
quand l'atmofphère excède douze degrés ou le
tempéré, le fang fe ramollit, fe diffout, exhale
une odeur d abord fade , enfuite fétide, & finit
par fe décompofer complètement en fe pourriffant.
L ’humidité de l’air accélère cette putréfaâion,
tandis qu’une grande féchereffe réunie à une forte
élévation de température dans l’air deflèche ce
liquide, & réparait au lieu d’y faire naître la dé-
compofition feptique comme dans le cas précédent.
Le contaft du gaz oxigène rend éclatanre la cou-
leur du (ang ; le gaz azote & le gaz hydrogène le
rendent au contraire brun ou violet i le gaz hydrogène
fulfuré le noircit.
1 0 . Le fang eft entièrement dilToluble dans l'eau
quand il eft bien liquide. Lorlqu'il eft coagulé* l*eau
n'en diffout que la partie rouge , & laiffe la baie
fibreufe folide & blanche du caillot ifolée : c’eft i
le moyen que 1 on met en ufage pour réparer ces !
deux fubftances & faire un commencement d'ana- |
lyfe immédiate autant que (impie du fang. Si l'on
jette du fang dans l'eau chaude au deffus de qua- !
rante-cinq degrés du thermomètre centigrade, ce
liquide prefente une foule de petits filamens foiides
qui nagent * & quelquefois même des pellicules
ou membranes flottantes. On voit cet effet dans
les faignees du pied. Au deffus de la température
indiquée dans 1 eau ou on le jette* 1e fang Le coagule
tout entier en flocons bruns qui fe condenfent
& (e reflerrent fur eux-memes. Une longue macération
du fang dans l'eau en favorife la décompofî-
tjon putride : la matière colorante s’en précipite
en fe fonçant, & la fubftance folide du caillot
prend à la fin le caractère de graiffe adipocireufe.
Dans quelques cas deux parties d'eau & une partie
de fang ayant été coagulées au feu* la liqueur fépa-
rée du coagulum * évaporée lentement * donne un
extrait bilieux : c'eft ainfi que j’ai montré la pré-
fence de la bile dans le fang en 1790.
1 1 . Les acides mêlés au fang fluide le coagulent
& le décompofent * eii rendant fa couleur plus
foncée & plus ou moins brune quand ils font concentrés.
L'acide fulfurique concentré le brunit
fortement 8c le charbonné ; le nitrique en dégage
, en le coagulant, beaucoup de gaz azote*
& le convertit en acide carbonique, en acide oxalique,
en matière graffe & en fubftance jaune
amère : le muriatique le coagule fans altérer fen-
(iblement fa couleur ; le muriatique oxigéné le
noircit comme de l'encre. Les acides végétaux ne
font que 1 épaiflir j 1 acids acétique feul parmi eux
en opère la coagulation. Les alcalis cauftiques au
contraire liquéfient & diffolvent le fang coagulé
même par les acides. Si on les mêle à du fang tiré
récemment, & qui ne foit pas coagulé * ils en empêchent
la coagulation. On a vu plus haut comment
les alcalis * chauffés fortement avec ce liquide * fe
faturem en partie d'acide prufiique.
1 2 . On a mélangé beaucoup de fels avec le fang,
& on a vu en général que leur effet fe rapprochoit
par la propriété amifeptique 8c par le ramoüiffement
ou la liquéfaction qu'ils en opèrent, ainfi
que par l'obftacle qu'ils oppofent à fa coagulation.
U y a eu un tems où cet effet des fels & des
diffolutions falines fur le fangétoit regardé comme
un indice de leur vertu médicamenteufe ; mais on
a bientôt reconnu que cette vue étoit une véritable
erreur, dangereufe à l'art de guérir. Les fels
terreux en général font décompofés par le fang i
l’aide de la foude qu'il contient.
Les oxides métalliques n'ont pas d'aCtion fen-
fible fur le fang* excepté ceux qui, pouvant céder
promptement leur oxigène * font fufceptibles de
le coaguler. Les diffolutions métalliques précipitent
prefque toutes 8c coagulent le fang ; elles
agiffent fpécia!ément*fur fa partie albumineufe. Il
eft prefaue fuperflu d’ajouter ici que ces deux
genres de corps, les fels alcalins & métalliques *
confervent le fang 8c le défendent de la putréfaction.
13. La plupart des matériaux immédiats des
végétaux * & même des plantes entières , produi-
fent ce dernier effet fur le fang, & agiffent fur lui
comme antiputrides : c’eft furtout dans le fucre *
les huiles volatiles, le camphre , les réfines & les
baumes que réfîde cette propriété. Les diffolutions
de gomme & d'amidon le coagulent.
Le tannin précipite abondamment le fang; le
galla & l'acide gallique pur le noirciffent & y forment
un dépôt atramenteux, qui* fans autre expérience
* fert à y faire reconnoitre le fer. On peut
obtenir ce précipité en étendant le fang de beaucoup
d'eau. En même tems la propriété aftringente
de 1 acide gallique & de l’extrait qui l’accompagne
dans la noix de galle , épaiflit* condenfe & même
durcit la matière folide du fang. On remarque le
même effet dans toutes les fubftances aftringentes
végétales * en particulier dans le quinquina, le
fimarouba, l'écorce de grenade, celle de chêne,
le fumac, le brou de noix, le thé * &c.
L alcool, verfé fur le fang 3 produit aufli fa coagulation
, mais il ne le précipite qu’en petits flocons
que l'eau fépare 8c délaie prefque jufqu'à
les diffoudre.
*4- Le f ang> comme toutes les autres matières
animales particulières, a fon mode & fes phénomènes
propres de putréfaction. Sa couleur fe fonce
& brunit, fa confiftance fe perd , fon odeur devient
d'une fétidité repouffante : il s'en fépare un
grand nombre de flocons membraneux, de pellicules
brunes qui noirciffent peu à peu; il s'en dégage
une quantité confidérable d'ammoniaque 8c
de gaz acide carbonique. Il faut un tems très-long
pour qu'il perde entièrement fa forme, fes caractères
de fang , pour qu'il devienne un corps folide
, épais, extraCti forme, & furtout pour qu’il
fe réduife en une efpèce de terreau. On y trouve
alors à peu près les mêmes matériaux, que dans le
charbon qui refte après fa diftillation ou fa com-
buftion * excepté que ce réfidu conferve un toucher
gras & onCtueux * qui annonce dans fon altération
une production de matière graffe bien prononcée.
$. III. De la Çéparation & de la clarification des
matériaux immédiats du fang.
i f . Quoique tous les caractères chimiques du
fang entier ne foient pas fans intérêt, ils ne font
cependant pas auffi tranchés & auffi importans à
faifir que ceux qui appartiennent à fes démens
immédiats, aux matériaux divers qui s'en féparent
fpontanément. On fait que ce liquide* abandonné
à lui-même au fortir des veines ou des artères de
l ’animal vivant* préfente, tant qu'il eft chaud 8c
fluide, un effluve o lorant qu'on a regardé comme
un de fes principes j qu'il fe coagule ou fe prend
bientôt en une maffe tremblante, gélatiniforme,
qui fe conitenfe * fe refferre , fe rapproche peu à
peu dans fes parties, & exprime de lui-même un
liquide féreux blanc-jaunâtre ou verdâtre & tranf-
parent; qu’alors il repréfente une efpèce de caillot
, de gâteau rouge flottant, qu’on a nommé
cruor ou île rouge ; que cette formation n'a pas lieu
de la même manière quand le fang a été fort agité ;
que par cette agitation qu’on pratique fou vent
dans les boucheries , on fépare au fang une quantité
notable de matière fibreufe, folide, blanchâtre,
comme filée, qui s'attache au bâton employé
pour remuer ce liquide j que lorfqu'on a fépare
le ferum ou le liquide blanc du caillot, celui-ci,
lavé avec l'eau jetée en filet à fa furface, fe fépare
en deux matières, l’une colorée rouge, diffoute
dans l’eau du lavage * c’eft la matière colorante
du fang ; l’autre, folide , blanche, filamenteufe,
qu'on nomme fibre ou fibrine. Voilà donc cinq matières
à examiner en particulier ; favoir : l’ effluve
©dorant, le ferum, le caillot, la matière colorante
& l i fubftance fibreufe. Je commencerai par
faire remarquer que ces matériaux immédiats du
fangt\une fois féparés les uns des autres, ou même
deux d’entr'eux , le caillot & le ferum, étant une
fois ifolés fpontanément, il n’cft plus poflible de
les réunir, de les combiner^ de forte à réformer
le fang, & que, du moment ou le lien eft rompu
entr'eux par leur réparation du corps vivant & la
ceffation du mouvement v ita l, on ne peut plus
faire reparoître la compofition fanguine primitive.
§. IV. De l’effluve odorant du fang.
■ 16. Je diftingue parmi les principes prochains
du fang l'effluve odorant, pour me conformer à
l'opinion adoptée par les plus célèbres phyfiolo-
giftes , qui l’ont regardé comme un des élémens
les plus importans de ce liquide, 8c qui lui ont
attribué des effets très-puiffans dans l'économie
animale. Quelques phyficiens modernes ont penfé
que ce principe odorant étoit un gaz particulier*
& c'eft d’après cette idée que MM. Deyeux &
Parmentier ont fait des effais fur cet effluve dans
I leur nouvelle analyfe du fang. II réfulte, de leurs
expériences, qu'on ne peut obtenir ce principe
ifolé en gaz'qu'en le condenfant dans une bouteille
dont le fang, qui y avoit été mis tout chaud*
rempliffoit une partie, & dont la portion pleine
d’air recevoit ce corps odorant* cet air n’étei-
gnoit point les bougies qu'on y plongeoit j qu’il
ne précipitoit pas l'eau de chaux j qu’il étoit cependant
affez fortement imprégné de Todeur du
< fàng pour la communiquer à l'eau par l'agitation,
pour répandre au bout de quelque tems une odeur
1 fétide, & éteindre alors les bougies fans contenir
cependant de l’ammoniaque ; qu’il étoit alors
un peu moins bon à i’eudiomètre} que l’eau odorante*
extraite du fang par la diftillation au bain-
marie* & qui ne donnoit rien aux réaCtifs , s'efl:
pourrie , a dépofé des flocons & verdi les violettes;
qu’en la chauffant en cet état elle avoit
fourni un féditr.ent brûlant fur les chaib ns avec
l’odeur de la corne. Le fang diftillé avec l'alcool
leur a préfenté, dans le produit volatil, fon odeur
bien marquée quand on l'a verfé dans l’eau j cependant
cet alcool odorant n'a montré aucun effet
fur les réaCtifs,. Leschimiftes cités croyoient pouvoir
conclure de ces effais, que l ’arome du fang eft
le principe le plus altérable, & celui qui s'échappe
& change le premier ce liquide en fe volatilifant.
Je ne peux voir dans les phénomènes indiqués
qu'une légère portion de la matière du fang toute
entière, éievée en vapeur avec l’eau, 8c je ne
trouve aucun rapport entre les données des expériences
relatives à cette vapeur 8c les ufages qu’on
lui attribue. On a cru à tort que la moufle formée
parle fang, jailliffant & tombant d'en haut* étoit
la preuve du gaz ; ce n'eft que de l'air renfermé
par la vifeofité de ce liquide.
17. Quoique je n'admette pas un principe particulier
de l’odeur du fung, il n’eft pas moins important
de favoir que cette odeur eft un des caractères
les plus prononcés* & une des différences
les plus faillantes que l’on trouve dans ce liquide
vital, confidéré à différentes circonftances. L'odeur
du fang eft foible dans l’enfance & dans la
femme j elle devient très-forte dans la puberté ,
au moment où la liqueur féminale feforme abondamment
& fe ramaffe dans fes réfervoirs; elle a
dès-lors quelque chofe de fort, d acre & même
de fétide. Le fang des eunuques en eft dépourvu ,
ainfi que celui des vieillards ; auffi quelques phy-
fiologiftes ont-ils cru que Todeur du fang & des
chairs auxquelles elle fe communique , étoit due
à la vapeur fpermatique qui fe volatilifoit, fe ré-
pandoit dans l'éponge cellulaire du corps, & en
pénétroit toutes les régions. Bordeu a bien traité
I ce fujet remarquable comme un des lignes de la
î cachexie fpermatique, dans fon analyfe médicinale
du fang.
§. V. Du ferum du fang.
18. On nomme ferum, eau du fdng3 8c mai-â