
manière à pouvoir remuer Sr retourner facile- ment les écheveaux dans la teinture. Le bain fesa
compofé de garance mêlée avec un ftxième de
craie, & délayée dans trente ou quarante parties
d eau chauffée feulement jufqu’ à ce que la main
pu fie y refter plongée pendant une heure fans fe
brûler. On entretient le bain à cette température
pendant deux heures. Trois heures de teinture
fuffifent pour épuifer k garance. On lave les éche-
veaux au fortir du bain en grande eau ; on les
avive en les faifant bouillir huit ou dix heures de
fuite dans de l'eau contenant du fon enfermé dans
un fac, & en y ajoutant du favofi & un carbonate
alcalin , fuivant qu'on veut obtenir une nuance
rofée ou cramoifie.
M. Hatiffmann a donné un fupplément à fon premier
Mémoire , un an après la publication de celui-
ci ; il y a inféré plufîeurs obfervations précieufes
fur les procédés qu'il avoir d’abord indiqués pour
la préparation du rouge du Levant ou d' Andrino-
ple;.' Dans l'intention de faire réuffîr en grand cette
opération qu'il n'avoit faite jufque-Ià qu’en petite
quantité , M. Hauffmann a conçu l'idée d'imprégner
le coton d’un excès d'huile de lin cuite ;
mais après avoir fait fubir cette préparation à une
allez grande quantité d'écheveaux de coton déjà
teint j mais non affez folide, il arriva que ces fils
mis à fécher , éprouvèrent une inflammation fpon-
tanée* Pour prévenir ce grave accident qu'il avoir
d'abord reproduit à volonté , il confeille l'attention
utile de laiffer les écheveaux étendus & ifoles
fur les perches jufqu'au moment du lavage qui
doit précéder la teinture & l ’avivage ; par - là
l'on profite de la fimplicité & de l’utilité du procédé
fans en avoir rien à craindre. On peut auffi ,
fuivant l’auteur, fubftittter à l’huile de lin cuite,
en portant fur les écheveaux de coton bien lelfivés,
lavés& féchés, deux légères couches d'huile d'olive
divifêe par un carbonate alcalin : on ajoute
pour cela un trente-deuxième de cette huile à la
leflive alcaline , &: on y paflè avec foin, & le plus
également poflîble, les écheveaux deux fois de
fuite avant de les teindre. Il conseille trois imprégnations
fucceffives lorfqu on veut obtenir des
nuances claires & de là plus grande égalité , en
affoiblififant convenablement la diflelution alcaline
d’alumine; il propofe d'imprégner trois fois
de fuite les cotons dans cette érffolutîon concentrée
ou affoib i e f a n s laver préalablement les
écheveaux pour diminuer les manipulations trop
longues & trop coûteufes.
ROUGE VÉGÉTAL. Le- rougis végétal qui eft
employé par les femmes pour couvrir leurs joues
& réparer h perte de leurs couleurs , eft une préparation
cofmétique dont la bafe eft une pierre
©n&ueufe ou ftéatite , connue fous le nom de
craie de Briançon , 6c dont la partie colorante appartient
aux fleurs du carthame ou faffan bâtard.
On le défigne fous le nom de rouge végétal , parce
f
qu'avant d’en faire ufage pour cet objet, les femmes
s'éioient fervies de minium & de eitinabre, matières
minérales dont les mauvais effets fur la peau
ont été promptement reconnus.
Comme le carthame a fouvent été & eft encore
affez fréquemment employé dans la teinture,
je confidérerai cette plante fous le rapport de fon
analyfe & de fes propriétés tinctoriales , avant de
parler de fon emploi dans la fabrication du rouge
végétal. Je profiterai de cette occafion pour fai ré
connoître ce que les chimvftes ont fait fur ce.végétal
intéreffanr. Le carthame , faux fafran, fafran
bâtard, fafranum de quelques boutiques, eft connu de
Linné & des botanilies modernes fous le nom de
cartkamus tinftorius. C'eft une plante annuelle, cul-r
tivée affez en grand en Efpagne, en Egypte &
dans le Levant : on n'emploie que fa fleur comme
matière colorante. On en indique deux variétés ,
l’une à grandes , l'autre à petites feuilles ; la dernière
-eft celle d'Égypte, qui eft préférée dans les
arts. Cultivée autrefois dans la Thuringe 6c dans
l’ Alface , celle-ci a été abandonnée pour-celle dii
Levant. Haffelquieft, dans fon Voyage d’Égypte j
rapporte qu'après avoir cueilli les fleurs de carthame
on les comprime entre deux pierres , on
les lave dans l'eau un peu faiée , on les étend
fur les toits plats on les recouvre pendant ie
jour, & on les expofe pendant la nuit à la rofée ;
on les retourne de teras en rems , & lorsqu'elles
font convenablement fèches on les met dans le
commerce fous le nom de faffranon. On dlftingue
ce carthame de celui d'Europe, parce qu'il eft plus
pur, un peu humide, en maffes comprimées, d’une
couleur plus riche. Il paroît qu'une féchereffe
trop grande la jaunit. On verra que l'humidité ,
les lavages & la rofée ont furtout l'avantage d'enlever
à la fleur de carthame une partie de la matière
jaune, dont la furabondance, qui nuit à la
teinture & qui altère la matière rouge, eft le caractère
du carthame européen, & le diflingue fpécia-
lement de celui du Levant, dans lequel la dernière
couleur eft plus riche & plus abondante.
On voit déjà que la fleur de carthame contient
deux parties colorantes très-diftin&es l’une de
! l'autre; la jaune, qui eft feule (niable dans l'eau ;
& la rouge, qui ne l’eft pas. La diffolution • de la
première eft toujours trouble j les acides l'éclaircit
fem; les alcalis la foncent & la rendent orangée t
il s'y forme, pat les deux réaéfeifs, un léger précipité
fauve. L'alun en donne un d'un jaune-foncé ;
les fels métalliques y donnent des précipités peu
remarquables.
La fleur de carthame, épuifée par l'eau, ne donne
qu'une très-légère couleur à l'alcool. Les alcalis
cauftiques la jauniffent, 8c en tirent un jaune-foncé j
d'ou l'on précipite une forte de fécule d'un jaune-
rougeâtre par les acides, une jaune par l’alu-n,les
fels de zinc & d'étain, & une verte avec ceux de
fer & de cuivre. Les carbonates alcalins enlèvent
la-même matière au carthame ; mais les acides, ainfi
eus b’alun , réparent de cette diffolution un précipité
abondant & rouge. La chaleur employée pour
diffoudre la couleur du carthame attire femiblernenf
la couleur rouge. M. Beckmann a remarque que le
carthame de Thuringe contient beaucoup plus de
matière jaune que celui du Levant, & que, p^our
en obtenir la fécule rouge qui y eft de la meme
beauté, il falloit en employer le double.
Comme on n'emploie pas la matière colorante
Jaune du carthame, on extrait cette matière en
foulant dans l'eau cette madère mife dans un fac,
6c en la lavant jufqu'à ce que l'eau forte fans couleur.
Le carthame, qui étoit jaune, devient rougeâtre,
& a perdu la moitié de fon poids. On ne
l'emploie en teinture qu'après ce lavage. Cependant
MM. Pærner 6c Beckmann affurent qu'on peut
teindre les laines & les draps en jaune affez beau
avec cette matière jaune fixée par le tartre & l'alun.
Le dernier croit même que cette partie teignante
eft plus abondanre dans le carthame que j
dans le bois jaune.
Quant à la partie rouge, on l'applique fur les étoffes
en l'enlevant par les alcalis & en la précipitant
par les acides. On fe fert ou du fuc de citron, ou
de l’acide fulftiriqüe, ou duffuc de forbier purifié
par la fermentation. La laine teinte en rouge par
ce procédé paffe facilement à l ’orangé, fuivant
M. Beckmann.
On teint la foie en ponceau, en incarnat, en
cerife, en rofe & en couleur de chair avec le carthame.
On prépare le bain ds la manière fui vante :
fur du carthame lavé, divifé 6c placé dans une
barque de bois de fapin, on jette de la cendre
gravelée ou de la foude à la dofe d'un cinquième;
on mêle bien les matières ; on place ce mélange
dans une petite barque pofée fur une grille de
bois , & garnie à fon intérieur d’une toile ferrée ;
on met cette petite barque à moitié pleine dans la
grande; on jette deffus de l'eau froide jufqu'à ce que
la grande barque foit pleine ; on épuife ainfi la fleur
de carthame en la tranfportant dans une autre barque
& en la leüfivant jufqu'à ce que l'eau n'ait plus
de couleur. On met enfuite du fuc de citron dans
le bain jufqu’ à ce qu'il ait pris une couleur cerife;
ce qu'on nomme virer le bain. On y plonge la foie,
& on la promène en la divifant avec foin pour faire
précipiter la couleur fur tous les points en même
tems. Lorsqu'on veut la teindre en ponceau, on
recommence plufieurs fois cette opération dans un
nouveau bain, en retirant la foie, la tordant 8c
l'écoulant à la cheville, en la lavant & la féchant
à chaque fois, jufqu’à ce qu’on ait obtenu la hauteur
du teint qu'on defire. On l’avive enfuite en la
plongeant fept à huit fois dans l’eau chaude, à
laquelle on ajoute un demi-fe-tier de fuc de citron
fur chaque feau d'eau. Pour avoir des rofes &
des couleurs de chair, on fe fert des fecqnds &
des derniers coulages de carthame. On emploie-
un peu de favon pour préparer la nuance la plus,
tendre. Il faut avoir foin de fefervir de ces bains1
âuffitôt qu’ils font faits, 8c de les employer froids.
Le tems 8c la chaleur décolorent la fécule rouge
& t'rès-fenfible du carthame. 11 faut encore ne
prendre que des criftaux de foude pour extraire
cette couleur, car les alcalis cauftiques la détrui-
fent.
M. Beckmann a effayé de teindre la coton en
rouge avec du carthame. Après avoir fait macérer
pendant deux heures le fil de coton dans du fain-
doux fondu 8c l’avoir bien lavé, il l’a teint fuivant
le procédé déjà décrit, 8c il l’a eu beaucoup plus
foncé que le coton traité au bain fans préparation.
L’huile d’olives 8c le favon lui ont auffi réuffi.
M. Wilfon, pour avoir du coton teint en ponceau
avec le carthame, preferit de mettre cette fleur
bien lavée dans un vafe portant un tamis de crin,
de verfer par-deflus une folntion d'alcali, de laiffer
repofer pendant une nuit la ligueur, de la foutirer
le lendemain matin, d’y plonger la pièce de coton
que l’on veut teindre, de l’y tourner au moulinet,
d’y verfer une diffolution de tartre chaude, en faifant
toujours circuler le coton jufqu’à ce qu’il ait
pris la nuance qu’on cherche. On le lave enfuite,
on le fait fécher à l’étuve, 8c il fort avec une belle
couleur. Si on le teint d’abord en jaune, 8c qu’on
le traité enfuite par la diffolution alcaline de carthame,
on obtient une couleur écarlate qui n’eft
cependant ni folide ni durable, 8c même que l ’eau
enlève.
M. Berthollet, de qui j’ ai emprunté tous ces détails,
y a inféré quelques lignes fur la préparation
du rouge végétal. « Pour le rouge, dit-il, on fait la
diffolution de carthame avec les criftaux de foude>
on la précipite par le fuc de citron fermenté j on
fait fécher à une douce chaleur la fécule précipitée
fur des affiètes de faïence ; on le détache 8c on le
broie très-exaâement avec du talc réduit en poudre
fubtile par les feuilles de prêle, 8c paffée par
des tamis très-fins. C’eft, ajoute-t-il, la fineffe du
talc 8c fa proportion plus ou moins grande avec le
précipité du carthame, qui font la différence des
rouges plus ou moins chers. »
Mais ces généralités ne fuffifant pas pour bien
faire connoître la nature du carthame, furtout par
rapport à la préparation du rouge végétal, je donnerai
ici une courte anaiyfed’un dernier travail fait
fur cet objet par M. Dufour, pharmacien de Paris,
! fous les yeux de M. Vauquelin. Ce travail laiffe peu
de chofes à defirer pour l’objet qui nous occupe.
M. Dufour, en indiquant 8c en louant l’article d»
Traité delà teinture de M. Berthollet, dont je viens
de parler, commence par obferver qu il n a pas pu
parvenir à extraire la couleur rouge de ces fleurs en
fuivant les procédés de Beckmann 8c du chimifle
français, Sc qu’ il a été conduit par-là à l’examen
particulier dont il s’eft occupé fur l’analyfe du carthame.
Cinq centigrammes de cette matière végétale,
venant d’Alexandrie, ont été féchés, 8c ont perdu,
‘ trente-un grammes d’humidité ou te quinzième de
H a