VO Y A G E A U P E R O U. $
. trent dans un délire fi furieux, qu’il faut les lier pour les empêcher de fq
déchirer en pièces. Ils.expirent au milieu de leurs tranfports, comme
s’ils étoient atteints de la rage. , • ^ . ft
; U eft' bien .étonnant-que; cette cruelle maladif refpe&e les. gens,du
,payS .& ceux qui y font habitués depuis longtems, .tandis qu’elle fait de
■ fi cruels rayages "parmi les Européens nouvellement arrivés : Cependant la
chofe eft certaine : on volt ceux-là jouir d’une fànté parfaite, tandis qué
.cette funefte épidémie porte la mort parmi les autres. On remarqûùqn-
core qu’efle.fait plus de ravage parmi les équipages des VmlTeaux, que
parmi les perfonnes qui ont mangé des,mêts plus fains ; d’où l’on; conclut
que la viande falée eft pernicieufe à ceux qui font atteints de ce mal:
en effet les humeurs quelle engendre, joint au travail continué! des Matelots.,
; met leur fang dans une difpofition à fe conrqmpre aifément ; &
c’eft de ■ cette-corruption, autant qu’on le peut conjecturer, que nlît le
;^leV,^..pM\qpaet^s-^anhiers fécÿen foient attaqués; il
fe trouvé auffi des PafTagers, qui n’dnt peut-êtrè pas tâté dé viande fa-
lêe dans toute la traverfée, qui cependant en font affligés. Ce j u i frappe
le plus, c’eft que les perfonnes.qui ont été une fois dans ce Climat,
& quil’ayant quitté y reviennent au bout de deux. .pd »tfonf ans J'Wmê-
me davantage , n’en font jamais attaquées , & jouïîTent de la'mêine fan-
té que ceux du Pays, quoique leur façon de vivre n’ait pas été.des plus
^tempérantes.
L’envie de connoître la caufe d’une fi étrange maladie, a donné de
J’exercice aux plus habiles Chirurgiens des VaifTeaux, & aux Médecins
de la W fe ; & toüs les progrès qu’ils ont pu faire dans cettfe recherche,
fe réduifent à l’attribuer aux alimens & au travail des Cens dé mer,
amfi que nous Pavons déjà obfervé. On ne fauroif douter què celâ/ne
contribue fen effet en partie à ce mal; mais réfie à favoir pourquoi ceux
qui ne font point dans le même cas,"ne laiflènt pas d’être^Ô|e]quefôis
u'fidépbfiç maladie. Malheureufement, quelque expérïËKce qu’on
ait faite* pn n’a pu encore parvenir à trouver unë bonne mëpôde pour
la traiter » mfpéci f iquê ppt^ïà guérir, ni de'preTervatif pour la prévenir.
Les fymptômes en font fi différens, que fouvent elle commence
par les mêmes qu’jan reffent dans de légères indjfjïôfîtions : le vomifTe
ment en eft toutefois d’ordinaire le premier avantcoùrêtff; &■ on a re
marqué que.-lès fièvres qui le précédent font accablantes', & embarraffent
beaucoup la teçei.
" Ordinairement cette maladie ne fe manifëfte pas immédiatement après
- l’ar-
VOYAGE AU PEROU. Liy. I. Ch. W 41
^arrivée des VaifTeaux û'Europe dans la Baye, & n’eft pas non plus fort
ancienne dans le Pays; car ce qu’on y nbminoit autrefois Cbapétmmdes
n’étoient- que des indigeftions, qui quoique toujours dangereufes dans ces
Climats,étoient néanmoins aifément guéries par quelques remèdes que les
femmes du Pays favoient préparer & avec quoi elles Ies guériflkît encore,
ihrtout quand on les appîqueidès le commencement. Les VaifTeaux passant
enfùite. à ÏÏtttpiftàèkj «-’étp&rlà; que furvenort la mortalité, toujours attribuée
à Tirrégulàrité du Climat, & aux fatigues q»*effuyent les équipages
en déchargeant’,, & charïànfcles Marchàndife* pendant la Foire.
Le Vomitp Priât?è toit inconnu à etsnfièïCëtte côte ayant
1729.* & 1,73,0. f -Ala première de ces deux époques, Don Domingo
JuJliwam ,-comihandant les VaifTeaux deuGuerre Gardes-Côtes, perdit une
partie de fes équipages -par- cette, maladie kSantajdmta. Ceux qui échape-
fent furent épouvântés-des ravages que ce mal avoit fait,&delà mort d’un
fi grand nombre de leurs Camarade^ A la féconds époque.Jes équipages
des GaHiôns.commandés;par Don Manuel Lopez Pintado, en furent affligés
.à Cartbagéne, & les accîiens en furent fi foudains, que tel qu’on voyoit
fe promener un jour étoit porté; le lendemain a la fépuf ture, „
7, Les Habitafts'deja Ville de Cartbagénê & ceux détous les Lieux où s’étend
la^jùrisdiélion dé % Gouvernement, font? extrêmement fujets à la
IMprëÿou Mal dè SaàLazado. Le nombre de ceux qui'eh fontinfeélés eft
confidérableé %elques Médecins en attribuent-la caufeà la chair de Porç
tju’on fert fréquemment fur les tables : on peut leur bbjeéfcer que dans di-
verfes Contrées des Indes~où l’on mange encore plus 4# cette chair, on
n’apperçoit pas.les effetsqn’ilsdui attribuent : d’où if pgroît ,qu il faut en
chercher la principale fomce dans la nature du Çlimat.*-P our empêcher que
dette maladie rte fe: communique * il y a un Hôpital appellé l’Hôpital de
Saint Lazarefitué hors de-la Ville, affez près d’une Colline qù il y a ,un
•Château qui porte le même nom. Ç’eft dans cet Hôpital qu on renferme
tons ceux qu’on fait être attaqués de-ce mal y fans diftinéüon de fexe J| ni
jà’âge, ni de.rang; & omfes y conduire: force, «quand-ik tftfufent d’y aller
de.bonïië grace^ Cependant leur mal ne fait qu’aügme.nter pamu eux
Hans cet,llôpital, parce qu’ôn leur permet de fo marier Lépreux avec Lé-
preufe; & la maladie paffe ainfi de génération en génération. D’ailleurs
Cnieiir donnq fi;pe.u de chofe pour leur 'iùbfiftance,,. que ne-pouvant s’ac-
^ommoder d’une-économie qui leur retranche le.néçefTaire., ils demandent
:1a permifTion;depouvoir aller mendier;leur pain dans % Ville,, à quoi on
n’a garde de sroppofcr; & lé commerce qu’ils ont enfuite de cëtte permis-
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