
quantité. Ces diflolutions avoient une couleur
brune.
20. Il réfultoit de cet effai que l'extrait aqueux
de campêche paroiffoit contenir deux fubftances
colorantes , l'une foluble qui teignoit l'eau & l ’altool
en orangé-rougeâtre , l ’autre brune qui n étoit que
très-peu foluble; mais lorfqu’on travaille fur les
compofés organifés dont la nature peut changer
facilement par les agens qui fervent à les analyfer,
il faut, pour apprécier les changemens qui peuvent
arriver, effayer la même analyfe par diffé-
rens corps 5 fi alors les réfultats coïncident en-
tr’eux, on peut être à peu près certain que les
réaétifs n'ont pu apporter de changemens notables
dans la nature des compofés que l'on examine
, & que par conféquent les corps que l’on a
féparés font tels qu’ils exiftoient dans la fubftance
analyfée : ces réflexions me conduifirent à analyfer
l ’extrait de campêche par l’éther fulfurique
éc par l’eau.
Par l éther fulfurique. 11. Cinq grammes d’extrait
de campêche, traités par quatre-vingts grammes
d’éther, donnèrent, après deux jours de macération
, une liqueur d’une couleur orangée plus
claire que celle de l’ alcool employé dans l ’opération
(25 a ). Cette liqueur- compofée donna
de beaux criftaux, & l’eau-mère qui les avoit
fournis étoit beaucoup moins foncée que celle
dont j’ai parlé (25). L’éther fe comporta d’ une
manière analogue à l’alcool; feulement il paroif-
foit avoir moins d’a&ion que lui fur la matière
brune.
Par l'eau. 22. Une expérience que je fis me
convainquit que l’eau fe comportoit à la manière
de l’alcool & de l’éther; car ayant appliqué ce li quide
à un extrait qui n’avoit pas donné de criftaux
dans une première évaporation, j’en féparai
de la matière brune,, & j'obtins une dilfolution
qui donna beaucoup de criftaux par la concentration.
B. Analyfe de /’extrait de campêche.
25. Après les effais précédens, je ne pouvois
plus douter que l’extrait de campêche étoit principalement
formé d’une fubftance criftallifable,
foluble dans l’eau, & d’une fubftance qui n’étoit
diffoute par ce liquide qu’ à la faveur de la première
, puifqu’elle perdoit de fa folubilité en rai-
fon delà fubftance criftallifable qu’on lui enlevoit,
Ce fait une fois conftaté, je crus devoir traiter
le bois de campêche à une douce chaleur, afin de
dfffoudre le moins poffiblede matière peu foluble;
en conféquence je fis digérer ce bois avec de l’eau
> à une température de cinquante à cinquante-cinq
degrés; après huit heures, je filtrai la liqueur:
celle-ci étoit d’un rouge-orangé ; quand on la re-
gardoit au foleil, on aperçevoit de petits criftaux
qui flottoient dans fon fein.
24. La liqueur précédente fe couvrit par l’évaporation
de petites plaques qui n’étoient pas brillantes
, mais qui cependant paroifloient criftaï-
lifées ; quand elle fut réduite à confiftance de firop,
elle donna beaucoup de criftaux; je la fis concentrer
davantage, & je mis le réfidu delféché dans
l’alcool à trente-fix degrés; après quarante-huit
heures je filtrai; il refta fur le papier une matière
d'un rouge-marron, fur laquelle je paffai de l’alcool
afin de lui enlever le liquide qui avoit macéré
avec elle. La liqueur filtrée fut évaporée; quand
elle commença à s epaillir, je verfai defîus une
petite quantité d’eau ; fur-le-champ il fe forma
une multitude de petits criftaux3 qui recouvrirent
la liqueur d’une pellicule dorée. L’ eau peut contribuer
de trois manières à favorifer la criftal-
lifation du principe foluble; d’abord en fe combinant
avec lu i, enfuite en diminuant l’aêtion dif-
folvante de l’alcool, & enfin en permettant à
celui-ci de fe dégager par l’évaporation. Je fis
évaporer doucement la liqueur, & je l’abandonnai
à elle-même. Après vingt-quatre heures je décantai
l’eau-mère ; je mis de l’alcool fur les criftaux y
je verfai ceux-ci fur un filtre, & je les lavai à l’air
cool jufqu’à ce que le lavage parût d’une couleur
orangée franche : l’eau-mère évaporée donna des
criftaux & une liqueur qui refufa de criftallifer.
25. Je vais examiner fucceflivement la matière
d’un rouge-marron 3 & F eau-mère ou les criftaux
s ‘êioient formés ; quant à ceux-ci, je n’en parlerai
qu’en paffant, parce qu’ils doivent être le fujet de
L fécondé partie de ce Mémoire.
Examen de la matière d’un rouge-marron.
16. Douze décigrammes de cette matière furent
mis en digeftion avec un demi-litre d’eau. Après
plufieurs heures, je verfai le tout fur un filtre.
J’obtins un liquide brun-rougeâtre. Je fispaffer
fur la fubftance qui ne s’étoit pas diffoute , un
; demi-litre d’eau bouillante divifé en cinq portions;
enfuite je détachai la fubftance du filtre & je la fis
bouillir fucceflivement avec un litre & demi d’eau
divifé en quinze portions. Les dernières eaux
étoient incolores après dix minutes d’ébullition.
Le premier demi-litre fera examiné fous lé nom de
premier lavage; le fécond fous le nom de deuxième
lavage 3 & enfin le litre & demi fous celui de
troifième lavage.
27. La matière infoluble dans l’eau péfoit fept
centigrammes environ ; elle étoit d’un noir-brun
brillant. Quand on la délayoit avec un peu d'eau
fur une lame de verre , elle paroiffoit d’un jaune-
rougeâtre par réfraction. Dès qu’on verfoit deffus
une goutte d’acide fulfurique, elle devenoit rouge;
elle étoit diffoute à froid par l’acide nitrique à
trente-deux degrés , & la diffolution étoit roulfe.
L’eau froide n’avoit aucune aétion fur elle ; l’alcool
froid en diffolvoit une petite quantité & fe
coloroit en jaune-brun.
J’aurois bien defiré de la foumettre à un plus
grand nombre d’expériences ; mais la petite quantité
que j’avois à ma difpoficion, m’a forcé de
borner mes effais à ceux que je viens de rapporter :
ils fuffifent, au refte, pour prouver la grande affinité
de cette- matière pour le principe colorant
criftallifable, puifque, malgré les nombreux lavages
auxquels on l’avoit foumife , elle en rete-
noit toujours une portion qui y étoit démontrée
par la couleur rofe que l’acide fulfurique lui fai-
foit prendre. Je fuis très-porté à croire qu’elle ;
contenoit auffi de la matière animale, mais en
petite quantité.
28. Je reviens aux lavages de la matière d’un
rouge-marron.
Premier lavage : faveur un peu aftringente &
amère, précipitant très-bien la gélatine (1 ); ne fe
troublant pas fenfiblement par le refroidiffement,
mais fe troublant beaucoup après avoir été concentré
, & fe recouvrant de pellicules qui réflé-
chiffoientla lumière du foleil avec affez de force.
Je le fis évaporer à ficcité ; je mis le réfidu en
macération dans l ’éther : celui-ci prit une couleur
orangée un peu brune ; je le fis évaporer. Sur la
fin de l'évaporation , j’ajoutai un peu d’eau. 11 fe
forma une pellicule comme huileufe, & par le re-
froidiffement il fe fépara une matière rouge-orangée;
ce qui reftoit en diffolution ne différoit de celle-
ci que par plus de principe foluble, & fe rappro-
choit beaucoup de Yeau-mère dont je parlerai dans
la fuite.
29. Le réfidu infoluble dans l'éther, fucceffive-
ment traité par plufieurs demi-litres d’eau , donna
des lavages bruns qui contenoient du principe foluble
& de la matière brune infoluble , femblable à
celle que j’ai décrite précédemment (27). Les derniers
lavages contenoient, proportionnellement au
principe foluble , plus de matière brune que les
premiers.
30. Deuxième lavage. Première portion : brune-
rougeâtre, troublant la colle & la précipitant au
bout de quelque temps.
Deuxième portion : moins colorée que la précédente,
un peu plus rougeâtre, troublant à peine
la gélatine.
Troifième portion : moins colorée que la précédente,
n’agiffant pas fur la gélatine.
Quatrième & cinquième portion : beaucoup moins
colorée que la troifième, peu d'aétion fur la gélatine.
Au bout de vingt - quatre heures, la couleur
rougeâtre de ces lavages paffa au brun, 8c il fe
dépofa un fédiment brun qui ne différoit de la
matière brune infoluble'que parce qu’elle contenoit
(1) L a diffolution de gélatine, que j’ai conftamment employée,
avoit été faite avec un gramme de colle de poilfon bc
quarante grammes d’eau. Dans les anaiyfes.végétales il faut
bien fe donner de garde d’employer la diffolution de colle-
forte du commerce , parce que celle-ci contient prefque toujours
desfels alcalins, qui peuvent empêcher la combinaifon
ae gélatine 6c de matière aitringente de fe précipiter.
plus de principe foluble; ce qui reftoit en diffolution
ne différoit du fédiment que par une plus
grande quantité de ce dernier. Ce fécond lavage
avoit la plus grande analogie avec ceux du
réfidu infoluble dans l’éther (29).
31 .L e troifième lavage préfenta les mêmes phénomènes
que le précédent : feulement la matière
brune s’y trouvoit en plus grande quantité que le
principe foluble.
Examen de Veau- mere.
32. L’eau-mère de laquelle on avoit obtenu
je principe foluble criftallifé (24), & de laquelle
on ne pou voit féparer de criftaux (1) par J’évaporation
& par l’ alcool, étoit d’un rouge-brun : elle
avoit une faveur fucrée , aftringente & amère :
elle fe prenoit en maffe quand on y verfoit de^ la
gélatine. Regardant les criftaux comme le principe
eolqrant, & l’eau-mère contenant évidemment
beaucoup de ce dernier, je devois naturellement
penfer que l’eau-mère ne donnoit pas de criftaux,
parce que le principe colorant étoit engagé dans
une combinaifon qui s’oppofoit à ce que ces molécules
obéiffent à leur force de criftallifation, 8c
je devois en même temps m’appliquer à trouver
un procédé propre à détruire cette combinaifon.
Ce fut en vain que, pour y parvenir, je fis évaporer
l’eau-mère à ficcité, & que je traitai le
réfidu par l’alcool à quarante deg. ; j’obtins une
difiolution complète ; j’ en conclus que l’alcool
exerçoit une aêtion trop forte fur les élémens de
la combinaifon, pour qu’ il fût poflible de les féparer
par fon intermède, & qu’il falloit employer
des diffolvans qui euffent une aétion très-différente
fur chacun des élémens en particulier. L’expérience
m’ayant appris que l’eau froide ne diffolvoit
pas la matière brune (27), j’employai ce
liquide & enfuite l’éther.
Par l’eau. 33. Trois grammes d’eau-mère, évaporée
à ficcité & réduite en poudre, furent mis
pendant trente heures en macération avec cent
foixante-cinq grammes d’eau. Le liquide, décanté
8c filtré, étoit d’un rouge-orangé brun, d’une
faveur fucrée, aftringente 8c amère; il fut évaporé.
Quand il fut concentré au tiers de fon volume
primitif, il fe forma à fa furface une pellicule
dorée. On fit concentrer davantage 8c on
abandonna la matière à elle-même pendant vingt-
quatre heures : on lui appliqua enfuite l’ alcool ,
& on fépara un grand nombre de criftaux oui s'é-
toient formés dans une eau-mère analogue a celle
qui avoit été foumife à l’examen. II fuit de-là que
l'eau avoit féparé de l’eau-mère une matière peu
foluble qui empêchoit le principe colorant de criftallifer,
& qu’une portion de cette matière ayant
(1) On abtcnoit'bien des criftaux par L'évaporation-; mai*
ils, étoient en fi petite quantité, que L’alcool les d iffolvoit e a
quelque proportion qu'on l'employât..