
déterminées , & l'une de celles fur lesquelles il y
a le moins de diflen riment. Tous les hommes font
d accord fur fon exiftence & lur fa qualité * ils ne
diffèrent tout au plus entr’eux & à fon égard *
que dans l'eftimation de fa quantité ou de fon in-
tenfité : les uns difent en effet très-fucrée ou
même trop fucrée une fubftance que les autres
trouvent médiocrement ou même trop peu fucrée
j mais ce jugement divers tient certainement
à la diveifité d'état de l'organe , 6c au goût différent
que les hommes ont pour le fucre j il en çft :
qui l'aiment & l’appétent fi fortement, qu'ils ;
prendroient volontiers tout au fucre * il en eft j
d'autres à qui cette faveur répugne, & qui, par ;
oppofition , préfèrent l'amertume. La faveur fu- j
crée eft plus ou moins pure dans les fubftances
qui en font douées : elle eft telle dans le fucre
purifié & criftallifé.i elle eft fade & naufeufe dans
la manne 6c dans beaucoup de fucs fucrés végé-
gétaux* elie eft mêlée avec L'acide dans un grand
nombre de fruits ; elle eft altérée par plus ou
moins d'amertume dans un allez grand nombre
de plantes, &: par un mucilage fade dans quelques
autres* enfin, on trouve des corps fucrés qui lont
en même te ms âcres ou aromatiques , & même
légèrement aftringens. C'eft, par exemple , un des
défauts que les Européens reprochent aux fruits
de l'Inde 6c de l’Amérique , que d'avoir une fa- '
veur trop aromatique & même trop âcre, lorf-
qu ils les comparent à ceux d'Europe, qui n’ont
qu'un parfum léger ou qu'une acidité foible,
combinée avec le fucre. 11 y a la même difficulté
pour connoître la caufe ou l'origine de la faveur
fucrée, que pour connoître celle des autres faveurs.
On remarque qu’elle eft très-rare dans les
minéraux, 6c qu’il n’y a guère que les feis de
plomb ou les compofés de l'oxide de ce métal
avec lesacides, qui aient une faveur Cucréeÿ encore
y eft-elle toujours défagréable par une forte d'af-
tringence : elle eft au contraire très-fréquente
dans les matières végétales & dans quelques fubftances
animales. Ce que 1 analyfe chimique a montré
de plus pofitif fur la nature du fucre & des
corps fucrés, qui paroifient très-variés, c’eft
que ce corps eft un compofé d'hydrogène, de carbone
& d’oxigèoe, où ce dernier principe paroît
dominer 5 de forte qu'on peut le confidérer
comme un oxide à double bafe, dont la nature
eft a fiez voifine de celle des acides.
J'ai rangé parmi les genres de faveur, celle que
je nomme fade 6c douce, & qu’on pourroit peut-
être bien nommer faveur muqueufe, parce qu’elle
eft a fiez biefi caraèîérifée pour les hommefc habitués
à comparer leurs fenfations, & parce qu’elle
fe rencontre dans beaucoup de compofés végétaux
&animaux. C ’eft h faveur d'une foule de gommes,
de mucilages, de fucs gommeux & mucilagineux,
de racines crues ou cuites, de fécules ou de farines,
air.fi que de graines, 6c furtout de légumi- j
neufes, cuites dans l’eau* c’eft encore celle de la I
plupart des herbes douces ou fades, qu'on a
laiflées quelque tems tremper dans l'eau bouillante
ou qu’on a fait bouillir avec ce liquide : c’eft, en
un mot, h faveur la plus ordinaire & la plus commune
parmi les productions végétales, 6c même
parmi celles du règne animal. Il n’eft pas facile de
définir cette efpèce de faveur, quoique très-connue
& très-répandue : fon aétion fur nos organes
étant très-loible, on ne peut guère, déterminer
ni même indiquer en quoi elle confifte. En difanc
qu'elle a quelque chofe de doux ou de douceâtre
qui ne répugne pas, qu’elle eft une de celles que
portent habituellement avec elles les fubftances
alimentaires & qui les fait recorinoîrre, que par
conféquent elle accompagne afîez conftamment la
propriété nutritive, qu'elle fe mêle bien avec
toutes les autres faveurs, 6c qu’elle admet par
conféquent tous les affaifonnemensque l'art donne
aux mets pour les rendre plus agréables & plus
faciles à digérer, on aura, dans ce court tableau,
l’enfembie de toutes les propriétés qui carafté-
rifent 6c qui diftinguent la faveur douce, fade,
muqueufe ou alimentaire. On ignore fî elle eft
due à un genre de combinaifon particulier, quoi-
qu il y ait lieu de le foupçonner , comme pour la
faveur fucrée , la faveur aftringente, & pour celles
qui appartiennent aux fubftances végétales & animales.
C ’eft fans doute un compofé de carbone ,
d’hydrogène, d'oxigène 8c d’azote, une forte
d’oxide compliqué où le carbonne domine.
La dernière efpèce de faveur que je difiingue *
eft celle que je nomme faveur terredfe : elle n'eft
pas plus facile à définir que la précédente. C ’eft
celle qu’on rencontre dans beaucoup de terres ,
& furtout dans les craies, les marnes, les argiles,
les pierres tendres, caftantes, fifliles, fufcep-
tibles de fe délayer dans l'eau f & de préfenter
l’afpeéL ainfi que les caractères favoneux. Peu
d autres fubftances la préfentent * car lorfqû'on
l’attribue aux bois-, aux écorces , aux racines
fèches y ainfi qu’ à toutes les matières ligneufes 1
on a pris la faveur fade ou douce pour la faveur
terreufe. On pourroit nommer celle-ci faveur minérale,
parce qu’elle fe rencontre fpécialement
dans beaucoup de foffiles, & parce qu'elle fernble
leur être propre : elle eft due à la nature même des
terres.
Quoique j’aie divifé, comme on vientde le voir
en lifant ce qui précède , toutes les faveurs en
dix genres , que je crois rrès-diftinCtes, 6c qui
me parodient renfermer tout ce que la nature
offre dans cette propriété, je ne prétends pas
que cette divifion foit très-naturelle, qu'on ne
puiffe pas en propofer d’autres, qu’elle ne foit
pas furtout fufceptible d’être améliorée, qu’on
ne puiffe oir la dimiuuer ou l'étendre, en un
mot la confidérer 6c la traiter de toute autre
manière : c’eft un fujet qui fe prête à toutes les
théories, à rous les fyftèmes, à toutes les manières
de voir, 6c qui peut donner lieu à des
fpéculations
fpéculations aufifi variées qu’étendues. Comme les
propriétés des corps en dépendent en grande partie
, ou plutôt comme la faveur eft un indice allez
certain des propriétés qui diftinguent les corps,
on conçoit qu’on peut 1 envifager par un grand
nombre de faces, foit comme phyfirien , foit ;
comme chimifte, foit comme médecin* c’eft aufii,
& fpécialement dans les ouvrages des médecins,
qu’on trouvera beaucoup de détails , de vues &
d i confédérations générales fur les faveurs. Mais,
fous le rapport chimique, il n’y a encore que très-
peu de faits, je ne dirai pas conftatés, mais feulement
entrevus, & je crois les avoir indiqués dans
ce que j’ai expofé jufqu’ici.
Je dois encore faire remarquer que la diftinc-
tion établie par moi entre les faveurs, quoique
la plus générale que j'aie pu la faire, en iaiffe cer- ;
tainement plufieurs qui ne rentrent pas dans les \
dix genres défignés telle eft , par exemple , ;
celle qu’on peut défigner fous le nom de vireufe :
comme elle eft toujours alfociée dans les végé- ;
taux avec une odeur défagréable , qui annonce !
allez fûrement fa propriété vénéneufe , 6c qui j
frappe l'odorat avant le g o û t, de manière à dit- 1
penfer ou même à éloigner de l'idée d’en re-
connoïtre la faveur, cette propriété eft plus fou-
vent décrite & rangée parmi les odeurs que parmi
les faveurs; & voilà pourquoi je ne l’ai pas com-
prile parmi celles-ci : néanmoins elle eft peut-être
allez caraétérifée pour po.uvoir être regardée
comme une faveur diftinéte , & quelques auteurs
ont fuivi cette idée. On en trouveroit fans doute
plufieurs autres qu’on pourroit encore diftin-
guer, par exemple , la faveur herbeufe ou herbacée
, appartenante à toutes les plantes vertes,
qui n’en ont pas une autre bien prononcée, 6c
qu’on puiffe rapporter aux dix genres établis *
mais ces diftinélions particulières deviendroient
trop nombreufes , & en les multipliant, on les
rendroit plus difficiles à cara&érifer ou à re-
connoître * on placeroit la méthode dans un vague
où. elle difparoïtroit en s'affoibliffant * c’t f t , en
un mot, plutôt une marche propre à favorifer
l’ étude & à frapper l’attention des phyficiens,
qu'une méthode ou complète ou rigoureufe que
j'ai eu l ’intention de tracer. J’ai voulu effayer de
rattacher aux études chimiques l’examen d’une
propriété qu’on n’a que peu confidérée jufqu’ici
fous ce rapport, & qui peut devenir importante
pour les lois même des affinités , lorfqu'on l’aura
mieux approfondie qu'on ne l'a fait jufqu'à préfent.
J'aurai rempli mes vues, fi j'ai engagé les chimiftes
à fe livrer à ce genre d’examen 6c à recueillir avec
foin tout ce qui peut contribuer à éclairer cette
partie encore obfcure de leur fcience.
SAVON. D’après les idées que les chimiftes
fe font fucceflîvement formées fur les combinaifons
favonneufes, il paroît qu’ils ont compris I
fous la dénomination de favon, to.ute combinaifon .i Ch im ie . Tome VI.
d'huile où elle devient foluble dans l’eau : la première
& la plus anciennement connue eft celle
de l’huile avec l’alcali ; c’eft le favon propre-'
| ment d it , le .véritable favon y enfuite on y a
compris, quoique peut-être mal-à propos , des
compofés d'huile 6f d’acides, qu'on a nommés ■
fuyons acides; enfin J on a étendu cette dénomina- ?
tion, non-feulement aux combinaifons d’huile
avec les terres 6c les oxides métalliques, mais
encore à un grand nombre de compofés vé- l
gétaux naturels, folubîes dans l’eau, qu’on croit
formés par des huiles diverfement combinées 6c
rendues mifcibîes par ces combinaifons.
Sa vo ns acides. On appelle ainfi la combinaifon
d’acides avec les.corps gras.
Les Anciens, qui regardoient les produits ■
acides & huileux obtenus par la diftiilation de
matières végétales comme les principes confti- .
tuans de ces matières , & non comme de nouveaux
corps dont la formation avoit été déterminée
par l’aétion de la chaleur, penfoient que
toutes lés fubftances végétales folubîes dans l’eau,
t'lies que les acides, les fucrés, les extraits, & c .,
étoient des compofés de ce genre * mais les découvertes
de la chimie pneumatique ayant donné
d'autres idées de la nature des fubftances organiques,
on a reftreint la dénomination de favons
addes aux compofés qui font bien évidemment
formés d'huile 6c d'acides : jufqu’ici on n’en a
trouvé aucun dansles végétaux, tous appartiennent
aux produits de l'art.
Achard , qui s'eft beaucoup occupé de la combinaifon
de l’acide fulfurique avec les huiles, opé-
roit l’union de ces corps de la manière fuivanre :
il mettoit deux onces d’acide fulfurique concentré
& blanc dans un mortier de verre 5 il y ajoutoit peu
à peu , & en triturant toujours, trois onces d'huile
fixe qu'il avoit fait chauffer prefque jufqu'à l'ébullition
* il obcenoit des mafles noires qui, refroidies,
avoient la confiftance de la térébenthine. Pour en
féparer l'excès d'acide , il les faifoitdiffoudre dans
fix onces d’eau bouillante * par ie refroidiffemenr,
le favon fe féparoi't, en maffe brune, de la confiftance
de la cire, & l'excès d'acide reftoitdans l'eau.
Si un premier lavage n'étoit pas fuffifant, il en fai-
fait un fécond. Pour faire les favons d'huiles volatiles,
il mettoit trois onces d’acide fulfurique
concentré dans un mortier de verre qui étoit
placé dans l’eau froide; il y ajoutoit enfuite , lentement
& goutte à goutte, quatre onces d'huile
efientielle* il tti|ilroit continuellement les matières*
& n'ajoutoit de nouvelle huile que quand
le mélattge étoit refroidi : autrement il y auroft
eu formation d’acide fulfureux & décompofîrion
de l ’huile. Il mettoit le favon dans l'eau, fai foit
chauffer à une température voifine de l'ébullition,
6c par le refroidiffement il obtenoit une maffe
brune , dont la confiftance varioit fuivant la nature
deT l’huile employée.
O