comme furoxigénée, quelques matières fai in es ou
extradlives? Ces diverfes queftions dévoient jeter
de intérêt fur rexamen chimique de la rofée, fur
laquelle les chimiftes modernes m’ avoient paru
prendre un parti qu'ils auroienc dû appuyer par des
expériences, tandis qu'ils n'en avoient fait aucune.
J'ai cru que cet objet pouvoit préfenter quelques
réfultats utiles à la fcience, & j'ai propofé à mon
ami M. Vauquelin de faire une analyfe de la rofée.
En conféquence nous nous fornmes occupés, au
printems des années 1800 & 1801, des moyens de
recueillir la rofée de mai. Un gazon de plus d'un
arpent, placé alors vis-à-vis l'amphithéâtre du
Jardin des Plantes, nous préfenta un efpàce fuffi-
fant pour recueillir de la rofée pure, foit à l’aide de
vafes larges que nous y plaçâmes pendant les nuits
& que nous, retirâmes au-foleil levant, foit en
labourant l ’herbe mouillée avec des cafléroles
neuves. Quoique ces moyens ne nous aient pas
donné des quantités allez grandes de rofée pour en
faire une analyfe, ce que nous en avons obtenu
nous a fuffi pour en reconnoître & en déterminer,
d'une manière affez.exaéte, la nature ou la
compofition. L'emploi des réaétifs nous a donné
les réfultats fuivans :
L’eau de rofée n'avoit pas de faveur fenlîble }
elle étoit d'une légère teinte rougeâtre. Quelques
auteurs l’ont vue trouble & verte. Elle ne rougif-
foit pas la teinture de tournefol, & ne changeoit
pas le lirop de violettes. La dilfoiution d’acétate de
plomb y a formé un précipité fîoeoneux que l'acide
nitrique n’a pas dilfous entièrement. Le nitrate
d'argent y a fait naître un léger nuage qui ne
s’eft pas ralfemblé. L’oxalate d’ammoniaque y a
produit un dépôt abondant, ayant toutes les propriétés
de l’oxalate de chaux. Le muriate de baryte
n'a préfenté aucun effet. L'acide fulfùrique concentré
en a fait exhaler une vapeur acide, qui a
pris la forme d'une fumée blanche par le contaél
de l'ammoniaque. L'eau ordinaire n'a rien offert de
femblable.
Neuf hedogrammes de rofée bien claire, foumife
à une évaporation lente, ont fourni un peu plus
d’un millième de leur poids d’un réfidu coloré
en rouge-brun, légèrement débquefcent, d'une
faveur falée, a£Tez vive, faifant une effervefcence
écumeufe avec les acides, qui en dégageoient une
vapeur acide piquante, rendue vifible par l'ammoniaque
j elle étoit reconnoiflable par fon odeur de
vinaigre. Mis fur un charbon ardent, le réfidu s’ eft
bourfouflé , & a noirci en répandant une odeur
animale : fon charbon a fait effervefcence avec les
acides, & a donné une odeur hydrofulfurée j fa
cendre n’étoit qu'une partie foluble dans l'eau, &
laiffoit jm peu de carbonate de chaux j la leffive
en étoit brune, falée, donnant, par l'acide fulfu-
rique avec une odeur acétique, un précipité de
fulfate de chaux, & un précipité très-fenfible par
le muriate de baryte.
Nous avons conclure ces expériences, que l'eau
de rofée contenoit, i°. de l'acétate de potaffe,
2°. de l’acétate de chaux5 30. du carbonate de
chaux j 40. une forte d’extrait j 5?. un peu de
fulfate de chaux & de malate de chaux} ce qui'
nous a fait penfer que la rofée qu’on recueille le
matin fur les plantes, n’eft pas entièrement due à'
l’eau dépofée par l’air refroidi pendant la nuit, mais
qu’une partie au moins provient de la tranfpira-
tion des feuilles, que l’air ne peut pas diffoudre
dans l’abfence du foieil, & par conséquent de la
chaleur & de la lumière.
J’ajouterai à ces effais fur l’analyfe de la rofée ,
des notes recueillies à l’époque 011 ces expériences
ont été faites, & quoique je ne puiffe pas affurer
à quel auteur chacun des faits qu’elle renferme,
appartient, je puis au moins annoncer qu’ ils font
dus en général aux chimiftes modernes, qui fe font
occupés, pendant vingt-fix ans avant 1800, de l’influence
des fluides élaftiques fur les phénomènes
de la végétation, tels que MM. Prieftley, In-
genhouze, Fontana, Morigo, Berthollet & Sen-
nebier.
Un matras rempli de rofée, & portant au goulot
une veflie vide & mouillée, a donné, par une
chaleur douce, un gaz qui étoit en grande partie
de l’acide carbonique. La même liqueur a rougi
pour un tems la teinture de tournefol & précipité
l ’eau de chaux.
La rofée diftillée adonné un gaz compofé d’acide
carbonique, de gaz oxigène & de gaz azote.
L’eau de chaux, mélée au fécond produit gazeux,
a formé un dépôt, & le réfidu étoit aufli bon que
l’air atmofphérique pour l’entretien de la flamme
& de la vie des animaux.
Des flacons remplis dz rofée, renverfés & expoféS
aux rayons du foieil, ont donné plus de gaz oxi-
géne que l’eau commune traitée ae la même manière.
Néanmoins cet air a troublé l’eau de chaux ,
& le reliant a fait brûler plus vivement la lumière
d’une bougie qu’auparavant. Un animal y a vécu
le double du tems de ce qu’il auroit vécu dans l’air
commun.
Les eaux qui contiennent de l’acidexarbonique,
expofées au foieil, donnent plus d’air vital que les
eaux ordinaires : telle eft la rofée.
La rofée, de quelque manière qu’elle foit recueillie
, eft toujours trouble & d’une couleur
jaune-verdâtre.
La rofée filtrée, puis expofée au foieil dans des
flacons terminés par des tubes, donne dans les premiers
jours du gaz acide carbonique, quelque peu
de gaz inflammable, puis de l’air déphlogiftiqué ou
gaz oxigène.
Pendant les premières heures d’expofition de la
rofée au foieil-, il s’en dégage du gaz acide carbonique
mêlé d’un peu de gaz inflammable j fept à
huit heures après il s’exhale du gaz oxigène. Au Itroifième jour ce n’eft plus que du gaz inflammable.
Après cinq à fïx jourron a de l’air fixe en petite
quantité, non fenfible à l’eau de chaux : le gaz
oxigène augmente enfuite de jour en jour, a me- \
fure que l’acide carbonique fe change en air pur. j
Il fe forme beaucoup de matière verte dans les
rofées expofées au foieil, même après qu elles ont
été filtrées.
L’air fourni par la refée au foieil eft plus pur que
celui que donnent le nitre & le précipité rouge. Les |
animaux y ont vécu cinq fois plus que dans l’air 1
commun : une bougie y a brûlé avec une grande !
vivacité après la mort des animaux.
Tels font les faits obfervés depuis trente ans j
fur les fluides élaftiques contenus dans la rofée. j
Sans pouvoir être tous garantis, puifque je n’en \
connois les fources que d’une manière vague &
incertaine , comme je l’ai dit plus haut, on peut
cependant en conclure que la rofée contient de '
l’acide carbonique & du gaz oxigène plus abondant
& plus pur que celui qui exifte dans l’eau commune
j qu’elle contient de plus quelque matière
putrefcible, qui paroït être la fource du gaz hydrogène.
Depuis tous ces travaux, M. Sennebier a publié
en 1801 fa Phyfiologie végétale en cinq vol. in- 8°.,
dans laquelle il a confacré un chapitre à l ’examen
de la rofée ( tom. III, pag. 90). Je dois donner ici
un extrait affez détaillé de cette efpèce de traité
pour réunir dans cet article tout ce qu’ on connoît
fur la nature & les propriétés de la rofée.
M. Sennebier, après avoir dit que la rofée eft
impure & variable, compare celle de nos climats
avec celle de la zone torride, rapporte l’opinion
de Haies; qui eftime la rofée à une mafle d'eau qui
couvriroit la terre à une hauteur de huit centimè^-
tres. Pour déterminer la véritable origine des gouttelettes
d’eau qu’on trouve le matin fur les feuilles
, & que plufieurs phyficiens, tels que Mufchem-
broeck, Gerften , Guutard , Desfontaines , &c.
attribuent à une excrétion de la plante, tandis que
d’autres la regardent comme un dépôt de l'eau
précipitée de l ’atmofphère, M. Sennebier a ifolé
plus ou moins des choux en pleine végétation du
contaél de l ’air, & en a laiffé d’autres expofés à ce
contaêlj il a vu conftamment celles-ci couvertes
de gouttes, & les premières fans.gouttes à leur
furface. La quantité des gouttes étoit proportionnelle
à la grandeur du contaêt des feuilles avec
l'air. Il en conclut qu’elles font dues à l’eau dépofée
de l’air fur les feuilles j mais il a prouvé auparavant
qu’il y a des gouttes formées par une excrétion
des plantes qui ont des organes glanduleux
deftinés à cette fonction. Ainfi rien ne s’oppofe à
ce qu’on penfe avec nous, que la rofée recueillie
le matin en gouttes fur les feuilles eft tout à la
fois le produit de l’eau atmofphérique & d’une
excrétion végétale , ou bien que l’une peut toujours
être mêlée dé l’autre.
M. Sennebier paffe enfuite à fon analyfe de la
rofée: il l’a recueillie avec des linges traînés fur des
prairies, & exprimés dans des vafes de verre. Sa
couleur olivâtre lui a perfuadé qu’elle étoit un
mélange de la partie colorante & des excrétions
des feuilles. En comparant la rofée de l’été à celle
du printems, il a trouvé la première plus chargée
de matières étrangères. Les éponges qu'il a effuyées
pour l’obtenir n’ont pu être entièrement privées
de muriate de foude.
L’eau dé chaux, mêlée avec la rofée dans des
flacons, lui a donné un précipité floconeux & mu*
cilagineux qui a fait naître une effervefcence & un
dégageaient d’acide carbonique par l’acide fulfu-
rique. Il cite ici Morigo & M. Berthollet, qui ont
trouvé cet acide dans-la rofée ,& le dernier furtout,
qui a vu cette liqueur rougir pour un moment le
papier bleu.
Cent vingt-quatre onces de rofée évaporée après
fa filtration lui ont donné près de quarante-trois
grains de réfidu, d’où l’alcool a enlevé trente-
deux grains, qui étoient un mélange de réfine & de
muriate de chaux. La portion non diffoute par l’alcool
a été traitée par le vinaigre 5 elle a perdu à peu
près le tiers de fon poids, & le réfidu étoit du
fulfate de chaux.
Le muriate de baryte a précipité de la rofée du
fulfate de la même bafe : le nitraté d’argent y a
formé un dépôt filandreux, que le contaéfc de la
lumière a noirci. L’acide oxalique a donné un précipité
abondant d’oxalate de chaux.
La rofée s’eft gâtée en trois jours de printems.
De la rofée recueillie pendant l’été avec beaucoup
de foin fur des feuilles de chou préfenta à M. Sennebier
une eau verdâtre, dont dix-fept onces &
demie évaporées lui ont fourni deux grains un quart
de réfidu. L’alcool en a dilfous la moitié, & le
vinaigre en a dilfous le relie. U attribue la quantité
beaucoup moindre de matière contenue dans
cette rofée, à ce que celle-ci, bien plus abondante,
étoit chargée de beaucoup d’eau j il rappelle à
cette occafion deux faits obfervés par Pallas. Le
premier fur la rofée très-falée deGourief & d’ Otta-
nor j le fécond fur la Couleur laiteufe des gouttes
dépofées à la furface des rofeaux.
Suivant M. Sennebier, la rofée humeéle les plantes,
les rafraîchit par l’évaportion, leur donne une
partie de l’acide carbonique dont elles ontbefoin,
leur rend l’eau qu’elles ont perdue dans le jour :
entre les tropiques elle remplace la pluie, & fert
à féconder les terres arides.
Cependant le dépôt laiffé fur les feuilles & les
fleurs par la rofée peut n.uire aux plantes, & plus
ou moins, fuivant la nature & la quantité des matières
étrangères qu’elle contient : elle leur peut
nuire par le froid que produit fon évaporation j
éiie eft la caufe des ulcères qui attaquent les fleurs
& les fruits, & de la pourriture qui s’attache à ces
derniers avant leur maturité.
Il ne faut pas oublier, parmi les ufages de la rofée
y celui d’évacuer hors des plantes quelque matière
faline ou extractive furabondante, puifqu’on fait
qu’elle eft compofée d’une excrétion des végétaux