I! en eftde même du rapport ou de la réa&ion qui
exifte entre l'évacuation de Y urine & les fondions
inteftinales. On obferve fouvent que des liquides
abondans ,qui diftemlent pendant quelque temps le
tube des imeftins, paffent par les urines , & en procurent
un écoulement confidérable , & réciproquement
que la matière urinaire arrêtée dans fes
couloirs, & ne pouvant pas fortir par l'urètre, fe
fait jour à travers les inteftins, où elle eft évacuée
fous la forme de diarrhée- féreufe. Les iavemens
injectés par l'anus paffent très-fouvent dans la vef-
fîe 5 les vaille aux abforbans , qui exiftent en grande
quantité dans ces organes, établiffent une prompte
& facile communication entr’eux. On voit encore
la même ichofe par rapport à la cavité abdominale
où s’ eft amaflee l'eau des hydropifies : fouvent ce
liquide eft évacué par l'urètre, & il n'y a pas lieu,
de croire qu'il eft paffé par les reins : comme il eft
quelquefois conduit par les vaiOeaux abforbans
dans le canal inteftinal, rien ne s’oppofe à ce qu'il
en foit de même dans la veille, qui reçoit aufti à
fa furface beaucoup de ces vaiffeaux.
§. II. Propriétés phyfiques de l'urine.
On vient de voir qu'il peut s'écouler & qu'il
s'écoule en effet par l’ urètre un liquide qui n'a
pas les véritables caractères de Yurine 3 quoiqu'on
donne conftamment ce nom à tout liquide forti
par cette voie ; que ce n'eft que plufieurs heures,
fept à huit heures après le repas , que l’on évacue
la véritable urine ; que les autres liqueurs, ou ne
jouiffent pas de fes propriétés, ou ne lespréfentent
que dans un degré très-foible. Ainft ce ,n’eft que
Y urine dont la fortie fuit la digeftion complète des
alimens & le mélange du chyle avec le fang, qu’il
faut examiner pour en connoître les caradtères. Il
faut choifir celle rendue par un adulte fain; le
matin, à fon réveil, elle a-, dans ce cas, toutes les
propriétés qui lui appartiennent. Les urines de la
boiffon ou du repas font comme celles des maladies
on des accès hyftériqties, celles qui accompagnent
la trifteffe, la peur, les pallions trilles en
général; des efpèces d’exceptions, des modifications
de ce liquide plus ou moins éloignées de
l’état naturel, & qui offrent des réfultats plus ou
moins différens.
La quantité de Yurine 3 comme on doit le concevoir
d’après ce que j'ai déjà dit fur fa formation
, varie dans des termes prefqu' in finis : aufti les
phyfiologiftes ont-ils été très-embarraffés pour la
déterminer. Haller, en faifant un des paragraphes
de fa phyfiologie fur cette mefure, commence par
dire qu'on ne peut pas la définir dans un homme
fain; elle fuit fingulièrement la quantité de la tranfpiration
, avec laquelle elle eft prefqu'exa&ement
en raifon inverfe ; elle furpaffe trois fois la'tranf-
pirarion dans les mois froids & humides, & dans
les^temps chauds & fecs elle eft moins abondante
qu’elle; dans lesfaifons moyennes, fa quantité égale
celle de 1Jhumeur évacuée par la peau; elle eft en
général plus abondante chez ies vieillards, dont la
peau eft plus denfe & perd moins ; dans la jeuneffe,
la tranfpiration : : 1340:1000, & dans la vieilleffe,
au contraire, elle eft : : 967 : ipoo. Dans le l i t , le
rapport de Y urine à la tranfpiration eft : : 4: 3,. Tel
eft le réfultat des expériences & des calculs dé
Robinfon, admis avec confiance par Haller.
La proportion de la boiffon influe beaucoup fur
celle de Y urine 3 comme on le voit chez les malades
& chez ceux qui prennent les eaux. Dodart l’efti-
moit en quantité égale à celle des liqueurs bues ;
Cheyne ne l’eftimoit que pour les trois quarts. En
comparant les recherches de San&orius, de Keil,
de Robinfon, de Gorter, de Rye, de Home, de
Dodart, de Linings, de Cheyne, Haller donne,
pour les quantités variées d'urine rendue en vingt-
quatre heures, les fournies de 28, 3 1 , 36, 38,
40, 44, 50 , & même 64 onces, quantités dont
le terme moyen eft 49. On ne peut rien établir
d’exaCt fur ces réfultats, & ils prouvent que rien
n’eft plus variable que la proportion de Y urine.
Quoiqu’on puiffe jufqu’à un certain point admettre
la même variation dans toutes les propriétés
phyfiques de ce liquide, on reconnoît cependant
plus de confiance & de Habilité dans la plupart
d’entr’elles. La couleur de Y urine eft un de fes
cara&ères les plus prononcés & les plus certains 5
aucune autre liqueur animale n’en préfente une
femblable, & elle lui eft exclufîvement donnée
par la nature. Le jaune citroné, qui varie en in-
tenfité jufqu’à l’orangé foncé, eft du à une matière
particulière, dont la proportion relative à l’eau
produit toutes les nuances poffibles que l ’on con-
noît. Bellini, qui s’eft beaucoup occupé de Y urine
en médecine, avoit entrevu cette vérité fur. la
coloration ; il avoit dit que les urines ne différoient
dans leurs teintes les plus éloignées, depuis la plus
pâle jufqu’à la plus colorée, que par la quantité
d’eau ; en foi re que, fuivant l’obfervation de Boer-
haave, qui n’eft qu’une conféquence ou une fuite
de l’opinion de Bellini, on peut, avec \ urine la
plus colorée, fabriquer foi-même toutes les urines
intermédiaires, jufqu’à la plus paie, & imiter ainfi
le procédé de la nature : il fuffit pour cela d’y ajouter
des quantités d’eau différentes. Il faut remarquer
cependantque le jaune citron , ou légèrement
orangé, joint à la tranfpa.rence & à la limpidité
parfaite qui annoncent une liquidité très-homogènè
dans toutes les parties , eft la véritable nuance ca-
raélériftique & naturelle de Y urine d’un homme
fain.'Je ne parle pas ici des couleurs variées que g -
rine affecte dans quelques circonftances pathologiques
, de Yurine rouge & inflammatoire, de Yurine
fafranée, de Y urine noire, des affections mélancolie
ques, de Y urine verte, des iCtêr.iqueS, de Y urine
bleue vue dans quelques ftranguries. Ces diverfes
colorations" font éloignées de l’état fain.
L'odeur de Yurine eft aufti une propriété qui
n'appartient qu'à elle 3 & qui n’a pas encore affejs
fixé l’attention des phyfiologiftes. Au moment où
elle vient d’être rendue, Yurine encore chaude a
une odeur véritablement aromatique , qui n'a rien
de fétide,ni d’ammoniacal, ni d’acide; qui ne ref-
femble qu’à elle-même , & fi bien caradterifée
qu’aucune autre matière naturelle ne peut être
confondue avec elle : celle qui s’en ra'pproche le
plus eft l'odeur de la violette; mais celle de Y urine
eft plus forte, plus piquante, plus exaltée; jamais
elle n'eft alcaline ou ammoniacale, que lorfque
Y urine a fubi un commence ment d'altération : ainfi,
quand on caraétérife l'ammoniaque parl’exprefiion
d'odeur urineufe, cela ne doit s'entendre que de
Yurine déjà putréfiée. Il eft très-remarquable que
l'odeur qui imite Je plus celle de Yurine fraîche,
faine & chaude, eft l'arôme de la tranfpiration qui
paffe à l'état de tueur chez les hommes fains; on
la trouve aufti dans la fueur du cheval fortement
exercé.
L ‘urine, en fortant de la veflie , a une température
égale à celle de l'intérieur du corps, & qui
a de 29 à 32°, fuivant l’échelle thermométrique
marquant 80 ou 85 degrés pour l’ébullition. Cela
fait 36 £ au thermomètre centigrade. Elle exhale
dans l'air une partie d'eau odorante tant qu'elle
conferve fa chaleur ; cette eau eft: en fumée vi-
fible quand l'air de l’atmofphère eft à y degrés
+ O j & humide : elle n'eft fenfible que par fon
odeur quand l’atmofphère excède 10 degrés -4- o.
On affure que dans quelques maladies Yurine a une
température plus élevée ; ce qui eft: difficile à croire,
d’après les lois connues de l'économie animale ; il
eft de même prefqu’impoffible qu'elle foie au-
deffous : à mefure qu'elle perd cette élévation de
température, elle perd en même proportion fon
odeur aromatique. Quelquefois elle fe trouble par
le feul refroidiffement, foit par fa propre nature
très-chargée, comme dans les crifes des maladies,
foit dans l’hiver, où elle fe refroidit beaucoup,
foit dans l’été, après un violent orage.
La liquidité de Yurine 3 quoique voifine, au per-
mierafpeét, de celle de l'eau, préfente cependant,
quand on la confidère avec attention, une différence
fenfible. On reconnoît bientôt une adhérence
un peu plus grande entre fes molécules
qu'entre celles du liquide aqueux ; mais elle eft
beaucoup moins forte que celle qui exifte dans
le férum du fang , la falive & furtout la bile qui
eft toujours filante, quelque foible qu'elle foit,
dans un état naturel & fain ; on voit au moins
qu't lie eft très-difpofée à devenir promptement
& facilement plus grande, & pour le plus léger
changement qui exifte dans cette humeur, foit du
côté de fa propre compolition, foit par rapport
à la veffie , dans laquelle elle s'amaffe & féjourne.
Chez les enfans elle eft muqueufe & légèrement
filante. Dans toutes les maladies où les fujets dé-
périffent, & fpécialement chez les phthifiques,
elle devient mucilagineufe & gluante. Dans les
afe&ions calculeufes*8c toutes les fois que la veffie
eft irritée, Yurine prend un caraCtère fi vifqueux,
qu’on la voit remplie de glaires & de filamens à.
demi concrets. Les divers degrés de confiftanc©
& de vifeofité qu’elle acquiert fouvent par des
caufes légères, dépendent a’un mucilage gélatineux
dont la proportion eft fufceptible d’un grand
nombre de variétés, mais qui y eft toujours contenue,
comme je le ferai voir dans ies paragraphes
fuivans.
La pefanteur fpécifique de Yurine eft aufti une
propriété variable. Il- y a quelques phyfiologiftes
qui, par erreur, l’ont dite, plus légère que l’eau :
elle eft conftamment plus pelante; mais fonaccroif-
fement de denfité a quelque choie de fingulier,
quand on fait qu'elle contient une affez grande
quantité de matières en diffolution. On eft porté
à conclure, d'après cette feule propriété, que les
matériaux qui la conftituent font eux mêmes des
corps affez légers : on verra par la fuite ce qu'il y
a de réel dans cet aperçu. Silberling, dans fon
Traité de la pefanteur fpécifique des humeurs animales
3 eftime celle de Yurine, par rapport à l ’eau,
:: 271 : 261; Hamberger, :: 399 £ : 388; Davies,
: : i g 8o : i û o o ; Bryan-Robinfon affure que, dans
le moyen âge, fa pefanteur eft à celle de l’eau,
: : 10300 : 10000 , & chez les vieillards : : 10218;
: 10000; Munfchenbroeck en donne le rapport
z: 1030, l'eau donnant 1016; Briffon, dans fa
Table des pejauteurs fpécifiques des corps, la trouve
d e io io é . On a obfervé ,que lorfque la denfité ou
la pefanteur fpécifique-de ce liquide excrémenti-
tiel augmentoit & fe foutenoit quelque temps
dans fon augmentation, c’étoit unfigne dangereux
pour la fanté de ceux chez lefquels il fe préfen-
toit.
La faveur de Yurine eft piquante, Calée, un peu
âcre & légèrement amère. Comme cette propriété
varie dans une foule de cas relatifs à l’étâc
des maladies, les anatomiftes & les médecins y ont
vu des acrimonies variées , & ils les ont décrites
comme lignes ou caractères pathologiques. L’acrimonie
falée ou marine, la plus fréquente de toutes ,
qu’on trouve conftamment dans ce liquide, a été
attribuée à la préfence du muriate de foude : c'eft
à cette efpèce d’âcreté que paroît être dû le fen-
timent de la foif, excitée par Yurine employée
comme boiffon, foit dans une preffante nécefficé,
foit comme remède.
Holwel, dans l’étroite prifon du Bengale où il
étoit renfermé, a éprouvé un grand foulagement
dans la fueur qu’il avaloit, à caufe de la foif qui
le tourmentoit cruellement, & il lui étoit impof-
fible de boire Yurine : ce qui a fait furtout admettre
cette acrimonie falée, c’eft que les premiers
chimiftes qui ont examiné les fels de Yurine 3
Van-Helmont, Henckel, Tackenius, Boyle, Boh-
nius, Neumann & Spielman ont trouvé le muriate
de foude conftamment dans ce liquide, & l’ont
regardé comme le principe le plus abondant de
Yurine.,