
URINE. Avant d’expofer l’ analyfe de Vanne,
nous tranfcrirons ce que dit Fourcroy dans fon
Syfleme des Corinoijfances chimiques , de la formation
& des propriétés phyfiques de Vurine , ainfi
que l’ hîftoire des découvertes auxquelles ce liquide
a donné lieu.
§. Ier. Formation de l'urine.
Les reins, les artères & les veines rénales ou
émulgentes qui s’y diftribuent, les urétères qui en
partent, la veflie dans laquelle ceux-ci s'ouvrent,
& qui fe termine par le canal de l’urètre : voilà
tout l’appareil qui eft employé par la nature pour
féparer 6c évacuer Vurine du corps humain. Les
rems, enveloppés d’une graiffe très-abondante,
& fitués au dehors du péritoine , dans la partie
poftérieure de la cavité abdominale, compofes
d’un'tiffu charnu très-denfe, grenu quand on le
déchire, 6r formé lui-même d’une grande quantité
de vaiffeaux repliés, reçoivent une abondante
maffe de fang provenant immédiatement de 1 artère
aorte , & jouiffant encore d’une vîteffe con-
lîdérablè, quoique les artères rénales ou énlul-
gentes en partent à angle droit, fituation qui en
ralentit le cours. On croit communément que I’«-
rine fort immédiatement du fang , 6c que l eau qui
enconftitue la plus grande partie étoit toute formée
dans ce dernier liquide.. Il feroit cependant poflî-
bleqüe cette eau le formât dans l'organe fécré
toire même , aux dépens de la décompofidon du
fang; mais il faut des obfervations & des expériences
faites exprès & dans un ordre relatif a ces
recherches, pour décider cette importante quef-
tion. Lesanatomiftes décrivent trois fubftsnces différentes
dans le tiffu des reins , l’extérieure ou la
corticale la plus mince , la plus denfe & la plus
colorée, la moyenne ou la tubuleufe, & 1 intérieure,
ou la mamelonnée. La première fepare 1 «-
rinej les deux autres la conauif. nt dans huit a
douze calices ou entonnoirs qui reçoivent l'extrémité
des mamelens ou de papilles, 6c qui s’ou-
yrent dans une cavité membraneufe, nommée
bajjirîet. ,
Cette poche ou ce baflinet membraneux , place
dans l’échancrure de chaque rein , fous les vaiffeaux
, & appuyé fur la couche interne & polte-
rieure de ces vifcères , reçoit peu à peu Y urine
coulant des mamelons dans les calices , & amenée
par ceux-ci à mefure quelle arrive dans le baflinet
formé par une membrane denfe ; elle defcend^ par
un canal étendu obliquement de chaque cô té ,
depuis les reins jufqu’à la veflie , & traverfant la
partie poftérieure du bas ventre, le fond du baff
l e pour venir s’ouvrir dans les régions inférieure
6c poftérieure de la veflie urinaire. Ce double
canal que l’on nomme urèt'ere, gros comme une
plume médiocre, comme aplati, eft formé par
une feule membrane très-dure, peu fufceptiblé
de dilatation dans l’état Tain, ni mufodeufe, ni
irritable , jouant le rôle d’un Ample tube ou d'uno
longue tige ffentonnoir dans laquelle les urines
ne féjournent jamais. Dans les cas rares où il n’ y
a qu’un rein fitué fur le milieu de îà colonne épinière,
on trouve le plus fouvent deux urétères,
ce qui prouve que ce font deux reins rapprochés
& confondus dans leur fubftance ; quelquefois il
exifte trois reins, 6c alors il en part trois uré-
tères.
La veflie, fituée derrière le pubis, dans le
petit baflin , peu faillarvte après l’enfance au-def-
fus de ces o s , d’ une forme prefque conique tronquée
, ayant fa bufe vers le bas, eft compofée der
| deux membranes principales, la mufculeufe, affez
forte 6c irrégulière dans la direction de fes fibres ,
qui fe condenfent & s’accumulent furtout vers le
bas; l’ autre, cellullaire. ou villeufe , repliée en
dedans, quelquefois même y formant des efpèces
de colonnes faillantes, & des cavités ou petites
poches particulières. La veflie eft liée dans fa place
par un tiffu cellulaire très abondant, conaenfé
| en iigamens vers le devant, le haut & le derrière;
el e offre* vers le facrum, une partie enfoncée
qu’on nomme fon bas-fond j elle montre
dans fon intérieur, entre les deux ouvertures
obliques des urétères & la naiffance de l’urètre,
un repli triangulaire faillant, nommé trigone , 6t
un tubercule ou une forte de luette vers l’orifice
urétrale; elle eft plus élevée dans le foetus, 6c elle
; porte vers le haut un canal nommé ouraque y elle
! eft élargie en forme de baril dans les femmes
; groffes, & détachée alors du péritoine, qui en
; recouvre ordinairement le fond ; elle y reçoit l’a-
rine, qui y eft verfée continuellement par les uretères
en petits filets non interrompus, mais intermittent
par fa quantité 6c fa vîteffe. La capacité
; de la veflie eft de plufieurs litres , & varie beaucoup.
L'urètre ou le canal qui termine la veflie j
qui fort au dehors 6c forme une parti? de la verge
chez les hommes, ouvert au haut du vagin chefc
les femmes, au-deffous du clitoris 6c entre les
nymphes, donne paffage à l'urine, 6c l’évacue au
dehors.
Quand Y urine a féjourné quelque temps dans U
veflie qu’elle a diftendue, & furtout quand elle eft
affez abondante, elle irrite les fibres de cet organe
, fait naître un befoin v if 6c fort par la pre£
lion que la volonté exerce fur les parois de U veflie; elle s’évacue avec une célérité & un jet
plus ou moins rapide, fuivant lacreté & la quantité
de Vurine y fuivant la fenfibilité de la veflie 6c
l’énergie de fes fibres : une trop grande diftenfion
lui fait (ouvent perdre de fon reffort, & c’eft
pour cela qu’il eft toujours dangereux de réfiftet
au befoin n’ uriner & ne pas le fatisfaire auflitôt
qu’on le reffent. Quand Vurine paffe par le canal
: de l’ urètre '6c fort en jet continu , elle excite fou-
-vent une fenfation plus ou moins irritante &
chaude, quelquefois même âcre & brûlante quand
[ elle eft trop chargée de principes, & communement
lorfqu’ on a bu trop de liqueurs fpiritueufes,
ou quand on a fait un trop violent exercice; la
moindre irritation morbifique dans le canal de
l’ urètre le rend aufli exceflivemént fenfible, 6c
change en douleur l’évacuation de l'urine, q u i,
dans l’ état naturel 6c en parfaite famé, n’eft accompagnée
d’aucune fenfation particulière, 6c
s’échappe fans qu'on s’aperçoive de fon paflage
par le canal.
On diftingue deux 6c même trois efpèces d'urine}
fuivant le temps où elle eft rendue : l’une eft
nommée urine de la boijfon ou urine cruey l'autre,
urine de la digejlion ou du chyle, la troifième, urine
du fang.
La première porte le nom d’urine de la boijfon,
parce qu’elle coule immédiatement après le repas ;
ce n’elt pas même une véritable uriney elle n’en a
communément ni l’odeur, ni la couleur, ni la pe-
fanteur; elle ne contient que très-peu de chofe
en diffolution , 6c ce n’eft pas cette liqueur qu’il
faut examiner pour connoître la nature de Vurine:
elle fort quelquefois en quantité confidérable.
On appelle urine de la digejlion ou du chyle celle
que l’on rend deux ou trois heures après le repas,
èc qui fe diftingue par une couleur plus forte que
la première, ainfi que par l’odeur & même par la
faveur des alimens ou des boiffons que l ’on a pris ;
ce n’eft pas encore là de Vurine parfaite ou celle
que l’on doit choifir pour la foumettre aux expériences
propres à faire connoître les véritables
principes de ce liquide excrémentiel.
Il fort, fept à huit heures après le repas, 6c fur-
tout le matin après un fommeil de plufieurs heures
pris à la fuite du fouper, une urine colorée, âcre ,
fapide , fort odorante, non pas avec le caractère
des alimens dont on fait ufage, mais d'une odeur
particulière 6c qui lui eft propre ; en un mot, une
urine bien conlti'.uée avec toutes les propriétés
qui lui appartiennent. Les circonftances de la di-
geftion, la nature des alimens, n'influent pas fen-
fiblem-nt ou influent beaucoup moins fur celle-ci ;
c’eft pour cela qu’ on l’a nommée urine du fang. En
choififfant cette véritable urine chez un fujet
adulte , fain & vigoureux , en l’examinant au
.moment même où elle vient d'être rendue, 6c
furtout fans attendre, ou qu’elle ait perdu fes
principes, ou qu’elle ait éprouvé l’altération fpon-
tanée dont elle eft fi füfceptible, on y trouve tous
les cara&ères qui diftinguent ce genre de liqueur
excrémentielle ; c’eft auffi cette urine de la coc-
tion , cette urine perfectionnée par la nature, qui
féjourné le moins long-temps dans la veflie, dont
le befoin de l’évacuer fe fait fentir avec le plus
d’énergie, 6c qu’on ne peut retenir fans un danger
beaucoup plus grand que les deux précédentes.
La grande quantité d’urine qui fort fouvent
très-peu d’inftans après le repas, la rapidité avec
laquelle un corps odorant qui ne frappe que la
peau ou le poumon, eft tranfmis dans ce liquide,
ont fait douter qu’il vint toujours par les voies de
la circulation, 6i croire qu’il y a une autre route
pour la tranlmilfion des liquides. On a imaginé que
l'eau imprégnée de divcries fubftances pouvoir
filtrer jufque dans la vt Aie fans trave fer les reins,
6c quoiqu'on n’ait trouve aucun canal autre que
les uréteres qui s’ouvre dans les rélervoirs, plufieurs
phyliologiftes en ont fu^poie l’ exiiîence, ou
ont cru que les vaiffeaux lymphatiques en rem-
pliffoient les fonctions. Quoi qu'il en foit, il eft
certain qu'il exifte une réciprocité, une corref-
pondance d’aCtion, une fympathie d'effets très-ré-
marquables entre la peau , la veflie ou les reins ,
ou plus exactement entre ia tranlpiration ou Vu-
rine ; que quand la première eft très-abondante, la
fécondé diminue ; que lorfque la tranfpiration s’arrête
, l’écoulement de Vurine augmente, qu’il
femble y avoir un refoulement entre l’une & l’autre
de ces humeurs. 11 y a d'ailleurs des circonftances
où la matière de la tranfpiration préfente
allez fenfiblement les propriétés de Vurine , quoique
dans un degré bien inférieur, pour qu'il loir
impoflible de méconnoître une analogie frappante
entre ces deux excrétions. Les plus habiles phyfio-
logiftes modernes expliquent Amplement cette réciprocité
d’événemens entre la fortie de ia tranfpiration
& celle de Y urine, par ia réplétion générale
du fyftème vafculaire qui , de proche en proche
, fe communique facilement & affez promptement.
On eft aufli fondé à reconnoître une fympathîë
entre l’eftomac &: les organes deftinés à la fécré-
tion de Vurine : une foule de fubftances alimentaires
& de boiffons tranfmettent de l'intérieur de
■ l’eftomac, où elles font rt çues, des propriétés plus
ou moins fenfibles à Vurine, quelques minutes feulement
après y avoir été introduites. Ce phénomène
eft furtout extrêmement prononcé chez les
perfonnes délicates & fenfibles, où la digeftion eft
fouvent pénible 6c foible. On reconnoît par l’odeur
de leurs urines la nature & le caraCière de
l’aliment qu’elles viennent de prendre. Ce n’eft pas
feulement par rapport aux matières très-odorantes
par elles-mêmes, commme l’a il, les poireaux, les
afperges, les aromates, les baumes, les parfum^,
mais encore par rapport à celles qui n’ ont qu’une
odeur trè$-l:gère, quelquefois même à peine fenfible.
J’aioblervé, comme Macquer l’avoitindiqué,
chez les femmes hyftériques 6c chez les hommes hypocondriaques,
leur urine rendue immédiatement
après le repas, ayant l’odeur du pain, du bouillon ,
de la viande qu'ils avoiem pris. Il ne paroît pas
néceffaire, pour expliquer ce phénomène, .d’ aef-
mettre des vaiffeaux qui communiquent de l'efto-
mac aux reins ou même à la veflie, 6c dont I’exif-
' tence eft rejetée par les anaiomiftes les plus habiles
& les plus exaéts. Le fyftème lymphatique
eft propre à remplir cette fonélion, qu'on ne doit
t pas attribuer à un appareil organique particulier.