
moyens à employer pour faire du favon avec facilité,
fans avoir recours à de grands appareils,
& fans avoir de connoiffances particulières de
l’art de faire le favon.
La foude, la potaffe , la chaux , les huiles &
les graiffes font les principales fubftances que
l’on emploie dans la fabrication des [avons. Nous
avons cru devoir en parler dans ce Rapport, afin
de lui donner une utilité plus générale : c’eft dans
les mêmes vues que nous dirons un mot de l’atelier
du favonnier.
De la foude.
La foude, comme nous l’avons déjà d it , eft
le fel alcali que l'on doit employer pour préparer
le favon folide. La fubflance connue dans le
commerce fous le nom de foude, n’efl propre à
Jafabrication des [avons qu’en raifon du fel alcali
u’elle contient. L'on diftingue diverfes efpèces
e foude, & les meilleures font celles qui font
•les plus riches en alcali : les plus eftimées font
.celles qui nous viennent d’Alicante 5 celles de
Carthagène tiennent le deuxième rang i auffi l’une
& l’autre font-elles les plus recherchées. La
.plante qui, par fon incinération, fournit la foude,
eft connue en Efpagne fous le nom de bari/le 3- on
l’y cultive avec grand foin, & il eft expreffément
défendu d’en exporter de la graine. On nous apporte
encore de Catalogne , d’Efpagqe & de
plufieurs autres endroits, une foude inférieure ,
connue fous le nom de bourde ou de falicote y elle
eft préparée avec diverfes plantes maritimes non
.cultivées.
Le citoyen Chaptal s’eft alluré que l’ on peut
. élever la bariile fur nos bords de la Méditerranée ;
il eft à defirer que cette culture y foit encouragée.
La plante connue fous le nom de falicote eft cultivée
fur les bords des étangs du ci-devant Languedoc
& de la ci-devanr Provence ; elle eft in-
.cinérée comme J'eft la bariile en Efpagne, & la
foude qu’elle produit eft d’affez bonne qualité.
L’on a foin aufti d’y ramaftet fur les bords de la
mer toutes les plantes qui y croiffent fans culture
, & elles fervent à préparer une foude inférieure
, qui, dans le pays, eft connue fous le nom
de blanquette.
Les loudes qui nous viennent de Cherbourg &
celles que l’on prépare fur les cotes de la Manche
.fcnt .de qualité inférieure; on y brûle le varec &
différentes efpèces de fucus, appelés vulgairement
.goémon , & on en obtient une foude de varec qui
eft la plus mauvaife de toutes: on n’y trouve
prefque point d’alcali ; mais auffi elle contient du
fulfate de foude, duquel on pourra maintenant
.féparer la foude par les procédés qui viennent
d’être publiés.
La Sicile nous fournit auffi de la foude.
Nous retirons encore de Tripoli de Syrie i de
Saint-Jean-d’Acre , des cendres alcalines que l’on
nomme cendre du Levant y elles font le produit de
l’incinération d’une plante que les Arabes appellent
roquette : les favonniers de Marfeille l’emploient
dans la fabrication du favon. Ces cendres,
connues fous le nom de roquette, contiennent
de la fouie ( alcali minéral ) -, on n’en trouve
point ailleurs qu’à Marfeille, parce que c’eft là
qu’elles arrivent, & elles font auffitôt vendues
aux fabricans de favon de ce pays.
Le natron , qui nous vient d’Egypte, peut
encore être employé avec avantage dans h fabrication
des [avons : c’eft un mélange de carbonate
de foude & d’une petite quantité de muriate de
foude. L’entrée en France en avoit été défendue,
nous ignorons pour quels motifs.
L on a trouvé depuis peu des effiorefcences fa-
lines en abondance fur les murs des caves &
lieux bas des bâtimens neufs de Dieppe, de Fé-
camp & du Havre : leur analyfe les a fait recon»
noître pour du carbonate de foude. Il n’eft pas
douteux qu’il ne fe produife de pareilles effiorefcences
dans beaucoup d’autres endroits; il eft
important de les recueillir; & fi l’on peut s’en
procurer en quantité, on pourra les employer à la
fabrication du favon.
Nous avons encore beaucoup' à efpérer des
procédés pour la décompofition du muriate de
loude, que le Comité de falut public vient de
faire imprimer : il eft à defirer qu’il fe forme
promptement des établiffemens où l’on s’occupe
de ce travail, afin de mettre la France à même
de fe palier de la foude que l’étranger nous a fournie
jufqu’à ce jour. La foude que l’on retire du
fel marin eft très-propre à la fapcnification des
huiles ; nous le ferons remarquer plus particuliérement
dans la fuite de ce Rapport.
De la potaffe.
L’on ne prépare avec la potaffe que des [avons
en pâte. Ce fel nous vient d’Amérique, de Pologne,
d’Allemagne, de Mofcovie& de Dantzick :
l’on en prépare auffi dans plufieurs endroits de la
France, furtout depuis le travail révolutionnaire
du falpêtre, lequel ne fauroit s’en palier. Tout
le monde fait aujourd’hui que la potaffe eft le fel
alcali que l’on retire de la leffive des cendres des
végétaux, évaporée à ficcité , & que l'on calcine
légèrement pour l’avoir plus blanc.
Quelques ouvrages indiquent la potaffe pour
faire des [avons folides ; mais ils lui affocient
d’autres fubftances qui contribuent à donner de
la folidité aux [avons. Nous aurons occafion de le
faire obferver , en rapportant les expériences que
nous avons faites à ce fujet.
De la chaux.
La chaux eft indifpenfable dans la fabrication
d .s [avons: ce n’éft pas qu’elle devienne une de
leurs parties continuantes, comme 1 on a été tres-
long-tems à le croire; elle ne fert qu a appioprier
les alcalis, pour les difpofer à agir fur les huiles &
à les faponifier. "
Les alcalis ( tels que nous les avons dans 1 état
le plus ordinaire, foit le fel de foude que l’on a
retiré des leffives de foude, ou bien la potaffe
telle quon l’obtient des leffives des cendres des
végétaux ) font faturés prefqu’en totalité d’acide
carbonique ; dans cet état, ils n’ont prefque point
d’a&ion fur les huiles; mais en les traitant avec la
chaux , celle-ci, qui a plus d’affinité avec l'acide
carbonique que les alcalis , leur enlève confé-
quèmment celui qu’ils contenoient : les alcalis
relient enfuite dans cet état, que l'on connoiffoit
fous le nom à!alcali caufiique, étant abfoluinent
privés d’acide carbonique ; ils doivent alors être
regardés comme des alcalis purs ; c’eft dans cet
état qu’ils ont une grande aftion fur les fubftances
animales &Tur les huiles. La chaux ne fert donc
• qu’ à amener les alcalis à l’état de pqreté , en leur
enlevant l'acide carbonique qu’ils contenoient ;
' ainfi , fi l’on pouvoit fe procurer à bon marché une
autre fubftance qui , comme la chaux, eût la
propriété de priver les alcalis d’acide carbonique,
il n’eft point douteux qu’on ne pût la lui fubftituer
. dans la préparation des leffives alcalines propres à
la fabrication du favon.
Les fabriques de favon doivent donc s’approvi-
fionner d’une certaine quantité de chaux 5 mais
; comme celle-ci perd de fa bonté en reliant expofée
quelque te ms à l’air , l’on doit avoir l’attention
de la conferver , autant qu’il eft poffible, dans
des vaiffeaux clos; & lorfqu’ une fabrique de favon
fe trouvera à proximité d’un four à* chaux, elle
trouvera de l’avantage à n’employer que de la
chaux récemment calcinée.
Des huiles.
De toutes les huiles par expreffion, celle qui eft
la plus propre à faire du favon folide eft l’huile
d’olive. Les [avons que l’on fait avec les autres
huiles font de qualité inférieure; ils font plus ou
moins pâteux. La fupériorité des [avons de France
tient effentiellement à ce que l’on n’employoit
dans leur fabrication que de l’huile d’olive. Ce
n’eft point à l'huile la plus fine, huile vierge,
'que les favonniers de Marfeille donnent la pré
férence ; ils choififfent au contraire l’huile que
l’on fépare des olives par un fécond travail, &
dont, par une première expreffion , l’on a retiré
l’huile vierge. Cette huile eft connue dans le
commerce lous les noms d'huile commune, d huile
d'enfer 3 d'huile de teinture : elle eft plus épaiiïe
que la première ; fon prix eft moins confidérable;
èt , comme l'ont obfervé les favonniers, elle fe
faponifie' avec une grande facilité. On peut également
faire d’excellent favon avec l’huile fine
d’oliVe • mais celle-ci fe vendant beaucoup plus
cher, les favonniers ne trouveroient point de bénéfice
à l’employer ; ils prétendent même qu’eile
ne fe faponifie point fi facilement que l ’huile
commune.
L ’huile d’olive fine eft recherchée & confervée
pour la préparation de nos alimens ; mais comme,
par la vetullé, elle devient épaiffe, âcre & rance ,
elle n’eft plus alors bonne à manger; dans cet
état elle convient aux favonniers , & ils en font
de bon favon.
En Allemagne & en Angleterre , où on n’a
pas d’huile d’olive , l’on prépare le favon avec
le fuif, la graiffe , &c. Les [avons faits avec ces
corps gras ont toujours une odeur particulière>
laquelle fe communique aux objets que l’on fa-
vonne avec : de là vient que, pour les favonnages
domefliques, l'on aime mieux le favon d’huile d’olive,
dont l’odeur eft agréable. On ne peut cependant
difeonvenir que les graiffes animales ne fe
faponifient très-bien, & après l’huile d’olive ce
font elles qui à notre avis, donnent le meilleur
favon folide. L’on verra dans la fuite de notre
Rapport, que les [avons faits avec les huiles de
graines font inférieurs à ceux préparés avec les
graiffes animales.
On fait auffi du favon avec l’huile de poiffon,
foit feule ou mélangée à d’autres huiles ; mais ces
[avons confervent une odeur désagréable , de
manière qu’on ne fauroit les employer au blan-
chiffage journalier du linge de ménage ; mais ils
peuvent fervir à blanchir des toiîés que l’ on éten-
droit enfuite quelques jours fur le pré; ils peuvent
encore feryir pour fouler les draps, &c.
De l'atelier du favonnier.
Après avoir indiqué les principales fubftances
néceffaires dans la fabrication des [avons, nous
croyons effentiel de faire connoître comment il
convient de monter l’atelier du favonnier.
Trois fortes d’appareils y deviennent indifpen-
fables :
i°. Des cuviers ou bugadières, vaiffeaux propres
à couler les leffives ;
20. Des chaudières ou vaiffeaux deftinés à la
cuite du favon y
30. Des miies ou vaiffeaux deftinés à y couler
le favon lorfqu’il elt fait.
Des cuviers ou bugadières.
Les bugadières ou vaiffeaux propres à couler
; les leffives varient fuivant la force de l’établif-
! fement.
Dans une petite fabrique, les bugadières font le
plus ordinairement des cuviers en bois blanc.
;■ cerclés en fer & pofés ifolément fur des tréteaux,
| avec urt baquet au-deffous , ou bien montés fur
des chantiers, à la manière dont les falpêtriers
difpofent leurs tonneaux pour léffiver les ‘terres