
Les expériences que je vais rapporter ont été
faites fur du camphre parfaitement pur.
2. Je mis dans une cornue de verre adaptée à un
ballon , trente grammes de camphre & foixante
grammes d’acide fu If urique pur. Le mélange jaunit
& brunit ; je le chauffai doucement pendant deux
heures ; il dégagea beaucoup d’acide fulfureux. Je
verfai enfuire fur le liquide brun épais , reftant
dans la cornue, foixante grammes d’acide fulfu-
rique, & je diflillai; il paffa dans le récipient de
l’acide fulfurique foible , dé l'acide fulfureux &
une huile volatile jaune , ayant une forte odeur
de camphre.
3. Le réfidu de la diftillation fut lavé à l’eau
bouillante , jufqu’à ce que les lavages ne fuffent
plus fenfiblement colorés ; les premiers lavages
contenoient un excès d’acide fulfurique ; les
féconds n’en contenoient qu’une trace fenfible à la
barite. Je commencerai par examiner la matière
infoluble , que je nommerai réjidu charbonneux ,• je
traiterai enfuite de la matière contenue dans les
lavages.
§. II. Examen du réjidu charbonneux.
I. Action de l'eau.
4. Le réfidu charbonneux étoit d’un noir-brillant
j il avoir une faveur un peu acide quand on le
gardoit quelque temps dans la bouche ; il rougif-
foit légèrement le papier de tournefol hume été
d’eau; lorfqu’on le faifoit bouillir pendant plufieurs
heures avec de l’eau diftiliée , il coloroit ce liquide
d’une teinte prefqu’imperceptible. Ce lavage ne
rougiffoit prefque pas le papier de tournefol; il ne
formoit pas de précipité fenfible avec le nitrate de
barite & l'acétate de plomb , même au bout de
vingt-quatre heures : évaporé à ficcité, il laiffoic
une trace brunâtre qui devenoic rofe en fe diffol-
vant dans l’eau de barite.
Ces effais m’affuroient qu’il n’ y avoit plus
d’acide fulfurique libre dans le réfi lu charbonneux
, & que, s’il en reftoit, il ne pouvoit y être
que fortement combiné.
II. Action de la chaleur.
5. Je diflillai quatre grammes de réfidu charbonneux
dans une petite cornue de verre munie
d’un ballon ; je recueillis les produits fuiv-ans :
i° . un peu d’humidité ; 20. de l’acide fulfureux ;
30. de l’hydrogène fulfuré , dont une partie fut
décompofée par l’acide fulfureux 3 & une autre
relia dans le ballon, quoiqu’il y eût un excès de
ce dernier; 40. une huile touffe qui devint brune
à l’air. Ce produit répandoit, quelque temps après-
avoir été d.ftillé , une odeur fulfureufe aromatique
3 qui participoit & de celle du fuccin & de
celle de la houille pyriteufe ; faturé par la p^taffe 3
il donna des traces d’ alcali volatil, mais en trop
petite quantité pour qu’on fe permît d’en tirai
quelque conclufion. . • I
Je reconnus par une aurre expérience,faite fur
le mercure, dans un très petit appareil, qu’il fe dé-
gageoit du gaz acide carbonique, du gaz hydrogène
oxi-caiburé, du gaz hydrogène fulfuré , &
beaucoup moins d’acide fulfureux que dans la distillation
précédente , qui avoit été faite dans un
vaiffeau contenant beaucoup d’air atmofphérique.
6. L’aétion de la chaleur prouve qu’il y a dans
le réfidu charbonneux , outre le carbone & l’hydrogène,
du foufre & de l’oxigène; mais elle ne
détermine pas fi ces derniers y font à l'état d’acide
fulfurique, ou bien combinés immédiatement au
carbone & à l’hydrogène. Quoi qu’ il en fo it, fi
l’on fait attention que le réfidu charbonneux rougit
le tournefol, -la première opinion paroîtra beaucoup
plus probable ; je l’adopterai -donc comme
étant plus conforme aux faits & à l'analogie (1).
7> La matière reliée dans la cornue après la
diftillation du réfidu charbonneux ( 5 ) étoit
noire, demi-fondue, formée de petits grains bril-
lans : elle reffembloit au coak; elle pefoit deux
grammes deux décigrammes ; elle étoit inodore ;
mais l’ayant lailfée quelque temps expofée à l’air
dans un plateau de cuivre, elle noircit ce métal
& répandit une odeur d’hydrogène fulfuré. Ce
phénomène m’engagea à faire quelques expériences
fur cette fubftance, afin de connoître l’etat
dans lequel le foufre s’y trauvoit engagé. J’en fis
bouillir avec de l’eau, mais celle-ci ne parut rien
diffoudre ; elle ne précipicoit ni l’eau de barite , ■
ni l’acétate de plomb. J’en fis bouillir pendant
plufieurs heures avec une diffolution de potaffe,
& le réfultat fut le même.
8. Ne pouvant, par ces procédés , démontrer
l’exiftence du foufre dans cette fubftance, j’imaginai
de la faire détoner avec du nitrate de pocaffe :
le réfidu de la détonation, diffous dans l’eau ,
filtré & furfaturé par l’acide nitrique, donna ,
avec le nitrate de barite, un précipité alfez abondant
de fulfate. Il eft démontré par ces faits, que
le foufre peut fe combiner affez fortement au
charbon pour réfifter à une chaleur rouge & à la
potaffe liquide. On ne peut admettre dans cette
combinaifon la préfence de l’acide fulfurique , car
tous les faits connus prouvent que les compofés
dans lefquels il eft le plus condenfé, ne réfiftent pas
à une température éUveeaux affinités du carbone &
de l’hydrogène. Si J’oxieène exifte dans cette combinaifon
, il faut qu’ily foit en petite quantité, afin
que par la chaleur il ne fe porte pas fur les combuf-
tibles pour former avec eux des produits gazeux.
D’après ces confidérations, il me femble qu’il
faut regarder la matière reliante après la diftillation
du réfidu charbonneux, comme étant formée de
carbone de foufre & d’une petite quantité d’hydrogène.
(1) Cependant il n’eft pas impo/ÏÏlile qu’ il y ait dans ce
compofè une petite quantité de foufre à l'é tat de eombuf-
tible,
5>. La combinaifon du charbon & du foafre folide
n'ell pas une chofe absolument nouvelle pour les
chimiftes. MW. Clément & Déformés en ont parlé
dans leur Mémoire fur le charbon. Depuis ,
M. Amédée Bcrthollet a fait voir que le charbon
fur lequel oh a fait paffer du foufre en vapeur
en fixoit une certaine quantité. La même combinaifon
fe produit dm* l’analyfe de la poudre à
canon : lorfqu’on a enlevé le nitrate de potaflè au
moy en deleau, le réfidu qui nefedilfoutpas,&qui
eft formé de charbon 8c de foufre, n’abandonne
qu’une partie de ce dernier par l’aétion de la chaleur;
c’eft ce dont on s’aperçoit à l’acide fuliu-
reux qui fe forme quand on vient à brûler ce réfidu,
qui a déjà été chauffé dans un creufet fermé. Ce
fait, intéreffant pour l’eflài des poudres, m’a été
communiqué par M. Prouft, lorique je lui ai fait
part de mon travail.
10. M. Prouft, frappé de l’oJeur d’acide fulfureux
que les charbons de terre exhalent en général
vers la fin de leur combustion, avoit cru un inftant
que le foufre y formoit, avec le charbon, une
combinaifon analogue à c=lle donc je viens dé
parler; mais ayant obfervé enfuite que ces charbons,
palfés à Vacide nitrique , brû.oient jufqu’à
la fin lans exhaler un foupçon d’acide fulfureux,
il en avoit conclu que le loufre n’y étoit pas combiné
au chirbon, mais au ter. Je rapporte ce fait,
parce qu’il me paroîc d’ une grande importance,
ainfi que je le dirai plus bas.
III. Action de la potajfe.
i r . L’expérience m’ayant prouvé que dix parties
de carbonate de potalfis faturé n’enlevoient, à
deux parties du réfidu charbonneux, que des traces
d’acide fulfurique, je voulus voir fi la potaffe pure
adroit plus d’adtior. A cet effet je fis bouillir,
pendant deux heures, deux grammes de rélidu
charbonneux avec fix grammes de potaffe à l’alcool:
diffous dans l’eau. Je lâiffai réagir les matières pendant
douze heures ; j’étendis d’eau & je filtrai. 11
paffa un liquide brun, & il refta fur le papier une
matière noire qui fut lavée à l’eau bouillante,
jufqu’ à ce que celle-ci ne fe colorât plus 8c ne fit
plus de précipité'avec l’eau de barite.
12. La diffolution alca'ine filtrée fut furfaturée
d’acide nitrique (1) ; il y eut une légère effervescence,
précipitations deflocons bruns, & le liquide
fut décoloré. On filtra celui-ci & on le mêla enfuite
à une diffolution de barite ; il ne fe fit pas d’abord
de précipité, mais au bout de deux heures il fe
dépofa un atome de fulfate. Il fuit de-là que la
potaffe n’enlève qu’une quantité infiniment petite
d’acile fulfurique au réfidu charbonneux.
13.1 Les* flocons bruns qui avoient été préci-
• (1) Un excès d’acide eft nécefftire pour que la précipitation
foit complète $ il paroît que cet excès entre en combi- 1
naifon. •
pi tés par l’acide nitrique de la liqueur alcaline
(12) furent lavés à l’eau froide, & enfuité
à l’eau chaude : celle-ci en diffolvit une partie, &
auroit fans doute diffous l’autre, fi elle avoir
été en quantité fuffifante ; cette diffolution étoit
légèrement acide ; les acides fulfurique , nitrique,
muriatique, la précipitoient en s’unifiant probablement
à la matière qui étoit diffoute; la barite
y faifoit un précipité foluble dans l’acide nitrique
chaud. J'ai eu trop peu de ces flocon', bruns, fo-
lubles dans la potafie, pour en déterminer la nature;
mais je les crois formés de réfidu charbonneux,
d'acide nitrique & d’un peu «Je potajffe.
14. La partie du réli lu charbonneux qui ne
s’étoir pas diffoute dans l’alcali (1 1), bien lavée
& deflëchée, donna, lorfqu’on la chauffa dans la
boule de verre, i°. du gaz acide carbonique en
grande quantité; 20. du gaz hydrogène fulfuré;
3°. du gaz hydrogène oxt-carburé; 40. un charbon
qui avoit une forte odeur de fulfuré quand
on exhaloit deffus Thaleine humide. Cette odeur
m’ayant F it préfumer qu’il retenoit du fulfuré de
potaffe, je le lavai à l’eau bouillante; mais fi l’eau
en diffolvit, il y en eut fi peu, que l’acétate de
plomb ne fut pas fenfiblement noirci. D’après ce
réfultat, je fuivis une autre marche d’analyfe; je
fis brû er le charbon, & j’obtins une cendre grifà-
tre qui, étant lavée à l’eau , donna du carbonate
& du fulfate de potaffe, ainfi que les diffolutions
de platine & de barite le firent connoître. Puisque,
dans ce compofé, il y a du foufre & de la po-
caffe qui ne fe diffolvent pas dans l’eau chaude, il
me femble très-naturel de penfer que ces corps
font fixés à la matière charbonneufe par une véritable
affinité chimique. Je penfe, d’après cela ,
qu’une partie des baies alcalines & terreufes qui
le trouvent dans les charbons de bois, & c ., peut
y être en combinaifon.
IV. Action de Vacide nitrique.
i f . Cinq grammes de réfidu charbonneux furent
mis dans une cornue avec cinquante grammes
d’acide nitrique à trente-de'ux deg. ; à froid, il y
eut dégagement de vapeurs rouges & d’acide carbonique
; à chaud,l’ action devint plus vive , & le
; liquide écuma beaucoup: lorfque la plus grande
partie de l’acide eut paffé dans le récipient, on
verfa dans la cornue vingt-cinq autres grammes
d’acide nitrique; la diffolution fut complète; elle
étoit d’un jaune-orangé foncé. On la concentra
dans la cornue, & enfuite on la verfa dans un
verre d’eau; il fe précipita une matière flocon-
neufe jaune-foncé, qui futféparée parle filtre &
édulcorée avec beaucoup d’eau froide. Tous les
lavages furent réunis & évaporés à ficcité afin
de chaffer la plus grande partie de l’excès d’acide.
Le réfidu fut repris par une petite quantité d’eau ;
on fepara, par ce moyen, de la matière flocon*
i neufe jaune peu foluble.