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gramme, enveloppées de feuilles de rofeaux. On
le prépare , dans plufieurs parties de l'Amérique,
avec les fèmences d'un arbre nommé par Linné
bixa orellana. Les naturels broient ces femences ,
lés laiffent macérer & fermenter dans l'eau. Par
ces opérations il fe détache & il fe précipite une
fécule colorante qu'ils enlèvent & font fécher à
l'ombre.
Le rocou eft plus foluble dans l'alcool que dans
l'eau. Sa décoêlion aqueufe trouble a une faveur
défagréable, une couleur rouge-jaunâtre 5 elle devient
d’un jaune- orsngé plus clair par l’addition
des alcalis: ceux-ci le rendent beaucoup plus foluble.
Les acides y forment un précipité orangé.
L'alun y donne un précipité abondant plus foncé }
le fulfate de fe r , un brun orangé5 & le fulfate de
cuivre, un brun-jaunâtre plus clair ; le muriate
d’étain, un précipité citron lent à fe dépofer.
On coupe en morceaux le rocou, on le fait bouillir
légèrement dans l’eau avec fon poids de cendre
gravelée : on teint les draps dans ce bain. La laine
n’y prend que des nuances jaunes, fugitives. L’alcali
en détruit le rouge.
Les foies cuites au favon prennent dans ce bain
chaud des nuances aurore & orangée, qui varient
fuivant la quantité d’alcali. On lave & oq, dégorge
enfuite les foies à la rivière. La foie crue èft teinte
à froid. On change leur nuance en rouge par l'alun
& les acides. M. Gunliche a donné un très-bon
procédé pour teindre la foie dans le bain de rocou
froid j il confeille de l’imprégner d’ajun. On trouve
ce procédé bien décrit dans les Elémens de l’art
de la Teinture , par M . Berthollet.
Le même chimifte indique dans le même ouvrage
un procédé de M. Wilfon , pour teindre le coton
en orangé par le rocou■ On le fait bouillir dans
l ’eau avec le double de fon poids d’alcali ; on verfe
la liqueur repofée dans un vafe échauffé 5 on y
plonge le coton, qui fe teint en orangé. On avive
ik on fixe cette couleur par le tartre j on lave
enfuite le coton & on le fait fécher à l’ombre.
M. Leblond , naturalifte correfpondant de i'Inf-
titut, & propriétaire à Cayenne, a donné à l’Académie
des Sciences ( première clafïe de l’inf-
titut ) un Mémoire intéreffant fur la préparation
du rocou dans cette colonie. Nous en préfenterons
ici une courte notice extraite d’un rapport fait par
M. Vauquelin, fur le Mémoire de M. Leblond.
Le rocouyer eft de la famille des liliacées : il a
de cinq à fix mètres de hauteur dans les bonnes
terres} il porte des fleurs en bouquets à dix-huit
mois} il leur fuccède des capfules hifpides ou
hériflees de pointes. On le fème en quinconce ,
à fept mètres l’un de l'autre, méthode qui joint
à l'agrément la facilité du travail néceffaire à la
culture & à la récolte de cet arbre. Il exige du
foin : on'doit en chauffer les racines, le farder ,
enlever les premières fleurs, l’entretenir & le renouveler
par des pépinières , le débarraffer du guy
dont il eft fou vent chargé à caufe de fon tiffu
fpongieux. Il vient bien dans les lieux bas & humides
} il ne nourrit pas de chenilles. Qn Je récolte
quand les capfules , preffées avec la main ,
s’ouvrent avec explofion. Les Nègres les recueil-*
lent à la main j ils en ramaffent chacun de fix à
huit barils à farine. Ces fruits donnent un huitième
de femence ou un baril pefant feize kilogrammes.
Deux cent cinquante mètres carrés de
terrain cultivé en rocouyer donnent près de mille
kilogrammes de femences. A trois ans ils font en
plein rapport} ils diminuent de produit à cinq
ans} à dix ils ne rapportent plus les frais, de
culture. Pour obtenir les graines on ouvre les
capfules comme les coffes de. pois , & l'on détache
les femences de la membrane qui les fupporte..
On broie la graine épeluchee dans des troncs
d’arbres creufés, nommés pile. Cette opération de
pilage feroit mieux faite par des machines iimples
qu’on emploie dans beaucoup d'autres fabriques*
On porte la graine pilée dans une fécondé cuve
de bois, nommée trempoire, où on la délaie dans
de l'eau mife affez abondamment pour la recouvrir}
on l'y laiffe macérer pendant des femaincs
& même des mois entiers. On exprime enfuite
cette matière dans des tamis qui laiffent paffer l'eau,
tenant la fécule colorante en fufpenfion. On couvre
de feuilles de bananier la maffe des graines
placées dans une troifième cuve nommée de décharge
j pour la laiffer fermenter, la repafler une
fécondé fois à la pile & à la trempoire, ce qu'on
recommence jufqu’ à ce qu’il ne s’en détache plus
de couleur. La fécule, ainfi paffée une première
fois au tamis, èft- reprife par des femmes qui la
tamifent avec foin fur les bords d’un canot a calert
en en féparant les débris groffiers des femences.
L'eau paffée ainfi avec la fécule épeluchee refte
dans le canot pendant quinze jours, & elle dépofe
le rocou. On enlève celui-ci mou & humide} on
le fait bouillir dans des chaudières, en le remuant
continuellement, jufqu'à ce qu’il foitépaifli
en pâte prefque folide} on l'étend dans des caiffes,
en couches de dix-huit à vingt-un centimètres} on
le laiffe fécher à l’ombre jufqu'à ce que la main
en fépare, d’une feule pièce, une malle d'environ
fept kilogrammes} on le porte dans cet état au
marché de la colonie} on le place en forme de
pains que l’on preffe dans des tonneaux : ceux-ci
entiérementremplis pèfent à peu près cent foixante-
quinze à cent quatre-vingts kilogrammes que le
commerce tranfporte en Europe.
M. Leblond regrette à cette occafion l’exiflence
des anciens commiffaires du Gouvernement, qui
garantiffoient aux acheteurs la qualité du rocou
ainfi renfermé dans ces barils par deux procédés
maiheureufement abandonnés, lis mettoient dans
un linge ferré une dofe connue de rocou ; ils le
lavoient jufqu'à ce que l'eau fortît claire & fans
couleur ; ils faifoient fécher le réfidu qui devoit
être'réduit au douzième de la dofe employée ,
fans quoi on le mettoit au rebut. L'autre procédé
confîftoit à frotter le rocou .fur longle: , qu on fa-
vonoit & qu on lavoit enfuite avec loi», il.devoit
laiffer une tache rouge, fans quoi la .matière etoit
rejetée du commerce. ,
L'auteur propofe de fubftituer a la pratique qu on
vient de décrire, cm u c u t u s» u—n pr rocède beaucoup1 plus fimpr le„
& beaucoup meilleur pour préparer le rocou. La
matière colorante des graines de rocouyer exil-
tant au dehors de leur tunique, il conieille, £ •
les laver dans de l'eau en les frottant mfqu.a ce
que ce liquide ne fe teigne plus ; 2 . de palier
l'eau colorée à travers des tamis allez fins pour
retenir les débris folides des écorces , en laili.ant.
écouler avec l ’eau la véritable fécule colorante ;
3°. de précipiter celle-ci de l'eau avec les acides
du vinaigre ou du citron 5 4?. de ramaffer la te-
cule & de l’égoutter dans des facs, comme on fait
pour l’indigo. M. Vauquelin, qui a pratiqué cette
méthode fur des graines de rocou de Cayenne, en
a reconnu & vérifié la fupériorité. Il a obtenu une ;
fécule rouge très-belle,. que des teinturiers habiles
de Paris ont employée avec beaucoup d a-
vantage fur la foie. Il a réfulté du rapport de
leurs effais, qu’une partie de rocou ainfi prépare a
produit le même effet que quatre parties de rocou
ordinaire} que fa couleur avoit plus d éclat & autant
de folidité que celle du rocou du commerce.
Us ont aùffi trouvé que cinq parties de graines du
bixa orellana de Cayenne, quoique privées d une
portion de leur couleur par le frottement pendant
le voyage, teignoient avec la même intermté une
même quantité d’étoffe , qu’une partie de rocou
préparé à la manière de M. Leblond. Leur con-
clufion a été que cette nouvelle efpèce de rocou
valoit au moins quatre fois autant qué celui du
commerce} qu’ il étoit d’un emploi plus facile ;
qu’il exigeoit moins de diffolvant, encombroit
moins les chaudières , & donnoit une couleur
plus pure.
M. Vauquelin penfe , d’après ces réfultats ,
qu’il feroit avantageux de ne pas écrafer & de
ne pas faire pourrir les grajnes du rocouyer, d’en
extraire la fécule par le procédé de M. Leblond}
que cela épargner oit des frais , du tems & des
bras qui pourroient être ménagés pour d'autres
genres de culture , & que même il y auroit quel-
qu'avantage à envoyer des colonies les graines
entières , fi l’encombrement des vaiffeaux ne
devoit entrer dans la compenfation des hais que
pour une fomme égale à celle des procédés actuellement
employés à la fabrication du rocou
commun} enfin, que le travail de M. Leblond
a beaucoup d’utilité, & que fon procédé pour
obtenir pure la fécule du rocou doit être préféré,
fous tous les rapports, par les cultivateurs des colonies
, à celui qui a été pratiqué jufqu’ici.
ROSEE. Voici un des corps que les anciens
chimiftes recherchoient avec le plus de foin, Sz
que les modernes ont peut-être beaucoup trop
négligé. Les alchimiftes, depuis le douzième juf-
qu’au dix-feptième fiècle, ont fondé les plus grandes
& les plus folles efpérances fur la rofée: les uns
y ont vu une matière propre au fuccès du grand-
oeuvre } les autres l’ ont regardée comme un principe
de vie & de force, dans lequel la nature avoit
placé l'un des plus puiffans remedes que l’homme
pût oppofer aux maladies qui le tourmentent.
Quelques-uns fe font contentés d’affigner à la
rofée le plus haut rang parmi les cofmetiques, &
l’ont confeillée comme devant conferver & entretenir
la beauté bien au-delà du terme qui lui a été
afiigné par la nature.
- On la recueilloit autrefois avec le plus grand
foin dans les campagnes & fur les prairies. Tantôt
on étendoit fur les gazons des linges neufs, qu'on
exptimoit précieufement pour en faire _ for tir la
rofée du matin } fouvent on la ramaffoit fur de
grands vafes ou plateaux de verre qu’on plaçoit
la nuit dans les prés, & qu'on relevoit avant que
les premiers rayons du foleil en euffent frappé la
furface. D'autres la reçevoient fur des éponges
qu'ils preffoient enfuite. Quelques chimiftes fuf-
pendoient aux arbres, pendant la nuit, de s flacons
de verre neuf ouverts, & les fermoient à l'aube du
jour pour recueillir ainfi quelques gouttes de la
précieufe liqueur, qu’ils décoroient du titre d'eau
célefte, de pleurs de l’Aurore, d'ejfence du foleil, &c.
On faifoit furtout le plus grand cas de ia rofée de
mai. Non-feulement on la recherchoit avec des
foins & des peines infinies; on prifoit tellement fon
aêlion & fon influence fur les combinaifons chimiques
,. qu’on expofoit, dans les campagnes, des Tels
& jufqu’à des métaux à cette influence.
De ces idées exagérées l'on a paffé fans intermédiaire
à des idées beaucoup trop Amples furtout,
& entièrement oppofées aux premières. On a
bientôt voulu que la rofée ne fût que de l'eau pure ,
que de l’eau diftillée, d'abord fufpendue Sc dil-
loute dans l’air à l'aide de la chaleur du jour, Sc
enfuite précipitée de l’atmofphère par le froid de
la nuit, pour difparoître enfuite dans les premières
heures du lever du foleil, par ia chaleur que
fes rayons répandent dans l'air. Il paroît certain
que telle eft la nature de la rofée, confidérée par
rapport à fa formation} mais la rofée n’ eft-elîe
que de l’eau pure, & reffemble-t-elle à l’ eau dif-
tillée ? N’ a-t-elle pas contracte de fa diffolution
dans l’air quelque caractère étranger à l’e.au ? Par
exemple , ne contient-elle pas, comme quelques
chimiftes l’ont foupçonné, du gaz oxigène ab-
forbé de l’atmofphère ? N'eft-ce pas à ce principe
qu’elle doit fon aêtion blanchifîante fur les fils Sc
les toiles écrus, action qu’on y a reconnue il y a
long-tems fur la cire jaune, fur les végétaux ligneux,
fur les feuilles fèches? Son féjeur & fon
adhérence fur lès plantes, où elle fe condenfe &
1 .où on la voit répandue en gouttelettes, ne lui com-
j muniquent-ils pas quelques propriétés particuliè-
{ res, & n’ajçutent-ils pas à l’eau peut-être aérée ou