
les huiles de graines. ( Voye£ Savons ordinair
e s. )
Savo ns ordinaires. On peut comprendre
fous cette dénomination tous les favons à bafe
de potaffe & de foude, qui font employés dans
les arts. Anciennement on l’appliquoit aux fa vons
alcalins ; mais depuis qu’on a rangé la barite
, la ftrontiane , la chaux & la màgnéfie parmi
les alcalis, on eft obligé de la reftreindre feulement
à ceux de potaffe 8e de foude. Nous
penfons ne pouvoir mieux faire, pour donner
une idée exaéte de la préparation de ces favons t
que de tranfcrire ici le Rapport que firent, à ce
fujet, MM. Darcet, Lelièvre & Pelletier, au
Comité de falut public.
"Rapport fur la fabrication des favons , fu r leurs différentes
efpeces , fuivant la nature des huiles & des
alcalis quon emploie pour les fabriquer, & fur les
moyens d'en préparer partout, avec les diverfes
matières huileufes & alcalines que La nature préfente
y fuivant les localités.
Unir les huiles ou les graiffes avec les divers
alcalis, tel eft le but que l’on fe propofe dans la
fabrication des favons. Les réfultats que l'on obtient
de ces combinaifons varient, non-feu!emenc
fuivant la nature des huiles , mais encore fuivant
celle des alcalis : de là les différentes efpèces de
favons y que l ’on diftingue particuliérement en
favons folides 8c en favons mous. C ’eft en général
avec la foude que l’on prépare les favons folides,
ceux dont on fe fert dans les favonnages domef-
tiques , & c’eft avec la potaffe que fe fabriquent
lés favons en pâte ou mous , dont les foulons, les
dégraiffeurs, &c. font une grande confomma-
tion.
Les découvertes modernes ont fait connoître
que l’ammoniaque, la plupart des terres, les oxides
métalliques & les divers acides pouvoient, par
des moyens appropriés, être unis aux huiles 8c
aux graiffes- Ces nouvelles combinaifons font de
même défignées fous le nom générique de favons,
favons d‘ammoniaque, favons terreux, favons métalliques
6* favons acides : leurs propriétés ne font
pas encore bien déterminées} mais il eft probable
que plufieurs.d’entr’eux en ont de particulières,
dont différens arts pourront un jour tirer parti.
Les huiles volatiles ou effentielîes peuvent de
même être unies aux divers alcalis, & ces combinaifons
offrent un nouveau genre de favons, auxquels
on a donné le nom de favonnules.
Nous ne parlerons, dans ce Rapport, que des
favons faits avec les alcalis, ceux dont le befoiu
devient tous les jours plus inftant, ceux enfin que
nous avons effayés, conformément à l’arrêté du
Comité de falut public de la Convention nationale
, du 25 meflîdor an 2 de la République ,
« lequel arrêté charge les citoyens Darcet, Pell
e t i e r & Lelièvre, de faire des expériences
» fur l’union de différentes efpèces d'huiles & de
» graiffes avec la foude, de faire connoître au
» Comité les favons qui réfultent de ces combi-
» naifons, leur nature, leur qualité, &c. »
Conformément a cet arrêté, nous avons examiné
l’union de la foude ( extraite de la foude du
commerce ) avec les diverfes huiles 8c graiffes ,
celles particuliérement que nous avons pu nous
procurer } car, malgré les foins & les démarches
fans nombre que nous avons faites, il en eft
plufieurs que nous n’avons pu obtenir} & afin
de rendre ce travail plus utile , nous avons traité
comparativement avec les mêmes huiles, la foude
que nous avions obtenue de la décompoluion du
muriate de foude.
L’enfemble de ce travail nous a offert des obfer-
vations effentielîes fur l'art du favonnier : nous
les indiquerons à mefure que nous décrirons la
férié des expériences que nous avons faites, pour
parvenir aux réfultats que nous defirions obtenir.
Pour rendre enfin ce Rapport utile aux ar-
tiftes & aux particuliers qui voudront faire chez
eux le favon néceffaire à leurs befoins, nous le
terminerons par une courte inftruêlion fm les
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