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Pour acquérir quelques lumières de plus fur la
nature des principes des quinquinas , j’ai examiné
comparativement plufieurs autres fubltances végétales
qui paroiflent avoir des analogies avec eux,
& dont la compofîtion eft un peu mieux connue :
telles font la noix de galle, l’écorce de chêne,
l’anguftura & quelques autres.
Noix de galle. L’infufion de cette fubftance a
précipité abondamment la folution de colle-forte
en blanc, le fer en bleu, l’émétique en blanc-
jaunâtre , l’infufion de quinquina jaune en flocons
blancs-fales, le cuivré en jaune-brun, & le plomb
en blanc-jaunâtre.
Elle n’a pas précipité l’infufion de quinquina
Santa-Fé > ni l’infufion de tan.
L’infufion de noix de galle réunit donc, comme
le quinquina jaune, le principe qui précipite la
colle, avec celui qui précipite l'émétique, 8i,
fous ce rapport, ces deux fubltances paroiflent fe
refîembler ; mais elles different par le corps qui
agit fur le tan & fur le fe r , puifque ce métal eft
précipité en vert par le quinquina , & en bleu par
la noix de galle. Elles different encore par un autre
point, puifqu’elles fe précipitent mutuellement.
Ecorce, du tan. L’infufion de cette fubftance,
faite avec les mêmes foins & les mêmes quantités
de matières que pour les quinquinas, a précipité
la folution de colle-forte en jaunâtre, le fer en
bleu, le cuivre en brun ; mais elle n’a fait éprouver
aucun changement à la folution de quinquina
de Santa-Fé ni à la folution d’émétique. Elle rougit
la teinture de tournefol, & eft précipitée par
i’oxalate d’ammoniaque.
L’on v o it, d’après cela , que l’écorce de chêne
ne contient pas, comme la noix de galle, le quinquina
jaune & quelques autres, la fubftance qui
précipite l’émétique ; & quoique l’une & l’autre
précipitent la colle-forte, elles different cependant
fous ce rapport.
Ecorce de ceriper. Cette écorce, que F on a quelquefois
fubftituëe frauduleufement au quinquina y
n’a de commun, avec ce dernier, que la propriété
de précipiter en vett la diflolution de fulfate de
fe r5 elle ne fait éprouver aucun changement à la
colle-forte, à l'émétique ni à la décoétion de tan.
11 eft donc bien douteux que l’écorce de cerifier
jouiffe de la propriété fébrifuge.
Centaurée & Chamedrys. Ces deux plantes m’ont
donné les mêmes réfultats que l’écorce de cerifier,
d’ou ii eft également douteux qu’elles puiflent
guérir la fièvre.
Ecorce de faule blanc. Cette écorce , à laquelle
on a attribué autrefois des effets fébrifuges, pof-
fède véritablement quelques-unes des propriétés
chimiques de certaines efpèces de quinquinas ; ravoir
: de précipiter la colle-forte, le fulfate de fer
en vert, & l'acétate de cuivre en brunâtre. Ainfi
Fécorce de faule blanc, réunifiant l’amer & l’af-
txmgent, pourroit bien être fébrifuge.
Angupurar, L ’infufion de cette écorce ne ptéçi- ,
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pite point la colle-forte, mais elle précipite abondamment
l’infufion de noix de galle, Finfufion de
quinquina jaune, & nullement celle de quinquina
Santa-Fé : feulement elle y produit un léger
trouble.
Elle précipite le fer, l’émétique, le cuivre, le
plomb & Finfufion de tan, tous en jaune.
Cette écorce diffère , comme on voir, de plufieurs
quinquinas & des autres fubftances examinées
par comparaifon, en ce qu’elle ne précipite pas la
colle animale ; auflï n’a-t-elle pas de faveur àftrin-
gente, mais au contraire une amertume extrême.
Il y a lieu de penfer aulïi que le principe qui, dans
cette fubftance', précipite les diAblutions métalliques
, n’eft pas entièrement femblable à celui des
quinquinas : au moins la couleur des précipités qu’ il
fournit, eft bien différente. Cependant, d’après
ces propriétés, l’écorce d’anguftura pourroit bien
être fébrifuge,
Phénomènes que préfentent a un examen plus approfondi
, la macération & la déco il ion de quelques
efpeces de quinquinas qui né précipitent point Vin-
fupon de tan ni Vémétique.
Ces fortes de quinquinas communiquent à l ’eau
froide une couleur rouge, fouvent un rouge-jaunâtre,
quelquefois un rouge-brun. L’eau, ainfi
chargée de la partie foluble de ces quinquinas,
moufle par l’ agitation comme du moût de bière }
elle jouit alors d’une faveur amère & plus ou
moins aftringente, fuivant Fefpèce.
Abandonnée au repos dans un vafe ouvert ou
fermé, pourvu que le vafe n’en foit pas plein,
cette eau de quinquina fe moifit promptement, &
fe couvre d’une pellicule verdâtre.
Quelques-unes rougiflent très-fenfiblement la
teinture de tournefo) ; ce qui annonce la préfence
d’un acide libre.
L’alcool, mêlé à ces infufions de quinquina dans
la proportion de deux parties fur une, en précipite
une matière grifâtre qui devient noire par la
defliccation : larliqueur eft alors plus claire & d’un
rouge plus pur. Ce phénomène annonce la préfence
d’une matière muqueufe.
Une petite quantité d’alcali cauftique forme ,
dans celles de ces eaux qui font acides, un précipité
rouge tirant fur le violet v mais une plus
grande quantité de ce réaétif rediflout la matière ,
& donne à la liqueur plus d’intenfité de couleur.
Soumifes à l’évaporation, elles fe foncent en
couleur, & dépofent en refroid iffant, après avoir
été concentrées, une matière brune très-amère ,
qui fe diflbut facilement dans l’alcool, furtout à
i aide de la chaleur, & que l’eau en précipice fi la
diflolution eft fuffifamment concentrée. L’eau elle-
même rediflout cette matière, quoiqu'elle Fait
abandonnée par l ’évaporation ; mais il en faut une
beaucoup plus grande quantité que Lorfqiflelle eft.
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accompagnée des autres principes des quinquinas }
ce qui paroît prouver que ces mêmes principes
favorifent la diflolution dans l’eau.
Si on laifle refroidir plufieurs fois les infufions
de quinquina avant.de les réduire a ficcite, elles
dépofent à chaque ' refrpid'ïflement une matière
femblable à celle dont nous venons de parler. L’on
penfoit autrefois que cette fubftance devenoit in-
foluble par fa combinaifon avec Fox i gène-; mais
cet effet paroît plutôt être dû à Finfuffifan.ee de
l ’eau.
C ’eft cette efpèce de matière, comme réfineufe,
qui donne aux quinquinas & à leurs infufions la
faveur amère qu’ils pofîedent ; car fi -l’on féparè
les dépôts à mefure qu’ils fe fprmeat, & qu’on
étende enfuite la matière concentrée de la même
quantité d’eau, la liqueur n’a plus, à beaucoup
près, le même degré d’amertume.,Cependant la
totalité de cette fubftance n’eft pas féparée de Feau
par ce moyen ; les autres principes du quinquina..en
retiennent toujours une aifez grande quantité en
diflolution.
Mais fi après avoir opéré , comme je viens de
l’indiquer, on traice par l’alcool les infufions dp
quinquina réduites fous forme d’extrait mou , on
féparè la plus grande partie de la matière répni-
forme, & il ne refte plus qu’une fubftance vif-
queufe de couleur brune i qui n’a prefque plus de
faveur amère , qui fe diflbut parfaitement dans
Feau , & ne s’en précipité plus par le refroidifie-
ment.
Ces, expériences;nous apprennent que , dans les
infusions de" ces fortes de quinquinas, il y a-au,
moins deux fubftances très-diftinètés : l’une amère
& aftringente, foluble dans l’àlcool & pou foluble
dans l’eau; fautre, au contraire, absolument infol
uble dans l’alcool, très-foluble dans Feau, ayant
une faveur doiice & mucilagineufe.
Ces matières étant .fans doute celles qui agiffent
le plus efficacement dans les maladies où l ’on emploie
le quinquina, je penfe qu’il convient d’en
expofer les propriétés avec quelque détail. Je
commence, par celle qui eft foluble. dans l’alcool.
i Q. Cette fubftance, à l’état fe c, a une couleur
rouge-brune & une faveur extrêmement amère.
2°. L’eau froide n’en diflbut qu’une partie, une
autre refte fous forme de flocons rougeâtres > mais
fi Fon chauffe le mélange, ces derniers fe diflol-
vent auffï, & il en réfui te une liqueur claire d’un
rouge très-foncé-, qui fe trouble, en refroidilîant,
mais ne dépofe que peu de matière. 1
Ce qu’il y a de remarquable dans la manière
dont cette fubftance fe comporta avec l’eau, c ’eft
que fi Fon n’emploie qu’une petite quantité de
ce fluide, elle fe diflbut entièrement, & fournit
uné liqueur claire ; fi enfuite on y ajoute plus
d’eau, elle fe trouble,,& enfin s’éclaircit'de nouveau
par l’addition d’une quantité plus grande
encore de ce fluide.
II fem b le d ’après cela, qu’il y ait avec cette
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matière un autre corps qui,quand il eft concentré,
favorife fa diflolution; que ce corps perd enfuite
cette propriété par fon extenfion dans Feau.
C ’eft cette matière qui, en fe féparant, trouble
les infufions de quinquina préparées à chaud, ainfi
que les macérations évaporées jufqu’à un certain
degré. C ’eft la même que les pharmaciens ont désignée
fous le nom de répne de quinquina. Sa diffo-
lution dans Feau fe moifit au bout de quelques
jours, & forme des champignons comme une d if-
fol ution de gomme ; ce qui prouve que ce n’eft
pas une véritable réfine, car ces dernières, comme
on fait, ne fe moififîent point.
La diflolution aqueufe de cette fubftance, récemment
préparée & un peu concentrée , m’a
préfenté les effets fui va ns avec les différens agens
que je vais indiquer : i°. avec l’ammoniaque elle
s’eft coagulée en une matière blanchâtre, épaiffe,
qui devient brune à l’air, 8c fe durcit conliléra-
blement peu de terrvs après ; mais elle fe ramollit
à la chaleur, prend la ductilité & le brillant foyeux
dé la térébenthine malaxée entre les mains.
20. Elle produit à peu près les mêmes phénomènes
avec les carbonates-alcalins.-
30. Les acides ordinaires ne lui font éprouver
aucun changement' fenfible : l’acide mu ia iqne
oxigéné la jaunit fans y produire de précipitation ÿ
mais fi Fon y mêle enfuite de l’ammoniaque, il fe
forme un précipité blanc-grifàtre, léger . & floconneux.
40. La diflolution de gélatine animale ne la prc--
cipke point; cependant l’infufion de ces efpèces
dé quinquina? précipite la folution de-colle animale*
Le principe qui produit cet effet fe fer oit donc
altéré pendant l’évaporation.
. 50. Le muriatè de fer ou tout autre fel ferrugineux
y produit une couleur verte-foncéé ,
bientôt après un précipité de la même nuance.
6®. L’ émétique ou tartrite de potafle artimcnié
n’ y forme point de précipitation. Cette fubftance
n’eft donc pas la même que celle qui précipite ce
fel métallique’ dans les infufions de certaines efpèces
de quinquina.
7 q. Enfin, elle rougit très-fenfiblement la teinture
de tournefol.
L’acidité de cette fubftance & la précipitation
que les alcalis occafionnent dans fa diflolution
concentrée , me firent foupçonner qu’elle dévoie
une partie de fa folubilité à la préfence de Facide
libre qui l’accompagne;• cela.me paroilïoit fonda
fur ce qu’une fois féparée par un alcali lavée &
■ féchée, elle n’ étoit plus diifoute par Feau, que
dans une proportion infiniment petite.
Pour acquérir fur cet objet un plus grand degré
de certitude, j’en ai mis dans de l’eau acidulée
par divers acides, & j’ai vu qu’en effet elle s’y
diflolvoitavec facilité, & que fes dilfolutionsre-
prenoient une faveur amère, femblable à celle
qu’elle avoit ayant d’avoir été précipitée par les-
alcalis*